Vincent Jolfre, photographe...et voleur d'ombre et de lumière

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 24/05/2023 à 06:00

Noir et blanc. L’eau, la terre, l’air, le feu. Et la Haute-Loire comme la somme des quatre éléments. L’ouvrage « Mon grand large » de Vincent Jolfre n’est pas une compilation d’images capturées au hasard des pas. C’est l’identité du « pays », c’est son histoire, sa force et son caractère qui sont restitués comme jamais par cet alchimiste du clair-obscur.

Une photo, c’est plat. Aussi plat qu’une page, qu’une feuille, qu’elle soit posée sur un beau papier glacé ou une simple robe de cellulose agglomérée. Une photo, ce n’est ni froid ni chaud au toucher. Ce n’est pas humide, ce n’est pas brûlant, ça ne souffle pas, ça ne fait pas de bruit.

Et pourtant, dans les fragments du département chapardés par l’objectif de Vincent Jolfre, cette logique des choses n’est pas respectée. Certaines photos crachent un vent glacial qui semble hurler sous les portes des mansardes du Mézenc. D’autres vous agrippent fermement pour un saut dans le vide, une chute dans les vallées de la Loire ou le Cirque des Boutières.

Il y a des photos torturées, anguleuses et sépulcrales. Il y a des photos claires, douces et fragiles. Il y a celles où le feu du soleil danse avec les nuages et le corps des arbres. Et d’autres où les vieilles pierres des églises attendent que vos doigts touchent leur rugosité, lézardées et griffées par le temps.

Et pour beaucoup, elles nous rappellent la petitesse de nos êtres devant l’infini des paysages, des horizons encore identiques ou si peu changés depuis que le monde est monde. Des lieux d’une effroyable beauté, un spectacle quotidien à la fois si proche et si loin de nous.

« J’ai eu des ciels à couper le souffle, des arrêts sur l’espace tellement beaux qu’il me semblait même difficile à restituer ! » Vincent Jolfre

Quand le soleil se lève sur les brumes de Solignac...
Quand le soleil se lève sur les brumes de Solignac... Photo par Vincent Jolfre

« Pour capturer l’Instant avec une majuscule »

« J'ai quitté le journal l’Éveil il y a seulement deux ans, mais cela fait des années que je travaille sur ce projet, partage Vincent Jolfre, photographe natif du Bouchet-Saint-Nicolas. Quand j’avais du temps dans la semaine, je partais, selon mon instinct, dans un coin de la Haute-Loire. Parfois, il m’arrivait de rester plusieurs heures en place sans faire une seule photo. Et par moment, tout se combinait pour capturer la bonne lumière, le mouvement et les éléments. Pour capturer l’Instant avec une majuscule ».

Où trouver « Mon grand large » ?

Dans presque toutes les librairies du bassin ponot jusqu'aux frontières du département (Langeac, Craponne, Tence, le Chambon…)
Son prix : 45 euros, 227 pages, édité à VJ Editions

Un mangeur de "cieux renversés de chagrin"

« Mon grand large » est composé d’environ 200 photographies, piochées dans un trésor de 600 clichés au total. « C’est vrai qu’il est toujours difficile de faire des choix, livre Vincent Jolfre. Mon graphiste, Laurent Chabrier, m’a beaucoup aidé en ce sens, car je n’avais pas de trame précise. Laurent a pensé le livre comme une spirale géographique, des images du confin du département dans les premières pages pour se rapprocher lentement au centre de la Haute-Loire et le Puy-en-Velay dans les dernières ».

Le livre "Mon grand large" a été édité à 1 200 exemplaires.
Le livre "Mon grand large" a été édité à 1 200 exemplaires. Photo par Vincent Jolfre

« L’important pour moi était de fonctionner au ressenti. Si je ressentais le froid, si je ressentais le vent, si les nuages m’écrasaient, je voulais que les gens éprouvent ces mêmes sentiments en découvrant mes photos ». Vincent Jolfre

Armé de son Nikon grand angle, ce croqueur du beau, ce mangeur de "cieux renversés de chagrin", Vincent Jolfre a composé là une déclaration d'amour à la Haute-Loire, à son histoire, aux anciens qui ont construit son âme et à ceux qui se rappellent de ce passé qui se meurt doucement au fil des secondes et de la modernité…

L'artiste dédicace :

  • Le 3 juin, à partir de 16 heures, à l'Ecume des Sucs (Yssingeaux)
  • Le 13 juillet de 9 à 12 heures à la librairie Grenouille (Langeac)
  • Le 22 juillet toute la journée à la librairie Vercingétorix (Brioude)
  • Le 15 août, de 16 à 18 heures, à la librairie Dans la forêt (La Chaise Dieu)
  • Le 19 août de 9 à 12 heures à la librairie Au plaisir des mots (Craponne)
  • Le 2 septembre de 16 à 18 heures, à la librairie Interlude (Puy-en-Velay)
Des spectres de lumière dans les plaines de l'Emblavez.
Des spectres de lumière dans les plaines de l'Emblavez. Photo par Vincent Jolfre

« Tout se tait et tout parle en lui »

Et si l'ancien journaliste a réussi cette prouesse de donner chair et substance à chaque page tournée, sa complice et auteure Corinne Pradier met en scène et en songe ses propres souvenirs avec une plume trempée dans le cœur de la terre.

« Dans ma mémoire infuse, un chapelet de villages clairsemés où résonnaient autrefois des patois qui changeaient d’une vallée l’autre. Planté au milieu, un Français de la capitale, parlé sans majuscule, étouffa mot à mot la somme des petits parlers sans toutefois résister à leur accent de sentiers irréguliers ».

« Telles des rides sur un visage, les coutures du paysage disent l’âme de ceux qui l’ont bâti ». Corinne Pradier

Elle offre aussi dans les premières feuilles de l'ouvrage : « Ce qui était n’est plus et semble par endroits n’avoir jamais existé. Les villes débordent et leurs empressements à nous transporter emportent nos reliques ». Pour terminer si superbement dans le dernier paragraphe : « Comment décrire la densité particulière de ce pays élimé par le gel et les vents ? Tout se tait et tout parle en lui ».

(De gauche à droite) Vincent Jolfre, Corinne Pradier et Laurent Chabrier.
(De gauche à droite) Vincent Jolfre, Corinne Pradier et Laurent Chabrier. Photo par Blandine Chabrier

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