Les services pénitentiaires d'insertion et de probation en recherche d'efficacité

Par Olivier Stevens , Mise à jour le 24/09/2021 à 12:00

C'est à Saugues que la CGT Insertion Probation, organisation syndicale majoritaire au sein des services pénitentiaires d'Insertion et de Probation, tenait son Congrès triennal jusqu'hier. L'occasion de mieux connaître les arcanes et les doléances d'un métier complexe et méconnu.

Les services pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP) sont des services de la direction de l'Administration Pénitentiaire et donc du Ministère de la Justice. Ils prennent en charge des personnes prévenues et condamnées, que ce soit au sein des d'établissements pénitentiaires  ou en milieu ouvert dans le cadre de contrôle judiciaires ou de condamnations à des peines alternatives ou restrictives de libertés (bracelet électronique, sursis probatoire, travaux d'intérêt général, placement extérieur, libération conditionnelle etc..). Ils oeuvrent dans le but de veiller à leur réinsertion et à la préparation à leur sortie, et ils veillent au suivi des obligations ou des interdictions judiciaires.

Ne pas oublier le pragmatisme du terrain tout en restant ouvert aux nouvelles idées de ce secteur particulier

Les SPIP sont trop souvent uniquement mis en lumière lorsque des faits divers hors du commun se produisent (comme des féminicides ou des longues cavales d'individus sous bracelets électroniques). Cependant, les personnels des SPIP assurent aussi par leur investissement et leurs compétences, des missions spécifiques pour lutter contre la précarité, - notamment en termes d'hébergement, de liens familiaux ou sociaux, -professionnelle, sanitaire ou financière- des personnes. Ils veillent aussi au respect de leurs obligations, et cherchent ainsi à prévenir au mieux la réitération de faits délictueux. L'approche et les conditions de travail de ce métier particulier évoluent très vite. Un des défis les plus importants est de ne pas oublier le pragmatisme du terrain tout en restant ouvert aux nouvelles idées de ce secteur particulier.

"Nous mettons pour ainsi dire de l'huile dans les rouages"

Benjamin Bons, Secrétaire général a.i.de la CGT Insertion Probation répond à nos questions.

Quels sont les objectifs de ce troisième congrès national?

Ils sont clairs. Il s'agit de définir les grandes orientations des syndicats des SPIP et de réviser nos statuts. Il s'agit aussi d'élire l'organe directeur. Il faut aussi prendre le pouls des acteurs de terrain et ne pas perdre leurs demandes dans un secteur d'activité qui bouge très vite et très fort.

Il y a actuellement en France 60 000 détenus en prison et 150 000 personnes suivies en "milieu ouvert"

Quels sont les buts de votre métier?

Les SPIP, comme celui du Puy-en-Velay, dépendent de l'administration pénitentiaire et donc du ministère de la Justice. Nous sommes des travailleurs sociaux.   Tous les détenus de France sont suivis par un CPIP conseiller pénitentiaires d'insertion et de probation. Il s'agit par exemple pour nous d'amortir le choc de l'incarcération pour les détenus. Nous mettons pour ainsi dire de l'huile dans les rouages. Les débuts en prison constituent vraiment un moment critique, dangereux, notamment en termes de risques suicidaires. Nous veillons aussi aux maintien des liens familiaux en cours de peine. Nous aidons aussi à définir un projet de sortie, à aménager la fin de la peine. Afin de mener celle-ci à bien nous travaillons avec de multiples partenaires. Ce sont des missions très délicates et très pratiques.

"Tout le monde est conscient des limites du modèle carcéral "fermé" mais il faut avoir les moyens d'encadrer l'ouverture"

Quelles sont les difficultés rencontrées actuellement?

Il faut savoir qu'il y a actuellement en France 60 000 détenus en prison et 150 000 personnes suivies en "milieu ouvert", qu'il s'agisse de sursis probatoire, de travaux d'intérêt généraux, de bracelets électroniques. Un conseiller (CPIP) suit en moyenne 90 personnes. Leur travail est essentiellement de faire comprendre au détenu le sens de sa peine (l'expliquer, la conscientiser afin qu'il puisse se l'approprier), d'évaluer son comportement général, de discerner les attitudes à risque et dès lors de mettre en place de bonnes stratégies d'évitement. Il faut aussi contrôler les obligations: suivi des rendez-vous, des paiements éventuels et autres charges à respecter.

"Les conseillers ne devraient s'occuper que de 30 à 40 personnes et pas 90 comme actuellement"

Dans ce cadre nous sommes aussi des agents de "probation". De ce que je viens de vous expliquer, vous pouvez déduire que nos deux revendications majeures sont : une meilleure organisation et des moyens supplémentaires. Vu nos objectifs pratiques et légaux les conseillers ne devraient s'occuper que de 30 à 40 personnes et pas 90 comme actuellement. Tout le monde est conscient des limites du modèle carcéral "fermé" mais il faut avoir les moyens d'encadrer l'ouverture. Il s'agit aussi de maintenir le sens de nos métiers, notre identité de travailleur sociaux. Il y a un fossé évident entre notre approche et celle de l'administration pénitentiaire.

"Maintenir le sens de nos métiers, notre identité de travailleur sociaux"

Quels sont les modèles à suivre? 

Les modèles nordiques, scandinaves ou belge sont les plus avancés. Notre orientation n'est pas celle des pays anglo-saxons qui affirment peu ou prou que l'individu seul est responsable de ses actes. Traditionnellement notre approche est plus socio-éducative et prend aussi en compte le contexte dans lequel vivent les prévenus. Nous constatons par exemple un fort taux d'illettrisme, des addictions plus élevées, un passé plus important lié aux aides sociales à l'enfance. Ce sont des données que nous refusons d'ignorer mais il faut les moyens de les prendre en compte dans notre travail quotidien.

 

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