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Saints de glace : en Haute-Loire, une tradition tenace

, Mise à jour le 26/11/2020 à 19:21

Basé sur une vieille croyance reposant sur des observations dans les champs et les vignes, il est tous les ans une question qui revient et fait référence aux Saints de glace et aux variations climatiques de cette période, avec un retour tardif des gelées.
D'abord il faut savoir qu'il s'agit des 11, 12 et 13 mai, dates de mauvaise réputation pour toutes les mains vertes qui ne jardinent jamais avant le passage de ces journées annonciatrices d'un retour tardif des gelées, capables de réduire à zéro le travail des téméraires qui auraient osé planter avant cette échéance.

Des Saints qui ont disparu du calendrier
Les Saints de glaces sont fêtés chaque année les 11, 12, 13, jours qui correspondent respectivement aux St Mamert, St Pancrace et St Servais du calendrier grégorien. Ne cherchez pas sur les calendriers ces Saints qui ont été remplacés par Sainte-Estelle, Saint-Achille et Sainte-Rolande.
Cette substitution fut terminée lors du dernier concile de l'Eglise catholique en 1960 qui "nettoya" le calendrier de tous les personnages donnant lieu à des pratiques rituelles peu conforme avec la liturgie et considérées comme entachées de fond païen.

Passer le cap pour lancer les grands travaux de printemps
Depuis très longtemps déjà, on avait constaté une brutale chute de la température nocturne ou plutôt matinale tous les ans aux alentours de ces trois journées. Cet élément climatologique qu'est le gel, particulièrement désastreux pour les plantations qui pourraient se trouver alors en début de germination, incite à laisser passer l'événement avant d'entreprendre les grands travaux de printemps.
Pour les jardiniers et maraîchers, il est serait donc préférable d'attendre d'avoir passer ce cap pour planter, repiquer, semer et mettre en terre en toute quiétude. Aujourd'hui encore, ils ne négligent pas ce vieux dicton et même la météorologie, pourtant peu soucieuse des proverbes, ne nie pas qu'il existe une période très froide qui peut survenir jusqu'en fin mai.

----Cette hypothèse est contestée par une partie de la communauté scientifique et les observations basées sur les dernières années tendent à montrer que le mois de mai s’avère être de moins en moins une période à risque pour les plantations. D'autre part, les statistiques climatologiques mettent en évidence une période plus froide autour du 20 mai en France, et non pas lors des Saints de glace actuels.-----Un obstacle aux rayons du soleil
Des astrophysiciens expliqueraient l’origine de cette croyance par le fait que vers mi-mai l’orbite de la Terre traverse une zone de l’espace chargée de poussières (constituées de résidus de planètes) qui représente un obstacle aux rayons du soleil. Les effets du soleil sur la Terre seraient alors diminués, ce qui conduirait à une baisse significative des températures.
De nos jours, il semblerait que celle-ci ait été avancée d’au moins un mois, plutôt dans le courant du mois de mars. Il n’est pourtant pas impossible qu’une vague de froid se produise au mois de mai. En effet, des courants froids venus des hautes latitudes envahissent parfois la France. Ils engendrent une baisse marquée des températures. Sous un ciel dégagé et sans vent, des gelées tardives peuvent alors se développer.

"C'est loin d'être une légende"
Pour Mickaël Vacher, membre des JA (Jeunes Agriculteurs) de Haute-Loire, "c'est loin d'être une légende, on a l'habitude d'avoir des gelées tardives". Il conseille effectivement d'attendre d'avoir passé ce point de repère pour lancer les semis et observe : "en agriculture, c'est très regardé, c'est une période très critique car il y a toujours le risque de tout perdre avec de fortes gelées matinales".
Ce sont les pommes de terre, les tomates et fleurs qui sont le plus impactées par le phénomène pour le jardinage, et le foin, l'ensillage d'herbes et les céréales (maïs) pour l'agriculture. Concernant la pomme de terre, sa culture (hors potager) est essentiellement localisée sur le canton de Craponne-sur-Arzon. "Pour tout ce qui est en terre avant les Saints de glace, il n'y a pas de problème, c'est pour ce qui est déjà sorti de terre qu'il y a un danger", précise-t-il.

Le jardinage plus concerné que l'agriculture
Laurent Duplomb, Président de la chambre d'agriculture, ne tient pas tout à fait le même discours sur le phénomène : "il y a bien une certaine forme de vérité dans ce dicton, qui vient de la mémoire perpétuelle du monde rural, mais dire que l'agriculteur va aller regarder précisément à quel moment sont les Saints de glace pour positionner son semi, ça serait exagéré. Je pense que les jardiniers y sont très sensibles, les agriculteurs moins".
Le jardinage est plus concerné que l'agriculture, mais les pertes n'ont pas la même portée en cas de gelée entre un loisir et une profession...Il reconnaît justement que pour le maïs, par exemple, "on reste très prudent et on va éviter de le semer de façon trop précoce". Enfin, pour protéger les cultures en place, il conseille "l'utilisation d'une serre, d'un chassis, ou du paillage" et conclut : "dans les jardins, plutôt que de repiquer les plants de bonne heure, il faut souvent mieux attendre".

La Haute-Loire épargnée cette année
Cette année, nous n'aurons pas noté de gelée pour les Saints de glace, notamment grâce à un ciel couvert. "Ce mardi par exemple, on a eu 3-4 degrés", témoigne Laurent Duplomb, installé à Saint-Paulien, "mais il y a certainement des zones du département qui ont eu un peu de gel et il y a des années où on a eu jusqu'à -5 degré et là les conséquences sont graves pour les cultures, mais cette année, on peut pas dire que les Saints de glace ont été mauvais".
La Haute-Loier aura donc, semble-t-il, été épargnée. "Mais l'an dernier à cette époque", se souvient Mickaël Vacher, "ça avait gelé très fort. Ce n'est pas systématique, ce n'est pas chaque année, mais on a l'habitude de voir des gelées aux Saints de glace". S'il s'agit d'un dicton encore très intensément suivi en Haute-Loire, les Saints de glace sont désormais passés et on peut enfin se lancer, l'esprit libre, dans les grands travaux de printemps.

Maxime Pitavy

  • Voici une liste des nombreux dictons concernant les Saints de glace qui ont traversé les âges :

* Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace.
* Quand il pleut à la Saint-Servais, pour le blé, signe mauvais.
* Saints Mamert, Pancrace et Servais sont toujours des saints de glace.
* Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace.
* Saints Pancrace, Servais et Boniface apportent souvent la glace.
* Avant Saint-Servais, point d'été ; après Saint-Servais, plus de gelée.
* Quand il pleut à la Saint-Servais, pour le blé, signe mauvais.
* Saint-Servais quand il est beau, tire Saint-Médard (8 juin) de l'eau.
* Quand la Saint-Urbain est passée, le vigneron est rassuré.
* À la Saint-Urbain, la fleur au grain
* Gelée le soir de saint Urbain, anéantit fruits, pain, vin.
* Le soleil de Saint-Urbain amène une année de grand bien.
* À la Saint-Urbain s’il fait beau, on le porte en procession. S’il gèle, les vignerons fâchés le jettent le cul dans les orties.
* Erbinet (ou Urbinet), le pire de tous quand il s'y met, car il casse le robinet
* S'il pleut à la Saint-Urbain, c'est quarante jours de pluie en chemin.
* Mamert, Pancrace, Servais sont les trois Saints de Glace, mais Saint-Urbain les tient tous dans sa main.
* À la Saint-Georges sème ton orge, à la Saint-Marc c'est trop tard.
* Saint-Servais, Saint-Pancrace et Saint-Mamert font à trois un petit hiver.
* Marquet, Georget et Philippet sont trois casseurs de gobelets
* Geourgeot, Marquot, Philippot, Crousot et Jeannot sont cinq malins gaichenots [garçonnets] qui cassent souvent nos goubelots [gobelets].
* Au Saints Glace, celui qui porte la barbe ne la rase pas pendant trois jours.