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Violences et coups de feu à St-Didier : prison ferme pour le premier acte

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:34

Trois hommes âgés de 20 à 27 ans ont été jugés dans le cadre du renvoi d’une comparution immédiate ce lundi 11 mai 2015 au tribunal correctionnel du Puy-en-Velay pour violences aggravées en réunion et sous la menace d’une arme ainsi que pour un vol en réunion. Les faits se sont produits le 20 mars dernier, en milieu d'après-midi.
Ils ont tous des antécédents judiciaires, surtout le plus âgé qui compte une douzaine de mentions à son casier, à seulement 27 ans, et qui comparait dans le cadre d'une récidive légale. Il avait d'ailleurs été placé en détention provisoire dans l'attente de ce jugement, alors que ses deux compagnons avaient simplement été placés sous contrôle judiciaire. Le principal prévenu sortait de détention au moment des faits et il bénéficiait d'un aménagement de peine, avec un bracelet électronique.

Les agresseurs agressés
Le trio est originaire de la Loire. A priori sur un fond de trafic de drogue, les trois compères se seraient rendus au domicile d’un quatrième homme à Saint-Didier-en-Velay le 20 mars 2015, avec une arme à feu, selon les dires de la victime. Les agresseurs présumés rouent de coups leur victime avant de quitter le domicile. La crosse d'une arme à feu aurait servi pour frapper la victime et les photos du visage de ce dernier laissent présager qu'un objet contondant a bien été utlisé. Le médecin urgentiste qui a pris en charge la victime confirme cette hypothèse, même si les prévenus nient les faits.
Dans l'altercation, le téléphone portable de la victime aurait été dérobé. Cette dernière a saisi une arme à feu et a tiré par deux fois sur le trio en pleine rue, le visage ensanglanté. Il n'a pas atteint ses cibles mais une des balles s'est logée dans la carrosserie d’un véhicule se trouvant à proximité.

Il enterre son arme dans les bois... avant de l'amener à la gendarmerie
Un sapeur-pompier volontaire, passant par là par hasard, est témoin de la scène. Il va venir en aide à la victime et prévenir les secours. Le jeune homme décide de porter plainte mais ne dit pas toute la vérité dans sa première déposition. Il parle d'un pistolet à air comprimé, alors qu'il a en réalité utilisé un revolver 22 long rifle, qu'il a enterré dans un bois. Quelques jours plus tard, il revient sur sa déposition et apporte la vraie arme aux gendarmes.
Difficile dès lors de distinguer le vrai du faux dans cette affaire où les deux parties ont une version des faits parfois diamétralement opposée. La victime déclare à la barre ne connaître ses agresseurs que depuis cinq ou six ans, période de la première affaire judiciaire. Le principal prévenu, lui, remémore alors des anecdotes d'écoliers, que la victime ne peut réfuter. Cette première affaire judiciaire portait sur des armes et des stupéfiants, trouvés au domicile de la victime, qui avait alors donné le nom du principal prévenu. Depuis, ce dernier se serait juré de lui faire la peau...

"Il nous tire dessus et c'est moi qui vais en prison"
"Je ne sais pas comment il savait que j'habitais ici et pourqui il est réapparu", annonce la victime aux magistrats, "mais depuis des années, il me menace de mort". L'avocate des prévenus demande alors des détails, elle n'en aura pas. Il reconnaît simplement avoir été toxicomane, à la période où il fréquentait les prévenus. Une dette a même été évoquée lors de l'instruction, variant de 50 à 20 000 euros selon les déclarations de la victime. Les jeunes Ligériens affirment quant à eux avoir été invités à boire un verre chez la victime, mais aucune trace sur les téléphones portables ne permet de le confirmer.
"J'aurais pu mourir", constate le principal prévenu à la barre, "il nous tire dessus et c'est moi qui vais en prison. Mon seul tort, c'est de ne pas avoir moi-même porté plainte dès le lendemain. Mais chez nous, ça ne se fait pas trop...". Quant à l'arme détenue par la victime, celle-ci affirme que c'était "pour me protéger depuis les menaces de mort répétées". Elle la détenait légalement car elle est membre d'un club de tir. Mais l'avocate de la défense va rapidement prouver que l'arme était détenue bien des années avant la première affaire judiciaire.

----Lors de la confrontation entre la victime et le principal prévenu, le 1er avril dernier, ce dernier s'est emporté et a proféré moultes menaces, assurant que même s'il était emprisonné, d'autres se chargeait de lui régler son compte. Le tout devant gendarmes. Il assure l'avoir fait alors que la victime reconnaissait ouvertement mentir pour lui gâcher la vie.-----"Quand on voit comme il est déterminé à se venger, il y a de quoi avoir peur"
L'avocat de la victime a opposé "l'insolence" des trois prévenus à "un garçon tétanisé par la peur", avant de livrer sa version des faits : "à peine rentré, sa porte s'ouvre dans un grand fracas, trois hommes entrent et les coups pleuvent. Il n'y a qu'à voir les photos". Selon l'avocat, depuis la précédente affaire, où son client a donné le nom du principal prévenu, "les menaces n'ont jamais cessé. Il a déménagé, changé plusieurs fois de téléphone mais rien n'y fait, c'est infernal".
Pour lui, celui qui sortait de prison s'est livré à "un commando punitif avec deux sbires", avant d'expliquer que la voiture de la mère de la victime avait brûlé après un nouvel épisode de menaces. "Quand on voit comme il est déterminé à se venger, il y a de quoi avoir peur", juge-t-il. La victime ayant eu le nez fracturé, elle éprouve désormais des difficultés respiratoires qui nécessiteront une intervention chirurgicale. Une expertise médicale a donc été demandée et une provision de 2 000 euros, en attendant le renvoi sur intérêt civil pour chiffrer les dommages et intérêts.

Pas de légitime défense, ni pour les prévenus, ni pour l'accusé, qui sera poursuivi aussi
Yves Dubuy a ensuite pris la parole au nom du Ministère Public, citant au passage Cicéron quant à sa définition de la légitime défense avant de venir aux faits : "ils ont mené une expédition punitive entre voyous et ils veulent faire croire à de la légitime défense. Le Ministère Public ne peut la reconnaître et leur légende d'une invitation festive ne tient pas. Les blessures de la victime sont bien l'oeuvre d'une crosse de revolver, le médecin confirme. Quant à la victime, son attitude ne relève pas non plus de la légitime défense et elle sera prochainement jugée par ce même tribunal".
Considérant qu'il y avait un principal prévenu et deux autres manifestement moins impliqués dans cette affaire, avec des casiers judiciaires moins fournis, il a requis une peine de 18 mois d'emprisonnement, avec un faible sursis, pour le Ligérien placé en détention provisoire. Pour les deux autres, les peines requises sont moins lourdes et entièrement assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve.

"Pour condamner, il faut des certitudes et ce dossier n'en contient guère"
Du côté de la défense, c'est d'abord l'avocate des deux prévenus aux rôles mineurs qui s'est exprimée : "cette enquête a débuté avec un parti pris manifeste. On ne sait pas quand sera poursuivie la victime, mais il n'y a pas de comparution immédiate pour elle, qui a tiré en pleine rue...". Selon l'avocate, "pour condamner, il faut des certitudes et ce dossier n'en contient guère". Elle a alors égrené toutes les incohérences des déclarations de la victime qu'elle a qualifiées de mensonges : "il nie l'usage d'une arme à feu, qu'il enterre, il parle d'une dette dont le montant varie considérablement au fil des auditions, il dit avoir mis les douilles de son arme dans la poubelle mais on ne les a pas retrouvées...".Et s'il a d'abord dit être seul, on sait qu'il était accompagné au moment des faits, mais par qui et combien de personnes ? Il a également sollicité des amis, qui ont témoigné dans son sens, mais quelle valeur apporter à ces témoignages ? "Sa qualité de victime m'interroge", a déclaré l'avocate, s'attachant alors aux seuls témoignages neutres et objectifs des quelques témoins de la scène. Et aucun ne met en cause les prévenus, "la seule arme aperçue, c'est celle de la victime". Quant au vol du téléphone portable, faute d'éléments matériels, la relaxe est demandée dans une subtile conclusion teintée d'ironie : "peut-être qu'il l'a enterré pour s'en débarasser comme il l'a fait avec l'arme à feu".

"Rien n'a été démontré, mais il faut croire la victime, qui est incapable de donner le moindre détail"
L'avocate du principal prévenu s'est ancrée sur la même logique rhétorique au moment de prendre la parole : "tout commence par un mensonge dans cette affaire, c'est donc difficile de s'appuyer ensuite sur des certitudes". Elle s'est, elle aussi, indignée d'un jugement en comparution immédiate. Quant aux menaces, "rien n'a été démontré, mais il faut croire la victime, qui est incapable d'en donner le moindre détail. Idem pour l'arme, que personne n'a vue à part lui et qui n'a jamais été retrouvée. Et les seuls témoins objectifs dont on dispose disent avoir vu mon client fuir alors que la victime ouvrait le feu en pleine rue".
Pour elle, "on ne peut pas condamner sur la base d'un mensonge et le doute doit bénéficier à la défense", a-t-elle énoncé avant de conclure : "il avait retrouvé un CDI, il projetait de se marier et sa liberté conditionnelle a été révoquée, repoussant sa libération à février 2016. C'est déjà une grave sanction pour des faits qui restent toujours à prouver". La relaxe a donc été demandée.

Un an de prison ferme
Après délibérations et pas loin de quatre heures d'instruction, le tribunal correctionnel a rendu son jugement. La relaxe a été prononcée pour le vol en réunion et avec violences. Idem pour les menaces, exceptées celles formulées lors de la confrontation. Quant aux violences avec arme et en réunion, ils en sont tous trois reconnus coupables.
Le plus âgé des prévenus écope d'une peine de 18 mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans. "Les faits sont très graves et il s'agit d'une récidive", a commenté le président André-Frédéric Delay. Il n'y a pas d'aménagement de peine et le maintien en détention a été prononcé.
Les deux autres prévenus sont condamnés à 15 mois et 10 mois d'emprisonnement avec sursis. Tous ont l'obligation d'indemniser la victime, l'interdiction d'entrer en contact avec elle ou entre eux et l'interdiction de venir en Haute-Loire.
La partie civile a été jugée recevable et une provision de 1 000 euros lui a été accordée, alors qu'une expertise médicale a été ordonnée en vue du renvoi sur intérêt civil. Il sera par ailleurs lui aussi jugé par le tribunal correctionnel du Puy l'automne prochain.

Maxime Pitavy