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Quand le Puy était antisémite
La fontaine de l’Ange ou du Choriste. Vous connaissez ? C’est celle qui trône au milieu de la place des Tables, en bas de la Cathédrale. Sous cette belle nomination divine et musicale se cache aussi une violente persécution des juifs au sein même de la ville pieuse.
D’innombrables récits ont été écrits sur cette mystérieuse fontaine six fois centenaire. Son architecture gothique apparaît difficile à décrypter, son pilier central orné de colonnettes d’angle et de motifs végétaux. Néanmoins, les visiteurs peuvent repérer le personnage qui représente un ange au-dessus d’une couronne de feuillage.
Si la fontaine espère dégager une aura de bienveillance et de foi chrétienne, l’histoire de ses pierres renferme le sang et l’intolérance à l’époque d’un Puy-en-Velay où les juifs étaient traqués, persécutés et honnis.
« Et bientôt, le cadavre du juif fut entraîné tout sanglant dans les égouts de la ville »
La légende conte le meurtre d’un enfant de chœur, tué par un juif en 1320 à proximité de la Cathédrale du Puy-en-Velay. D’après l’histoire, la jeune victime s’en allait chantant, louant à tue-tête la naissance du Christ. Un juif, irrité par cette ode à la gloire du fils de Dieu, invita l’enfant à le suivre chez lui. Il le tua et l’enterra sous quelques tas de terre.
Le mythe continue ainsi en assurant que l’enfant de chœur ressuscita le dimanche des Rameaux. Il se mêla à la procession et, passant devant la fontaine des Farges au bas de la rue des Tables, accusa son assassin.
« À peine sut-on le nom de l’infâme meurtrier, que la foule se précipita dans la maison, écrit l’historien Francisque Mandet. Chacun se disputa l’honneur de le frapper. Et bientôt, le cadavre du juif fut entraîné tout sanglant dans les égouts de la ville ».
Les enfants de chœur, juges et exécuteurs
Si la résurrection de quelques êtres que ce soit n’a jamais été prouvée, les tueries individuelles et de masse, si. Tout comme les documents archivés, enregistrés et estampillés du sceau royal. Ainsi, des lettres patentes datant de 1323 (décisions royales exprimant la volonté du roi en tant que législateur) accordèrent aux enfants de chœur de Notre-Dame-du-Puy le pouvoir de juger et de punir eux-mêmes les juifs présents dans la ville, sans raison et sans limites.
« Ce n’est pas dans les enquêtes d’inquisiteurs que nous pouvons aller chercher d’impartiales convictions »
Concernant l’obscurité qui entoure les causes du véritable meurtre, c'est-à-dire celui du juif écharpé par une foule azimutée par une religion alors omniprésente, l’historien mentionne : « Quant à la vérité du motif qui servit de prétexte à ces actes d’odieuse cruauté, elle fut prouvée sans doute comme tout se prouvait en ce temps-là. Ce n’est pas dans les enquêtes d’inquisiteurs que nous pouvons aller chercher d’impartiales convictions. »
Avant de terminer : « Les procédures qui suffisaient à la cupidité de Philippe IV-le-Bel, de Louis X, de Philippe V et de Charles IV-le-Bel, ne sauraient convenir à la justice de l’histoire ».
Fuir ou se soumettre
Suite à cette lapidation antisémite et les directives royales et chrétiennes qui ont suivi, le peuple juif du Puy a bénéficié de « la grande mansuétude » de la religion catholique. Avec un choix pour survivre : quitter la ville ou se convertir.
La fontaine de l’Ange, appelée aussi du Choriste, aussi belle soit elle pour beaucoup, aussi bien placée dans le sillage de la sainte cathédrale du Puy, reste un symbole de sectarisme. Un totem de pierre où « les détails de l’Histoire » se cachent sous les traits fin d’un ange chanteur.