Mariage homosexuel : « C’est ça l’important pour moi. L’indifférence »

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 28/04/2023 à 12:00

Le 23 avril 2013, l’Assemblée nationale a adopté une loi révolutionnaire sur le mariage. Que les personnes du même sexe puissent s’unir à l’instar d’un couple dit « traditionnel ». En 2015, Lionel et Robert se sont dits oui à Brives-Charensac sous la bénédiction du maire Gilles Delabre. Plus qu’une célébration, c’est un symbole de liberté qui a brillé haut ce jour-là.

Remous, contestations, manifestations… Il y a 10 ans, le « pays de la liberté » subit des pressions opposées notamment durant l’année 2012 entre ceux refusant l’ouverture du mariage homosexuel et ceux défendant ce qui se nommera par la suite la Loi Taubira.

En figure de proue de l’opposition, la militante ultra catholique Frigide Bardot, qui se proclame au passage « l’attaché de presse de Jésus-Christ » (Source : Le Figaro du 4 janvier 2013) mène les cortèges de la manif pour tous (collectif d’associations refusant le mariage pour tous et l’adoption aux couples du même sexe en France).

Pendant un an environ, entités religieuses catholiques aux côtés de partis politiques d’extrême droite tels que Civitas croisent alors le fer avec une foule aux multiples visages, mais défendant d’une même voix le droit de se marier librement.

Le 23 avril 2013, au terme d’une longue bataille parlementaire, la loi dite Taubira est adoptée officiellement à 331 votes pour et 225 contres. Le 17 mai de la même année, elle est promulguée. Si cette dernière date semble avoir été choisie au hasard du calendrier, il n’en est rien. C’est la Journée mondiale de la lutte contre l’homophobie.

« Je peux affirmer qu’il a été le plus beau et le plus festif de tous »

À Brives-Charensac, le maire Gilles Delabre a eu l’honneur de célébrer l’unique mariage entre deux personnes du même sexe qui s’est déroulé dans la commune depuis la promulgation historique. Cette union s’est passée le 30 mai 2015. « De tous les mariages que j’ai eu la chance de consacrer, je peux affirmer qu’il a été le plus beau et le plus festif de tous », partage-t-il sans hésitation.

Il rajoute aussi : « Je n’ai jamais vu la salle des mariages de la mairie aussi pleine. Des gens se tenaient même dehors, debout, et applaudissaient à tout rompre. Ce fut pour moi un pur moment de bonheur, parfois ponctué d’une profonde émotion notamment lors des discours des deux mariés ».

« La liberté. C’est le maître-mot. Qu’on laisse la liberté à qui que ce soit d’aimer qui que ce soit, peu importe son origine ou son sexe ». Gilles Delabre, maire de Brives-Charensac

« Officialiser ainsi notre amour par le mariage était dans la logique de nos envies »

Ils s’appellent Lionel et Robert. Lui a 55 ans et son mari italien 10 ans de moins. Ils sont ensemble depuis maintenant 12 ans. « Gilles Delabre a été mon instituteur il y a bien des années maintenant, partage Lionel. Et je suis très fier que ce soit lui qui ait célébré cet instant magnifique et dans mon lieu de naissance ».

À la question de savoir pourquoi avoir eu l’envie de se marier, Lionel répond : « À l’image de beaucoup de couples, ce fut comme une évidence. Officialiser ainsi notre amour par le mariage était dans la logique des choses, dans la logique de nos envies ».

Depuis le 23 avril 2013 en France…

Plus de 70 000 unions de personnes de même sexe avec une moyenne de 7 000 par an environ.
De 2013 à 2019, ce sont les hommes qui se marient le plus.
La tendance s’inverse ensuite.
L’âge moyen des mariés : 38,5 ans pour les femmes. 44 ans pour les hommes.
(Source : enquête Insee parue le 17 janvier 2023)

« En amour, on peut tout faire tant que l’amour est partagé »

Sur place, 150 personnes assistent à cette union, une première dans l’histoire de la commune. « Ce fut un très beau mariage, se rappelle Lionel. Mais j’avais eu quelques appréhensions sur la réaction des gens, que des personnes nous sifflent et nous huent pour contester ce moment de bonheur. Mais rien ne s’est passé en ce sens ».

Derrière ses yeux teintés de vert, on devine les souvenirs heureux qui lui accrochent des sourires à mesure qu’il parle. « Nous avions invité un drag-queen pour l’occasion. Les enfants étaient subjugués de voir cet homme, habillé et maquillé comme une femme. Il y avait des gens différents, des sensibilités diverses, et nous avions l’impression que notre mariage avait fédéré toutes ces différences pour en faire… Une indifférence ».

En soutenant le regard, il appuie alors : « Car c’est ça l’important pour moi. L’indifférence. En amour, on peut tout faire tant que l’amour est partagé. Tant que l’amour est en accord. Et personne n’a le droit d’interdire cet amour sous prétexte qu’il sort du modèle standard de société ».

« Est ce que le fait d’être homosexuel fait de nous de mauvaises personnes ? Un couple homosexuel est pareil qu’un couple hétérosexuel. Avec notre union, je voulais prouver au monde entier cet état de fait ». Lionel

« Comme beaucoup d’homosexuels, il fut un temps où je cachais ma différence »

Lionel, infirmier depuis l’âge de pouvoir l’être, est en formation pour devenir Cadre de santé à l’hôpital public ponot. Avec son mari Robert, Cadre dans l'industrie, ils vivent aujourd’hui dans un coin de verdure à Polignac. « Je ne comprends pas vraiment tous ceux qui se sont dressés contre le mariage pour tous, souffle-t-il. Les mentalités évoluent, c’est vrai. Mais le combat est loin d’être terminé. »

Il continue sur le sujet : « Comme beaucoup d’homosexuels, il fut un temps où je cachais ma différence. Car tout ce qu’on entend autour de nous durant notre parcours de vie sont souvent des représentations négatives de cette différence. S’accepter, accepter son attirance et se dire « je suis homosexuel » peut prendre beaucoup de temps à cause justement de ces représentations ».

« Juste ouvrir les yeux sur l’être devant soi »

Lionel termine en ces mots : « J’ai la chance d’avoir un certain âge et d’avoir longtemps réfléchi sur tout ça. J’assume à présent totalement mon « moi ». Et encore une fois, le combat n’est pas de faire assimiler par la société notre différence. Notre combat est l’indifférence. Juste ouvrir les yeux sur l’être devant soi et pas sur ses préférences sexuelles ou sentimentales ».

Depuis que l’Hexagone a adopté la loi Taubira, 13 pays ont suivi le même chemin. Le Brésil, Malte, le Royaume-Uni, le Luxembourg, la Finlande, les États-Unis (pour les 50 États), l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, Taïwan, l'Équateur, le Costa Rica, et Mexique.

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Vos commentaires

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2 commentaires

sam 29/04/2023 - 08:57

Merci pour cet article. J'ai moi aussi épousé mon mari en Haute-Loire, en 2014, et ça a été une très belle fête. Je n'ai jamais compris certaines positions politiques mais pas non plus celle de l'Eglise. C'est d'ailleurs à l'époque des manifestations contre ce droit que j'ai demandé à ce que mon nom n'apparaisse plus sur les registres du baptême. On peut tolérer des opinions mais pas la haine, qu'elle soit homophobe ou qu'elle ait d'autres cibles.

ven 28/04/2023 - 16:35

Très bel article qui évoque la bêtise crasse de Frigide Barjot auto-proclamée "porte-parole de Jésus" mais qui aurait pu tout autant citer notre président de région qui était dans le même camp. D'ailleurs, on entend plus beaucoup ces politiciens de pacotille sur le sujet, peut-être se sentent-ils maintenant un peu ridicules ?

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