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Le Puy : jugés pour avoir volé puis utilisé une centaine de chèques contrefaits

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:31

Un seul des trois prévenus est présent à l'audience, car il est détenu en prison pour une autre affaire. Ses deux complices présumées ne sont pas venues. Il doit sortir de prison le 10 avril prochain et il est père de quatre enfants, qui ne sont pas à charge car ils ont été reclassés. A l'audience, il est d'ailleurs incapable de donner leurs dates de naissance... Notons que trois de ces enfants ont été faits avec la prévenue âgée de 37 ans, qui est sous curatel (d'où le reclassement). Ils ont vécu ensemble pendant sept ans.

Un conséquent casier judiciaire
Les deux femmes de ce dossier ont un casier judiciaier vide, ce qui n'est pas le cas du prévenu détenu en prison, qui compte déjà plus de cinq pages de mentions au casier judiciaire. "Je n’ai pas eu une enfance facile, ma mère est partie quand j’avais huit ans, mon père ne s’est pas occupé de moi, à part pour me taper dessus et je n’ai pas pris le bon chemin", explique-t-il à la barre.
Beaucoup de ses condamnations sont liées à des conduites addictives mais il s'en défend : "j’ai arrêté les stups depuis plusieurs années", avant de confesser : "j’ai remplacé par l’alcool". Aujourd’hui, il a un traitement avec des soins et répond aux magistrats, qui le questionne sur son avenir : "j’espère déjà sortir de prison, trouver du travail et enfin prendre le droit chemin".

"Avec votre barbe, pas évident de se faire passer pour une femme ! "
Au printemps 2011, plusieurs dizaines de chèques contrefaits (presque cent) ont été émis dans des commerces ponots. Les trois personnes sont aussi poursuivies pour le vol de deux chéquiers (minimum, on pense plutôt cinq) à une femme de 85 ans à l'époque, décédée depuis, ce qui constitue une autre infraction : l'abus d'une personne vulnérable. En parrallèle, cette personne âgée a également été dépossédée de bijoux et de napoléons d’or, dont le total est estimé à  environ 4 500 euros mais ils ne sont pas poursuivis pour cette affaire.
A chaque fois, ce sont de petites sommes qui sont écoulées dans les commerces et restaurants ponots. Le total de la centaine de chèques ne dépasserait pas les 800 €. "Les chèques, j’ai rien à voir dans cette histoire, les commerçants pourraient vous le dire", explique le jeune homme à la barre. Effectivement, selon l'audition des commerçants abusés, c’était toujours deux femmes qui faisaient les faux chèques. Mais c’est lui qui aurait volé les chéquiers en premier. "Si j’avais volé un chéquier, je m’en serais servi", tente-t-il de se justifier, "oui mais avec votre barbe, pas évident de se faire passer pour une femme ! ", lui renvoie le Président Delay en pleine figure, puisque le prénom figurant sur le chéquier était féminin.

"Elles ont voulu tout me mettre sur le dos"
Dans leurs déclarations, les deux femmes rejettent la faute sur le prévenu qui rétorque : "c’est n’importe quoi, si elles n’avaient rien à se reprocher, elles seraient là", avant de revenir sur sa relation avec la mère de ses enfants : "ça marchait plus trop entre nous à l’époque et comme elles étaient bonnes copines, elles ont voulu tout me mettre sur le dos". Les deux filles achetaient des cartouches de cigarettes avec les chèques volés. Un jour, un des buralistes abusés les a reconnues en ville et les a dénoncées. Elles sont alors interpellées et mettent en cause le jeune homme.
"Contre vous, il y a surtout les déclarations de ces deux femmes, qui ne sont pas présentes aujourd‘hui", déplore le Président Delay qui ajoute que la plus âgée des deux est poursuivie pour une autre affaire le jour même, où elle aurait volé un sac à main et une carte bancaire à une jeune fille.

"C'est bien lui qui a introduit les loups dans la bergerie"
Lors de ses réquisitions, Yves Dubuy, représentant le Ministère Public, a ironisé : "j’ai bien compris qu’il n’avait rien fait et qu’il était innocent mais c'est bien lui qui a introduit les loups dans la bergerie. Le vol et le recel des chèques sont avérés, ou seront au moins requalifié en complicité". Acceptant la relaxe pour la falsification de chèques et l'abus de faiblesse, il a requis deux mois ferme d'emprisonnement, pointant son lourd passé judiciaire et la récidive.
Pour la jeune femme, trois mois avec sursis sont requis, les faits étant admis mais le casier judiciaire vierge. Idem pour la femme de 37 ans, et la relaxe est acceptée par le Ministère Public pour les faits d'escroquerie et d'abus de faiblesse opur les deux femmes.

"Un vrai travail de cochons des enquêteurs dans cette affaire ! "
L'avocate du jeune homme s'est alors avancée à la barre et a tempêté : "on a assisté à un vrai travail de cochons des enquêteurs dans cette affaire ! ", avant de développer : "dans l’audition de la victime, mon client n’est jamais cité. Les commerçants abusés parlent seulement de deux femmes, jamais de mon client. Simplement, il est bien connu de la justice...", insinue-t-elle.
Elle relève également que les chèques émis le sont toujours dans l'intérêt des deux femmes, avant de s'insurger : "pour quel vol est-il poursuivi ? Si on ne se base que sur son casier judiciaire, c’est un peu court en argumentation pour dire qu’il a fait entrer loups dans la bergerie et on peut considérer sérieusement l'adage qui a volé volera". Elle a donc demandé la relaxe en concluant : "il n'y a absolument aucun élément matériel à l’encontre de mon client pour le condamner".

"Tout ce qu'il dirait serait parole d’évangile ? C’est un peu facile avec un tel casier judiciaire"
Le conseil de la plus jeune femme a simplement insisté sur "la franchise de sa cliente, qui a tout reconnu, depuis le début". Il a également expliqué que les deux femmes étaient sous la menace du jeune homme et qu'elles "devaient lui ramener l'argent pour qu’il achète sa drogue, sinon il se montrait violent".
Enfin l'avocate de la plus âgée des deux femmes s'est agacée : "à entendre ce jeune homme, il donne impression d’avoir été la victime d’un complot féminin mais il a quand même fait trois enfants à ma cliente ! Il a bien profité de la situation et tout ce qu'il dirait serait parole d’évangile ? C’est un peu facile avec un tel casier judiciaire". elle a également mentionné la "situation difficile de cette femme fragile, enceinte, qui a pris de la drogue sous la mauvaise influence du prévenu" et elle a donc requis "des peines modérées".

"En France, il vaut mieux relâcher un coupable que condamner un innocent"
Après en avoir délibéré, le tribunal correctionnel n'a retenue qu'une seule infraction contre le jeune homme, en requalifiant les faits en recel de chèques contrefaits. Pour le reste, il a été relaxé "au bénéfice du doute, car on ne dispose pas d'assez d'éléments objectifs", et le Président Delay a ajouté : "en France, il vaut mieux relâcher un coupable que condamner un innocent". Il a tout de même écopé d'une peine de deux mois de prison ferme.
Quant aux deux femmes de ce dossier, elles sont toutes deux reconnues coupables de vol aggravé, contrefaçon et usage de chèques contrefaits, et relaxée pour le reste. elles héritent toutes deux de peines de trois mois d'emprisonnement avec sursis.

Maxime Pitavy