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Janine Trévis : « Une main de fer dans un gant de velours »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 10/11/2022 à 06:00

Après 54 années de photographie, Jeanine Trévis tire sa révérence. « Une main de fer dans un gant de velours » pour reprendre la formule de nombre de médias. Et un regard d’or. Ses yeux gris vert en ont vu passer des visages et des figures, pris dans des instants de grâce qui ont fait de Janine Trévis une signature de renommée internationale. Le 24 décembre 2022, son studio installé au Puy depuis maintenant 15 ans ouvrira ses portes pour une toute dernière fois.

C’est vrai qu’elle est impressionnante. Grande, des traits sévères, un regard perçant. Parfois, ses yeux se perdent quelque part en même temps que l’on parle, puisant dans sa longue expérience une anecdote parmi les milliers qui ont marqué sa brillante carrière. Sa voix feutrée par les fines cigarettes qui s’enchaînent raconte son histoire. Et un à un les morceaux d’un puzzle forme ce personnage haut en couleur, haut en relief et en noir et blanc.

« J’avais choisi le métier de fleuriste »

Du haut de ses 70 ans, Janine Trévis a nourri le monde de la photo pendant 54 ans. Mais avant d’encombrer ses étagères d’innombrables distinctions comme le trophée Objectif d’Or, Meilleur Ouvrier de France, le 1er prix français Gold Award ou encore celui du Photographe European Portrait (unique Française à avoir remporté ce prix), elle a failli dévouer ses talents...aux fleurs. « À l’école, je n’étais pas ce qu’on appelle une élève modèle, confie Janine Trévis. Mais à la maison, mon père qui était boulanger nous menait la vie dure pour que l’on réussisse. Un jour, ma mère m’a alors posé dans les mains un livre épais qui détaillait 100 professions différentes. J’avais choisi le métier de fleuriste ».

« Puis à ma communion, j’ai reçu un appareil photo »

Mais en dépit de ses recherches, sa maman rentre bredouille. Aucun apprentissage dans le domaine des fleurs n’est disponible à ce moment-là. « Puis à ma communion, j’ai reçu un appareil photo en cadeau, sourit Janine Trévis. Et j’ai commencé ainsi à l’âge de 16 ans ». Et comme un hasard évident, elle trouve un apprentissage au studio Machabert, au boulevard Saint-Louis. « J’ai attaqué avec une chambre photographique en bois !, partage-t-elle. Là, on était loin des engins numériques d’aujourd’hui ».

« Un jour, le patron de Kodak me demande qu’elle est la plus belle photo que j’ai prise dans ma carrière. Je lui ai répondu celle que je ferai demain ». Janine Trévis

Une femme dans un métier d’homme

Au-delà du boîtier et des techniques de prise, la jeune apprentie se fait rapidement remarquer par son engouement et son aisance à retoucher les négatifs. « Le jury du CAP qui n’était occupé que par des hommes m’a même délivré une mention spéciale pour ça ! », se rappelle-t-elle. Et pour toujours maîtriser son savoir-faire, elle est admise à suivre des cours de photographie dans une école de Saint-Étienne.

La spécialité de Janine Trévis ? Le portrait.
La spécialité de Janine Trévis ? Immortaliser l'humain et ses émotions. Photo par Janine Trévis

Au delà des frontières européennes

Tout se déroule alors à la vitesse d’un flash. En 1974, à 22 ans, elle se met à son compte au 33 boulevard du Maréchal Fayolle. En ces temps où les réseaux sociaux sont encore loin d’être imaginés, son nom dépasse pourtant vite les terres altiligériennes. Ses photos s’arrachent partout en France et de plus en plus de clients sollicitent ses services. « On m’avait demandé d’être conférencière pendant six mois au Canada pour parler de la photo et de mes techniques mais j’ai refusé, livre-t-elle. Je ne voulais pas laisser mon magasin aussi longtemps ». Elle a tout de même foulé le sol des USA, du Royaume-Uni ou encore de l’Autriche pour s’imprégner du savoir de ses paires et assouvir une curiosité infinie.

« Je ne peux pas rêver d’une vie professionnelle plus agréable que celle que j’ai eue. Et j’avais l’impression qu’il n’y avait rien d’impossible dans tout ce que je voulais faire ». Janine Trévis

« Ma passion, elle, est intacte et le restera comme au premier jour »

Le 24 décembre 2022, le Studio de photo de Janine Trévis ouvrira ses portes...pour les refermer à jamais. « Avant, c’était un radiologue installé ici, souffle la grande Dame. Et bien avant encore, il y avait des écuries où l’on voit encore les anneaux aux murs pour accrocher les animaux. J’ai ouvert ici au mois de juin 2007. Pour que ça devienne cet espace aussi grand et lumineux, mon mari et moi avons effectué beaucoup de travaux de rénovations et autant de frais ».

Entre deux demandes de clients elle ajoute en fin : « Le magasin ferme. C’est vrai. Mais ma passion, elle, est intacte et le restera comme au premier jour ».

Sa maitrise des négatifs a fait de Janine Trévis une photographe particulière.
Sa maitrise des négatifs a fait de Janine Trévis une photographe particulière. Photo par Janine Trévis