Savourer une glace tout en luttant contre le gaspillage

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:07

Le glacier Bio Givrés, installé depuis dix jours au pied de la cathédrale du Puy-en-Velay, ne paye pas de mine. Un petit local d’environ 20m², occupé en grande partie par la vingtaine de bacs glacés contenant autant de saveurs différentes, une caisse enregistreuse, deux tables et quatre chaises en extérieur et voilà pour le tour du propriétaire. Mais dans ce recoin aussi modeste que discret se cache un concept des plus remarquables. Certaines glaces sont élaborées avec des fruits invendus, des fruits mal calibrés, abîmés, ou simplement délaissés par les clients car ils ne correspondent pas aux canons de beauté en vogue dans le défilé des fruits et légumes. Ainsi, le Grand Panier Bio de Brives-Charensac et le glacier Bio Givrés ont lié un partenariat pour que ce dernier puisse récupérer les bananes et les melons normalement dévolus à la poubelle.

----Constat :
Chaque année ce sont 750 millions de kg de produits alimentaires qui sont jetés à la poubelle dans les commerces et la distribution en France. D’après l’Ademe (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie), le gaspillage alimentaire des foyers français représentent 30 kg par an et par habitant. 7 kg  concerne des aliments encore emballés. Une salade verte sur deux est jetée et plus de 9 milliards d'œufs finissent à la poubelle.-----"Au lieu de remplir bêtement la benne à ordures, autant en faire profiter quelqu’un"
"La spécificité du magasin, c’est le bio,
explique Nicolas Pailhès, gérant du Grand Panier Bio brivois. À 98 %, les produits dans le magasin sont bio et beaucoup proviennent de producteurs locaux. D’ailleurs, les glaces de Bio Givrés sont proposées chez nous. Et le problème des fruits et des légumes bio, c’est qu’ils s’abîment rapidement car aucun conservateur n’a été appliqué. Ce sont les bananes qui se gâtent le plus vite."
Bananes et melons. Tels sont les deux fruits qui ont le droit à une seconde vie, échappant au destin de la plupart de leurs congénères dans la grande distribution en général. "On pourrait tous les balancer ce qui nous éviterait de passer du temps à faire un tri, ajoute Nicolas Pailhès. Mais seuls les plus abîmés sont jetés. Les autres sont réservés. D’autant plus que, financièrement parlant, cette initiative ne nous apporte rien car nous les cédons gratuitement à Bio Givrés. Nous pensons qu’au lieu de remplir bêtement la benne à ordures, autant en faire profiter quelqu’un".

Un savoir-être pour un savoir-faire
Précisément, ce sont 25 parfums différents qui sont exposés chez le glacier Bio Givrés, place des Tables. Sur la vitrine, le label Agriculture Biologique est fièrement affiché au centre. "Cette mention indique que nous avons un cahier des charges très strict concernant la provenance des produits et le respect de l’environnement, précise Nicolas Brenas, agriculteur à Arlempdes et patron du Gaec (Groupement agricole d'exploitation en commun) et du magasin Bio Givrés. Tous les produits doivent être 100% bio, les cartons des glaces sont en matière compostable, les cuillères sont en bois et les cornets sont fabriqués par nous-mêmes."
Le lait provient de son cheptel fort de 30 vaches Montbéliarde installées sur 50 hectares dans les vertes terres d’Arlempdes. La verveine vient d’une exploitation bio de Langeac, les myrtilles de Chadron et la menthe est directement recueillie dans sa propriété. "Le fait que nous nous servions chez Grand Panier Bio pour éviter que des kilos de melon et de bananes partent à la benne suit ainsi logiquement notre démarche".

"Le fruit est beaucoup plus goûtu ainsi"
Si le glacier n’est installé que depuis une dizaine de jours dans la cité ponote, Nicolas Brenas et sa femme Sylvanie Ndouta livrent des glaces depuis trois ans dans le département altiligérien en utilisant ce concept anti-gaspi. "Nous produisons les ingrédients principaux, nous créons nos recettes et nos glaces et nous les vendons nous-mêmes, détaille Nicolas Brenas. Il n’y a aucun intermédiaire entre le produit brut et le produit fini. Pour les melons et les bananes, les quantités récupérées dépendent de ce que les clients ont délaissé chez Grand Panier Bio. La semaine dernière, j’ai collecté 20 kg de melons et 15 de bananes." Les bananes sauvegardées par l’agriculteur sont noires, biscornues, visuellement non présentables dans un étal de maraîcher. "Pourtant, elles sont meilleurs que les jaunes car bien plus sucrées, assure Nicolas Brenas. Le fruit est beaucoup plus goûtu ainsi".

----Recette pour une seconde vie :
- Une salade défraîchie : mettre un morceau de sucre dans un grand volume d'eau pendant 3/4 d'heure
- Des carottes flétries : ajouter une cuillère à café de sucre dans l'eau de cuisson
- Des légumes ramollis : les couper, les laver et les laisser tremper dans l'eau puis les placer dans le réfrigérateur jusqu'au lendemain
- Des pommes ridées : les arroser avec de l'eau bouillante ou bien les y tremper un instant
- Du pain rassis : l'humidifier et le placer quelques secondes au micro-onde ou le mettre au four quelques minutes-----Donner ses invendus à des associations humanitaires
Nicolas Brenas collabore également avec la Biocoop Echo Nature à Chadrac. Quant aux magasins de grande distribution..."Je n’ai même pas essayé car je pense qu’elles ne sont pas intéressées par ce genre d’initiatives", affirme-t-il.
À noter que la rédaction de Zoomdici a tenté de joindre Super U à Aiguilhe pour savoir si une telle collaboration pourrait être possible mais elle n'a reçu aucune réponse à ses questions. Néanmoins, Auchan de Brives-Charensac a partagé quelques notions concernant ses invendus. D'après Patrick Seghir, directeur de l'établissement, 1/2 palettes de fruits et légumes par jour sont déclassés en invendus. "Cela représente environ 200 euros de perte quotidienne soit 2% du chiffre d'affaire, indique-t-il. Les produits sont retirés de la vente dès qu'ils sont abimés par des chocs ou un mûrissement trop important. Ces produits ne sont pas mis à la benne mais proposés tous les matins aux associations caritatives qui décident de ce qu'il veulent prendre. Seulement après, les produits trop abîmés partent à la benne".

Concernant les associations caritatives ou humanitaires interressées par ses invendus, Patrick Seghir en mentionne plusieurs. "Auchan Brives fonctionne depuis des années avec les Restos du coeur, la Croix rouge, le Secours populaire et les Soeurs de Saint Jean au Puy-en-Velay. Il y a des jours de passage pour chaque association et donc un passage du lundi au samedi y compris au drive. Les associations sont très en attentes sur les produits frais et les fruits et légumes en particulier. Ils voudraient pouvoir passer plus souvent, mais nous n'avons pas assez d'invendus pour satisfaire plusieurs associations sur le même jour".

Quant à Nicolas Pailhès, son fonctionnement reste différent des grandes enseignes de distribution alimentaire. "Je confie la totalité de mes fruits invendables à Bio Givrés car il m’est impossible d’en proposer aux associations comme les Restos du Cœur, nous apprend-t-il. Il faut que le produit soit un minimum présentable or, chez moi, ce n’est pas le cas. Et on ne peut pas se permettre de donner des choses qui sont toujours vendables chez nous." Le gérant de Grand Panier Bio est mitigé sur la question de développer ce geste écocitoyen. "Si je le développe, cela signifie que je perds de l’argent puisque ce sont des produits que je ne peux pas vendre. Moins j’ai d’invendus, mieux ça vaut pour nous".

Abricot et pêche : les prochains rescapés
Question projet glacé, Nicolas Brenas planche sur deux autres parfums élaborés avec ce même concept. "Grand Panier Bio me propose d’emporter les abricots abîmés, révèle t-il. Et j’ai un copain qui fait des pêches à Aubenas. Il me propose d’acheter les fruits déclassés à un prix tout autant déclassé. Ça leur éviterait de finir à la poubelle alors que leur chair reste tout aussi bonne qu’un fruit simplement présentable".

Nicolas Defay

Vous aimerez aussi

Vos commentaires

Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire