Un art qui reste dans la peau

Par Nicolas Defay dim 08/01/2023 - 17:00 , Mise à jour le 08/01/2023 à 17:00

Pendant deux jours et demi, tatoueurs et tatoués (ou pas) se sont retrouvés pour la 10ème édition du Salon du Tatouage à Blavozy. Si cette pratique a commencé il y a plus de 3 000 ans, elle ne semble pas avoir pris une ride sur sa peau marquée. Retour en images et en mots de ce piquant weekend du 7 et 8 janvier 2023.

Drôle de musique au centre socioculturel de Blavozy samedi 7 et dimanche 8 janvier. Entre les notes acérées des Cranberries version métal et les basses de morceaux techno-indus-doom, il y avait les « bzzzz » des dermographes. Une soixantaine de tatoueurs issus de toute la France et au-delà ont parsemé d’encres et de talents des peaux neuves ou déjà signées.

« C’est la 10ème édition du Salon du Tatouage, précise Victor Moutbeka, instigateur de l’évènement depuis ses débuts. Certains artistes proviennent de la Haute-Loire mais aussi de Clermont-Ferrand, de Lyon, de Grenoble, d’Antibes, de Strasbourg, d’Alsace, de Paris, de Polynésie. Nous avons même une tatoueuse qui débarque du Chili ! Nous sommes vraiment contents de cet engouement ! »

Les stands s’étirent sur les deux étages du lieu, occupés principalement par les tatoueurs. Mais pas que. Des activités annexes telles que le « Nail art » avec Lovadia, des poseurs de piercing, des calligraphes, des sculpteurs de tête de morts, des vendeurs de dermographes et d’encres indélébiles...Le point commun entre tous ? L’art et l’esthétique.

Des œuvres d'art recouvrent parfois l'épiderme.
Des œuvres d'art recouvrent parfois l'épiderme. Photo par DR

D’après un sondage de 2012 publié par l’institut Harris, 21 % de la population américaine possède un ou plusieurs tatouages. En France, 14 % de la population est déjà tatouée, et le pourcentage atteint les 26 % chez les 18-24 ans (sondage IFOP 2016)

« La seule chose que je ne vais sûrement pas faire est les yeux »

En maître de séance, David, 46 ans. L’homme en question est loin de passer inaperçu. Micro au poing, il anime le salon en passant de nom en nom et de table en table. Sous ses habits, 80 % de son corps est tatoué. Son visage y compris. « Toutes les parties du corps peuvent supporter un tatouage, explique-t-il. Même les muqueuses. La seule chose que je ne vais sûrement pas faire est les yeux. Cette technique qui s’appelle le « eyeball » est illégale en France mais possible dans les pays voisins. C’est une injection d’encre à l’intérieur de la rétine ».

Tout est tatouable, intérieur de la bouche, yeux et parties intimes comprises.
Tout est tatouable, intérieur de la bouche, yeux et parties intimes compris. Photo par Nicolas Defay

« Sur moi, chaque tatouage représente un morceau de ma vie »

David, dont le nom d’artiste est Tatoo elsass zombie, en connaît un rayon sur le sujet. « Pourquoi les gens se font tatouer selon moi ? Pour parfois exorciser une blessure morale ou physique, marquer à vie un changement dans son existence ou signifier une appartenance à quelque chose. Ou tout simplement pour l’esthétique d’un tatouage. » Il confie alors : « Sur moi, chaque tatouage représente un morceau de ma vie. Régulièrement, j’en rajoute un. Et je ne m’arrêterai jamais ! »

« Et je ne m’arrêterai jamais ». Cette affirmation ne semble pas être propre qu’à Tatoo elsass zombie. La question « Vous voulez vous en faire un autre ? » posée à différents visiteurs au hasard du salon recueille toute la même réponse : « Oui ! Une fois qu’on a commencé, étrangement, il est difficile de s’arrêter, partage Nathalie, tatouée par trois fois ».

(Gauche à droite) Les ligériennes Flow et Jenn, et Audrey, tatoueuse à Bas-en-Basset.
(Gauche à droite) Les ligériennes Flow et Jenn, et Audrey, tatoueuse à Bas-en-Basset. Photo par Nicolas Defay

Se faire tatouer le visage. Source de discrimination ?

Malgré tout, se faire tatouer sur le visage est un cap dans ce domaine. « Je ressens effectivement une sorte de discrimination, peut-être de peur ou de surprise, dans le regard des gens, admet David. Je suis habitué depuis le temps. Ceci étant dit, je veux tout de même avertir les jeunes de bien réfléchir avant de se lancer dans cette aventure. Car cela génère automatiquement un handicap social pour trouver du travail dans certaines catégories ».

« Le premier tatouage n’est pas vraiment douloureux. Plus on en fait, plus on ressent le mal. Mais ce ressenti est bien entendu subjectif. Toutefois, il est prouvé que les femmes sont bien plus résistantes à la douleur que les hommes en ce sens ». Tatoo elsass zombie

Kevin se fait tatouer pour la première fois. Apparemment, c'est douloureux.
Kevin se fait tatouer pour la première fois. Apparemment, c'est douloureux. Photo par Nicolas Defay

« D’autres disciplines bien plus extrêmes existent »

Le tatouage, ce sont des milliers de coups d’aiguilles qui entrent et sortent dans l’épiderme. « Ça fait super mal, lance Kevin entre deux respirations, le bras bloqué par son bourreau en action. J’ai vraiment hâte que cela se termine ! » Mais pour David, la douleur fait partie du jeu. « Sur moi, avec mes centaines de tatouages, j’ai actuellement 30 piercing. Mais d’autres disciplines bien plus extrêmes existent ».

Il décrit ainsi : « Certains se mettent des implants. Ce sont des pièces métalliques glissées sous la peau. Pour ma part, je vais bientôt me faire faire une scarification. C’est une entaille profonde faite au scalpel. La cicatrice produite forme alors un motif. »

Pour terminer, il nous éclaire enfin sur la pratique de la suspension. « Ce sont des sortes de crocs de bouchers qui sont plantés derrières les épaules, le dos ou le torse. Des câbles tirent alors sur ces hameçons pour faire lever le corps au-dessus du vide ». Des amateurs ?...

Un art gravé dans la peau pour toujours.
Photo par Nicolas Defay

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Vos commentaires

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4 commentaires

cl

lun 09/01/2023 - 14:53

C'était un super événement, convivial et chaleureux, plein de belles animations. Bravo !

ga

lun 09/01/2023 - 12:13

Je tolère et je respecte mais je m'interroge quand même sur des pratiques de plus en plus extrêmes qui touchent même à de la mutilation définitive. Parfois, les esprits des années 2020 me déroutent : d'un côté on hésite à se faire injecter un vaccin, reconnu par l'ordre des médecins et pris en charge par la sécu pour le bien de tous et d'un autre, on peut se faire injecter dans toutes les muqueuses (y compris internes) des encres pour se dessiner à vie des têtes de mort et faire peur à ses propres enfants ...

he

lun 09/01/2023 - 08:05

Chacun dépense son argent comme il l'entend ; même s'il en a peu. Mais quand je vois le prix d'un tatouage (je parle des tatouages couvrant une grande partie du corps) je me dis qu'il y a un problème : n'y-a-t-il pas des postes d'utilisation plus vitaux de son argent qu'à le mettre dans ce genre de modification de son apparence. Ce n'est pas la peine d'aller pleurer : qu'on y arrive plus - que la vie est chère et les rentrées d'argent s'amenuisent ; et ensuite d'aller dépenser des sommes importantes à se faire tatouer.     

la

dim 08/01/2023 - 20:14

Un reportage montrant des personnes qui respirent la joie de vivre ! Pourtant le tatouage coûte plus cher qu'une séance de psy non ?