Quoi ? Le mois de mai, pas assez pluvieux ?

Par Nicolas Defay jeu 03/06/2021 - 12:00 , Mise à jour le 03/06/2021 à 12:00

Au mois de mai, ne te découvre pas d’un fil. C’est vrai, ça ne rime pas. Mais c’est pourtant ce que nous avons tous subi dernièrement. Néanmoins, c’est bien plus de pluie qu’il nous faudrait pour se préparer à une sécheresse annoncée en Haute-Loire et dans tout l’Hexagone durant l'été 2021.

Avant de maudire le journaliste qui semble prêcher le Dieu de la pluie, parcourez ces quelques lignes afin de saisir pourquoi plus de précipitations auraient été salvatrices pour nous tous, mammifères et biodiversité compris. Si le diction affirme bien « qu’au mois de mai, fais ce qu’il te plaît », il est vrai en effet que peu de jours de ce cinquième mois ont été propices au bronzage et farniente au soleil.

Sur le secteur du Puy-Loudes par exemple, 12 jours seulement ont été épargnés par la pluie. Il est tombé un total de 118 millimètres d’eau au mois de mai 2021, soit une différence flagrante comparée aux normales de cumul de 84 mm sur 20 ans.
Sur ce même secteur géographique, cette édition 2021 se classe 7ème pour son mois de mai les plus humides depuis 1984. Le record est détenu par l’année de 1988 avec pas moins de…170 mm. À l’opposé, il y a 6 ans, seulement 14 mm de pluie avait « trempouillé » le sol de la Haute-Loire en 2015, décrochant alors la palme du mois de mai le plus sec depuis 37 ans dans la zone de la ville préfecture.

Pour mesurer les hauteurs de précipitations (on parle aussi de "lames de précipitations"), on utilise un pluviomètre dont le principe consiste tout simplement à canaliser les précipitations pour en mesurer le volume ou la masse (manuellement ou automatiquement). L'unité utilisée est le mm (millimètre) ou L/m². Le "mm" correspond en volume, à une hauteur d'eau de 1 mm sur une surface plane de 1 m² (soit 1L).

Des rhumes comme s’il en pleuvait

À propos des mois de mai les plus froids enregistrés depuis près de 40 ans par Info Climat, 2021 peut, là encore, se targuer d’avoir enrhumer nombre d’altiligériens. Avec une moyenne de 10,1°C toujours sur le secteur du Puy-Loudes, il se classe 8ème, dépassé tout de même par mai 1984, le plus glacial en 37 ans avec ses 7,5 °C. Le 3 mai 2021, le thermomètre est descendu à 2,4°C en dessous de zéro, raflant encore la 8ème place concernant les jours de mai les plus froids.

Mai 2021 monte sur la seconde place d’un podium pourri ! Le 10, 56,9 millimètres de pluie sont tombés sur le secteur le Puy-Loudes. Seul le 2 mai 1988 se place au-dessus avec 57,9 mm enregistrés.

Un mai 2021 pourtant très ensoleillé

Mais Ô surprise...Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous avons traversé un mois de mai 2021 des plus ensoleillés depuis deux décennies de données analysées. Si si, c’est vrai. D’après Info Climat, l’édition 2021 en Haute-Loire se classe 7ème avec un total de 207 heures de soleil. Tout en haut du tableau, 270 heures ont été enregistrées en 2020. En queue de peloton, mai 2013 n’a réchauffé l’épiderme des altiligériens que durant 118 heures cumulées. Dur.

Les nappes phréatiques, notre réserve d’eau potable

Malgré le nombre d’insultes assurément dense proférées aux nuages en ce beau mois de mai 2021, pas assez d’eau n’est pourtant tombée du ciel pour abreuver la terre. Et notamment les nappes phréatiques. Pour rappel, l’eau souterraine assure 65 % de notre alimentation en eau potable (Source : banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau). Or, d’après la BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), les nappes phréatiques sont loin d’avoir comblé le vide creusé par des mois de février, mars et avril très secs. «  Les eaux infiltrées dans les sols suite aux pluies de mai auront surtout servi à humidifier les sols, au profit de la végétation », est-il mentionné sur le site de la BRGM.

Pour mieux appréhender ces phénomènes complexes - et notamment les raisons pour lesquelles des pluies abondantes ne peuvent pas toujours "recharger" les nappes d’eau souterraines - il faut connaître le chemin de l’eau, de la surface jusqu’à la nappe. En France, seuls 20 à 23% des précipitations annuelles moyennes arrivent à s’infiltrer en profondeur. Cette recharge des nappes a lieu essentiellement en automne et en hiver. Au printemps et en été, toutes les conditions sont réunies pour piéger l’eau de pluie, l’empêcher de s’infiltrer en profondeur pour recharger la nappe.

Le rôle du soleil et du ruissellement

Plusieurs éléments, comme l’intensité et la quantité des pluies, la couverture végétale, l’activité biologique et les aménagements liés aux activités humaines, peuvent agir sur la capacité du sol à absorber l’eau.

La rétention des sols et les végétaux

Les particules du sol exercent des forces de capillarité capables de retenir l’eau. Celle-ci est emprisonnée sous forme d’humidité et sa mobilité devient très réduite. La capacité de rétention d’un sol dépend de sa texture et de sa porosité.

Une partie de ces eaux immobilisées peut être restituée aux plantes. Cette eau est puisée par les racines et dirigée vers les tiges et les feuilles. Elle est alors évaporée par transpiration vers l’atmosphère. L’évapotranspiration reprend la quasi-totalité des eaux infiltrées lorsque la végétation est active, soit habituellement d’avril à octobre-novembre.

Le labyrinthe de l’écoulement gravitaire

Il faut que le sol soit saturé d’eau pour permettre un écoulement gravitaire vers les couches inférieures. Cet excédent - non retenu par les sols et non absorbé par les végétaux - peut enfin percoler vers la profondeur. Au printemps et en été, la part d’eau qui s’infiltre en profondeur est inexistante, sauf lors d’un évènement pluviométrique exceptionnel.

L’eau ne circule pas verticalement en ligne droite et peut emprunter différents chemins à travers la roche pour atteindre la nappe. La distance réelle parcourue dépend de la porosité efficace de la roche traversée, c’est-à-dire à l’existence de vides interconnectés. La vitesse de l’eau peut être très lente si l’eau circule au sein de pores peu connectés, rapide si l’eau circule à travers des fissures, des fractures ou des karsts.

Source : BRGM

La Haute-Loire très impactée ­

La BRGM a édité ses prévisions sur les risque de sécheresses à venir en 2021. Sur leur carte, 5 couleurs crayonnent alors les départements de la France. Le gris indique les secteurs sans nappes répertoriées, le vert foncé signifie un « risque de sécheresse très faible », vert clair un « risque faible », rose « risque fort » et orange « risque très fort ». La Haute-Loire se part d’une belle couleur rose, tachetée par endroit d’orange.

Photo par BRGM

« La probabilité d’un scénario plus chaud que la normale est prédominante »

Parallèlement, les prédictions météorologiques annoncées par MétéoFrance pour les prochains mois estivaux sont loin d'être réjouissantes. Selon les experts, un été hors norme au niveau des températures et du manque de précipitations est attendu. « Sur l’ouest du continent européen et du bassin méditerranéen, la probabilité d’un scénario plus chaud que la normale est prédominante pour juin, juillet et août 2021 », peut-on y lire. Il est ajouté : « Pour les précipitations, on s’attend à des conditions plus sèches que la normale à l’échelle du trimestre sur l’ouest du continent, dont la France ».
Alors, peut-être qu’il faudrait commencer à faire comme Gene Kelly dans le film Singin’ in the rain (1952) et apprendre finalement à danser sous la pluie...

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