Melchior de POLIGNAC, un cadet devenu cardinal qui participa à trois conclaves

, Mise à jour le 21/03/2021 à 08:00

Dans le cadre de notre série sur les noms de rue du Puy-en-Velay, la rue étroite du cardinal de Polignac est une des rues typiques de la vieille ville du Puy avec ses pavés de basaltes. Elle fait référence à un des hommes les plus célèbres de son temps, Melchior de Polignac dont nous allons brièvement conter l’histoire.

La rue du Cardinal de Polignac est cette rue de vieille ville qui longe les jardins de l’évêché. Elle était, au 13ème siècle, partagée en deux parties : l’une allait jusqu’au portail de l'évêché, elle était nommée rue de la Frênerie (du nom des fabricants de brides, de mors pour chevaux qui l’habitaient). La deuxième partie qui la poursuivait était alors appelée rue des Portes, peut-être du fait des portes qui en barraient les deux entrées.

Hotel de la Roche-Négly dans la rue cardinal de Polignac Photo par H Chanal

Les noms de cette rue donnent un aperçu de son importance et de l'histoire de la capitale vellave.

Au hasard d’un cheminement dans cette très belle rue pavée de la vieille ville, on découvre de très belles maisons historiques. Des plaques qui y sont apposées de part et d’autres à hauteur indiquent les noms des familles prestigieuses qui y ont résidé par le passé: au n° 8, les Polignac (maison du XIV° siècle), au n°14, les Filière du Charrouilh (XVI° siècle), les Sahnard de Choumouroux (du XV° siècle) ont résidé au n°20, puis on trouve au n° 26 actuel l’hôtel des La Roche-Négly qui date pour sa part du du XVII° siècle.

Détail du mur de l'évêché Photo par H Chanal

A partir de 1770 ces deux rues réunies portent le nom de rue du Gouvernement, puis,  parce que la Préfecture avait son siège au n°8 dans l’ancien hôtel des Polignac jusqu’en 1825. Elle pris ensuite le nom de la rue de l’Ancienne-Préfecture à partir de 1825 avant de recevoir celle de cardinal de Polignac au cours du XXème siècle

Melchior de Polignac, cadet de la famille, fut à ce titre, voué à la carrière ecclésiastique

Melchior de Polignac naît au Château de Lavoûte-sur-Loire-Polignac, un mardi 11 octobre de l’année 1661. Son père, Louis-Armand, porteur d’un grand nombre de titres, vicomte de Polignac et marquis de Chalencon, baron de Châteauneuf et autres places, a été gouverneur de la ville du Puy. Il y était lui-même né le 13 décembre 1608. Il y décédera à l’âge vénérable de 84 ans,  le 3 septembre 1692 . Il s'est marié trois fois, d’abord le 14 février 1638 à Suzanne des Serpens; à Isabelle-Esprit de la Beaume en deuxièmes noces 10 années plus tard en février 1648 ; puis enfin  à Jacqueline de Beauvoir,le 17 janvier 1658. 

M de Polignac par Elisabeth Vigée le Brun Photo par Louvre

Celle-ci qui lui survivra de près de trente années est la mère du futur cardinal de Polignac, Melchior. Cadet de la famille, il était voué, suivant l’usage à l’état ecclésiastique et fut donc préparé dès son plus jeune âge à cette carrière sous la discipline de l’abbé de Montebourg, son oncle et parrain . 

Il entre en Sorbonne en 1689 et il soutient des thèses de théologie où se trouvent de délicates allusions sur la piété du roi Louis XIV.

Les traits de l’homme d’après les artistes de son temps

Après la Sorbonne il “paraît” à Versailles où il charme la cour par son esprit, sa politesse et ses belles manières. “Le jeune abbé dut à sa haute naissance et à son vrai mérite, d’être goûté dans ce milieu sans pareil”.

La marquise de Sévigné, elle-même compte les débuts de l’abbé Melchior de Polignac lorsqu’elle écrit à Pierre-Emmanuel de Coulanges : « c’est un des hommes dont l’esprit me paraît le plus agréable ; il sait tout, il parle de tout, il a toute la douceur, la vivacité, la complaisance qu’on peut désirer dans le commerce ».

Buste du Cardinal Melchior de Polignac par Blot Photo par Louvre

Le portrait du peintre Rigaud et le buste du sculpteur Bouchardon montrent un Melchior de Polignac avec un beau front, un nez aux arêtes fermes et “aristocratiques”, des yeux à fleur de tête, un port imposant.

Melchior de Polignac peinture par Hyacinthe Rigaud 1743 Photo par Musée du Louvre Département des Peintures

Une carrière prestigieuse mais en dents de scie

L’abbé de Polignac assiste, à Rome comme assesseur du Cardinal de Bouillon, au conclave qui se termina le 12 juillet 1694 par l’exaltation (désignation du pape) d’Antoine Pignatelli sous le nom d’Innocent XII. Il revient  immédiatement en France pour se confiner pendant 3 ans au séminaire des Bons-Enfants.

Nommé, le 30 mars 1693, jour de Pâques, à l’abbaye de Bonport, près d’Evreux et il est appelé à des hautes fonctions diplomatiques à l’ambassade de Pologne. 

Revenu en exil à l’abbaye de Bonport, il emploiera son temps à composer le poème de l’Anti-Lucrèce. 

En 1702, il est rappelé à la cour. En 1704,  il est élu à l’Académie Française au siège de Bossuet.

Une carrière à Rome à partir de 1706

En 1706 il est promu à la dignité d’auditeur de la rote romaine

et retourne au Vatican (La Rote romaine est l'un des trois tribunaux de l'Église catholique romaine. Ses bureaux sont situés au palais de la Chancellerie apostolique à Rome) 

Melchior de Polignac lors de son premier séjour à Rome en camérier du pape

Ce nouveau séjour à Rome fut l’un des plus brillants, le plus heureux en tout cas ; il s’y attira l’intime confiance du pape Clément XI. 

Rappelé en France en 1710 et il reçoit mission de représenter le roi Louis XIV aux côtés du maréchal d’Huxelles,  aux conférences de paix entre la France et ses ennemis à Gertruydenberg. Celles-ci doivent sceller le sort de la guerre de succession d’Espagne au détriment de la France qui y sera humiliée.

Appelé à l’abbaye de Mouzon (diocèse de Reims), le 4 novembre 1710 comme cardinal-prêtre il occupe divers postes : abbé de Corbie près d’Amiens ; et reçoit, le 8 juin 1715 de Louis XIV la commende de la riche abbaye d’Anchin dans le diocèse d’Arras. 

Il s'occupe des travaux du canal de Provence au sein du Comtat-Venaissin qui faisait partie des Etats pontificaux. Il se livre surtout à sa passion pour les beaux-arts et l’antiquité ; les fouilles qu’il dirigera sont restées célèbres.

En 1725 il inaugure l’escalier monumental de la Trinité-des-Monts à Rome conçu par Francesco de Sanctis et Alessandro Specchi. Cet escalier permet de rejoindre notamment la villa Médicis.

 

Il quitte définitivement Rome en avril 1732.

Il accédera encore à de nombreuses dignités : abbé de Bégard (diocèse de Tréguier en Bretagne), membre de l’académie des Sciences (1745) de celles des Inscriptions (1747), grand-Maître de l’ordre du Saint-Esprit de Montpellier, prévôt du chapitre du Puy dont il prit possession le jour de la fête de Saint Grégoire-le-Grand.

 

Il meurt à Paris le vendredi 20 novembre 1741 et y sera enterré à Saint-Sulpice, sa paroisse. Son cœur, selon ses dernières volontés, fut quant à lui porté à l’abbaye d’Anchin.

Il a participé à l’élection de deux papes, Clément XI puis Benoit XIV/ XIII

 

 En 1700 il prend part au conclave qui élit un nouveau pape, Clément XI.

Puis, il reste à Rome comme chargé d’affaires de France.

Clement XI décèdé en 1724, il va prend donc part à l’élection du nouveau pape. c’est son troisième conclave.

Benoit XIII se nomma un temps Benoît XIV avant de se rendre compte que le premier Benoit XIII avait été un antipape au 14ème siècle. Benoît XIV sera, quant à lui, le pape des lumières. Il sera  évoqué par le futur professeur agrégé, Christian Lauranson-Rosaz de Monistrol sur Loire dans sa leçon d’agrégation de 24 heures en histoire du droit en 1995, dont Benoit XIV est le sujet en droit canonique. Taquin; comme à l'accoutumée, le futur agrégé avait  malicieusement fait croire au jury dans son introduction qu’il s’était trompé de pape car il y a aussi eu un Benoit XIV antipape.

L’hommage post mortem de la ville du Puy

Quant à la ville du Puy, on dit qu’elle a accueilli avec douleur la nouvelle de cette mort et qu’elle fut le théâtre d’hommages. Elle délibéra le 15 janvier 1742 des sommes pour les honneurs funèbres à rendre au cardinal de Polignac. On y lit, entre autres :

- Pour le catafalque 100 louis.

- Pour 30 draps pour tapisser la chapelle Saint-André : 15 louis.

- Pour faire sonner toutes les cloches de la cathédrale : 12 louis.

- Pour la musique de la cathédrale qui a promis de chanter la messe de mort de Giles pour la première fois : 80 louis.

- Pour le prédicateur chargé de faire l’oraison funèbre : 24 louis.

A titre indicatif la valeur du louis correspond aujourd’hui à 13,6 euros.

Le cardinal de Polignac a donc été un illustre enfant de la ville du Puy. Le Prince Albert II, petit-fils de Pierre de Polignac, est son arrière petit-neveu au 8° degré.

 

H. C.

 

Vous aimerez aussi