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Quand l'enseignement traverse les murs d'une prison

, Mise à jour le 26/11/2020 à 19:23

Bertrand Fraisse est âgé de 47 ans, il est enseignant depuis 20 ans. Mais il ne propose pas ses cours n’importe où, c’est à la maison d'arrêt du Puy qu’il enseigne depuis 8 ans. Il l'assume : « C'est un choix. Je savais que je rencontrerais des personnes qui ont fait des choses punies par la loi ».

Enseigner en prison ?
Les détenus qui le souhaitent peuvent suivre des cours et même passer des examens pendant leur séjour en prison. Cet enseignant dépend toujours du Ministère de l’Éducation mais a également des comptes à rendre au directeur du centre d’arrêt où il travaille. Pour exercer dans le milieu carcéral, il faut bien entendu être professeur des écoles mais également passer un entretien de motivation devant le directeur de la maison d’arrêt, l’inspecteur de l’éducation nationale et le proviseur. Ce dernier chapeaute tous les enseignants sur une région donnée.
Une spécialisation est fortement recommandée, bien qu'il n'en existe pas pour le milieu carcéral. Bertrand Fraisse a choisi : Enseignement avec les adolescents en difficulté qui se rapproche le plus de son activité.
----En France, il y a 180 établissements pénitentiaires. Au niveau de la région Rhone-Alpes/Auvergne il existe 19 établissements avec 50 ou 60 enseignants, tous placés sous l'autorité de la proviseur, Elisabeth Martin, basée à Lyon.

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Coup de coeur pour le métier
Le ponot a été employé de bureau mais cette profession ne lui correspondait absolument pas. Ne voulant pas faire son service militaire, il est devenu objecteur de conscience donc tenu d'offrir deux années à une association. Il a choisi de se mettre au service de la CPIE (Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement) qui accueillait des classes d'enfants. C'est à ce moment que Bertrand Fraisse a eu un coup de coeur pour l'enseignement.

Suivi individualisé
L’enseignant suit un emploi du temps sur quatre jours comme dans une école conventionnelle. Les classes sont composées d’une dizaine de personnes pour permettre un travail individualisé qui donne les moyens à chaque élève d’avancer à son rythme comme nous l’a expliqué Bertrand : « Il se peut qu'un détenu travaille les mathématiques pendant qu’un autre étudie le français ou encore l’informatique ».

Pour aider 
Bertrand Fraisse est le seul professeur de la maison d’arrêt du Puy qui compte entre 60 et 70 détenus en moyenne. Il témoigne avec passion : « Je suis là pour aider les gens à profiter de leur temps de détention pour bâtir un projet en vue de favoriser leur réinsertion professionnelle. Je suis à l'écoute de leurs demandes pour savoir ce qu'ils ont envie de faire et à terme pour qu'ils puissent rebondir et trouver un travail ».
----Les objectifs des élèves de Bertrand Fraisse sont divers :

  • apprendre à lire, les bases du français ou simplement se mettre à niveau,
  • préparer le certificat de formation générale (il y a une session en décembre et une en mai), le diplôme national du brevet ou même le bac,
  • s’initier à l’informatique en passant un brevet,
  • préparer le code de la route,
  • apprendre l’anglais,
  • passer un CAP cuisine…

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Chacun son programme
À l’arrivée des nouveaux détenus, Monsieur Fraisse les convie à un entretien individuel pour connaître leurs parcours scolaires, leurs expériences professionnelles et leur durée de détention. Avec ces informations, il juge si les cours peuvent être utiles ou non. Ils sont basés sur le volontariat donc seules les personnes motivées s’y inscrivent. Ensuite, un projet est adapté au temps de détention, un contrat est signé en gage de promesse d’assiduité et de respect (notamment envers les autres détenus). Le ponot n’a exclu que deux ou trois élèves en huit ans, il insiste : « En règle générale, ce sont des gens qui sont très respectueux et qui sont conscients de la chance qu'ils ont de venir à l’école ».

Des apprentis cuisiniers
Le CAP (Certificat d'Aptitude Professionnelle) cuisine représente une part importante du professeur ponot puisque huit détenus peuvent suivre la formation qui dure neuf mois. Un formateur cuisinier vient le matin et les élèves préparent des plats qui sont servis à l’ensemble de l’établissement. Ensuite, c’est Bertrand Fraisse qui aide les détenus à préparer les épreuves de français, mathématiques et d’histoire-géographie. Le Gréta du Velay apporte également de l’aide au travers de professeurs d’anglais, de physique-chimie, de connaissances en entreprise, de prévention-santé-environnement et du formateur cuisinier. Puis, l’examen est passé au sein de la prison.
Bertrand Fraisse se souvient : « Nous avions eu un jeune multirécidiviste pour lequel nous avions peu d'espoir puisque le contexte familial était défavorable mais il s'en est sorti grâce au CAP cuisine. Aujourd'hui il travaille dans un restaurant de la région de Limoges ».

Quelles sont les difficultés ?
Le taux de réussite pour le CAP cuisine frôle les 100% mais à cela rien d’étonnant pour l’enseignant : « C’est une occasion de s’en sortir donc ils se donnent les moyens d’obtenir leur diplôme ». Il y a également de bon résultats pour les autres formations. L'enseignant met quand même en garde : « Ce n'est pas parce qu'ils ont un dîplome que leur parcours sera forcément facile ». Mais pour lui, la difficulté ne réside pas dans l'obligation de résultats : « Je ne suis jamais en face du même groupe : il y en a qui rentrent, d'autres qui sont libérés donc je vais toujours à droite et à gauche pour les aider » .

Préparer tous les diplômes ?
Bertrand Fraisse fait tout son possible pour aider les détenus mais dans quelque cas, il n’a pas les connaissances nécessaires : « Un détenu souhaitait faire un BTS en sylviculture, je l’ai mis en relation avec des organismes d'enseignement à distance comme le CNED (Centre National d'Enseignement à Distance) ou d’autres organismes. Comme cela, les professeurs font passer les cours et les devoirs et je peux aider à la préparation ».

Cet enseignant se dévoue avec passion pour donner une seconde chance à des jeunes désireux de renouer avec une vie normale.

N.P. et E.J.