Visières, poignées de portes mains-libres, masques de plongée adaptés... les Makers de Haute-Loire mobilisés

jeu 07/05/2020 - 20:23 , Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

Le manque de dispositifs médicaux a été criant au niveau national mais aussi au niveau local au début du confinement. Conformément aux objectifs d’un Fab’Lab et surtout avec l’aval du directeur de l’IUT du Puy-en-Velay, Adelaïde Albouy-Kissy, la directrice du lab’, a pris l’initiative de mettre à disposition ses compétences, le matériel du Fab’lab (en particulier ses imprimantes 3D) et sa réactivité pour pallier les manques en dispositifs médicaux dans les lieux de soins, mais pas seulement. Adelaïde Albouy-Kissy détaille pour nous les différentes phases de l’action du réseau qui s’est mis en place, localement animé par ceux qu’elle appelle les «makers» .
Au départ, une démarche personnelle non associée à celle du Fab’lab de l'IUT
« Dès que l’IUT a fermé, j’ai interrogé Olivier Guinaldo, le directeur de l'IUT, pour lui demander de pouvoir déplacer les imprimantes du labo chez moi. Il a immédiatement accepté et nous nous sommes mis au travail, mon mari, moi et les membres du réseau local. C’est donc bien avant tout une initiative et une démarche personnelle. D’ailleurs, nous avons, avec mon mari Benjamin qui travaille aussi à l'IUT, poursuivi notre activité d’enseignement... en plus de notre nouvelle mission de professeur des écoles pour nos propres enfants. Avec la fabrication et la mise au point des objets à imprimer, nous avons donc mené une triple activité », explique l'enseignante multi-casquettes.
Si l’initiative est à l’origine personnelle, la méthode et la logistique est, elle, une parfaite démonstration de la logique de travail en réseau et de mutualisation des énergies des makers et d’un Fab’lab. 
Plus 1600 objets imprimés gratuitement avec l’aide de la Région
Adelaïde Albouy-Kissy décline pour nous ce que recouvre le terme Fab'lab : « Le principe d’un Fab’lab est de pouvoir répondre localement à une problématique constatée. Ici le besoin en urgence de dispositifs de protection pour les soignants puis plus tard pour fournir les forces de l’ordre et enfin toutes les professions en contact avec la maladie, chacune avec des problématiques spécifiques ».
Pour cela, il a fallu s’entendre avec les utilisateurs sur le meilleur modèle possible : « C’est la visière la plus simple qui a été choisie car elle est aussi la plus légère à supporter et qu'il est très facile de changer la feuille plastique autant que de besoin. En revanche, les visières distribuées aux gendarmes qui sont en bord de route et soumis aux intempéries, surtout au vent, ont dû être adpatées. Elles s’arrachaient ou se soulevaient trop facilement. Nous y avons donc adapté un système de renfort en rajoutant des mollettes plastiques imprimables et vissables sur des serre-têtes spécifiques. Là, la force du réseau et de la discussion a permis de trouver des solutions et d’adapter des modifications en un rien de temps ». Une adresse e-mail et un Google doc ont aussi été créés afin de répertorier les demandes, les besoins et la réalisation des commandes dans un document unique accessible et partagé entre tous. C’est ça l’esprit des makers.
----Exemple de demande au groupe visières solidaires 43
"Bonjour je suis à la recherche de visière pour mon mari médecin à Bas-en-Basset. Pouvez-vous me dire comment je dois procéder pour en acheter et surtout les recevoir rapidement. Merci"
Réponse d’Alexandre Philis :
"Bonjour, il suffit de nous envoyer un mail à visiere43@gmail.com en indiquant le nom du cabinet, le nombre de personnes à équiper ainsi qu'un contact avec un numéro de téléphone. On devrait pouvoir vous fournir ça rapidement. Bonne journée."
-----« Au niveau local, un réseau très actif s'est constitué avec mon mari Benjamin Albouy-Kissi, Laetitia Nicoux, de l'ESEPAC, qui produit des visières avec les imprimantes 3D de l'ESEPAC et Alexandre Philis, du groupe FaceBook visières solidaires 43 qui compte près de 100 membres ».
Ces visièresont été distribuées début mai dans les commerces de la communauté comme nous l'avons publié la semaine dernière.

Outre les visières, s’est présentée la question du maniement des portes dans les établissements de soins. Des poignées de portes mains-libres ont donc été testées puis imprimées en série selon les mêmes méthodes d’échange de fichiers d’impression "open source". Ces poignées ont été distribuées plus spécifiquement dans les Ehpad.

Une pièce d’adaptation pour les masques de plongée du magasin d’une marque de sport connue a aussi été imprimée par avance en cas de besoin pour l'hôpital  local. Des attaches masques ont également été fabriquées.

Les "makers" ont conçu un respirateur en 4 mois seulement
En défendant le principe d’écoconception numérique, les makers revendiquent une logique similaire à celle des acteurs de la filière courte alimentaire. Ils ont pour ambition d’apporter des réponses locales à des problématiques locales dans un souci de limitation de l'empreinte écologique du produit réalisé.
Par exemple, les makers du réseau français ont démontré durant ces quelques semaines qu’ils avaient apporté une réponse efficace et économique dans la mise en production d’un respirateur de nouveau type.
Au départ, des makers d'un Fab'lab de Nantes réfléchissent à des prototypes de respirateurs expurgés de toutes pièces et options superflues pour créer une machine facile à construire, légère et d’un coût le plus bas possible. Un prototype a ensuite été confié au service R&D (Recherche et Développement) de SEB installé à Ecully (Rhône). Grâce à ces échanges de compétences et de matière grise, cette méthode de mutualisation, une machine efficace, adaptée aux besoins du Covid-19 a été mise au point et agréée pour un prix plus de quatre fois moindre à celui des machines existantes. Ces respirateurs sont aujourd'hui utilisés dans de nombreux services de réanimation. « Cette expérience devrait préfigurer ce que pourrait être l’innovation technologique dans le monde nouveau en mettant en résonance les moyens locaux et les unités de recherche des grandes entreprises qui comptent aussi sur cette matière grise pour aller plus vite. Ce process est plus résiliant et moins coûteux en s'inscrivant dans une boucle locale plus vertueuse. Il faut savoir que l’empreinte écologique de la société numérique est devenue telle qu’il faut la réduire de façon urgente. Aujourd’hui les technologies autour de l’économie numérique dépassent en consommation énergétique l’énergie consacrée à la filière du transport aérien, conception et fabrication des avions compris ! » explique Adelaïde Albouy-Kissy
En fabricant des masques en tissu, les couturières sont aussi des makers sans le savoir !
Les makers ne sont pas seulement les personnes qui utilisent les nouvelles technologies, les imprimantes 3D et autres scanners tridimensionnels. Toute personne qui répond avec des moyens propres à la résolution d’un problème local peut être assimilée à un maker. L’exemple le plus évident est celui des couturières qui, ici comme partout en France, ont cousu des masques en partageant des modèles comme le modèle Afnor (voir notre article sur le sujet).
T.C.

Mais aussi :
A Vorey-sur-Arzon, le garagiste Rémi Rousset a utilisé les ressources qui étaient à sa portée et son sens de l'à-propos et du bricolage pour équiper, dans l'urgence du début de crise, ses voisins commerçants de cloisons vitrées. A Beaulieu, Léo Liogier, 13 ans, engagé dans une formation de jeune sapeur-pompier, a mis à profit son imprimante 3D et son sens de l'initiative pour produire en série des supports de visières qui connaissent un véritable succès.
> Lire : Emblavez : solidarité et système D parmi les confinés (01/05/2020)

Vous aimerez aussi

Vos commentaires

Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire