Le mystérieux lac du Bouchet…

Vu du ciel, c’est une antique créature qui parcoure le sol torturé des vieilles terres vellaves. Elle semble engloutir les stigmates laissées par les humains, leurs lignes droites et structurées, pour rendre à la nature sa si belle absence d’angles, sa si belle imperfection.

Et creusé dans sa tête, son œil bleu, immense, cyclopéen, regarde à la fois le monde d’aujourd’hui et celui de jadis, le temps de l’instant et d’il y a 300 millénaires.

Des noces d’eau et de feu

En cette époque où l’homme devenait lentement Sapiens, un volcan explose dans ce qui deviendra plus tard une partie du massif central. Les nuées ardentes déferlent alors, annihilant toutes vies aux alentours. Bousculée, percutée, violentée, ce morceau du monde se transforme, modelé par la puissance des sous-sol et du magma sous pression. Se joue alors une danse de titans, une chorégraphie des éléments entre l’eau et le feu.

Malgré la force incommensurable des profondeurs, le magma n’atteindra jamais la surface. Une nappe phréatique lui bloquera le passage, déversant sur le réseau de lave des quantités d’eau phénoménales. Une fois cette union consommée, une fois l’ardeur des deux amants apaisée, naîtra alors un maar. Un lac de cratère. Un écrin d’azur qui sera baptisé plus tard le lac du Bouchet.

Gardien du temps et des reliques

Si cet enfant des forces naturelles n’a que 300 000 ans, il renferme des sédiments deux fois plus vieux. Cette particularité lui octroie le précieux statut de gardien d’archives climatiques antédiluviennes.

D’autre part, son eau est classée de très bonne qualité car pauvre en nutriments. En ce sens, le lac permet la présence d’un bijou aussi rare que fragile, l’Isoète des Lacs. Ce fossile vivant est menacé de disparition à l’échelle mondiale.

Dans cet endroit où se trouve le calme, le noir et le silence

Quant à ses mensurations d’aujourd’hui, le lac du Bouchet s’étend sur 44 hectares, avec une profondeur maximale de 28 mètres. Mais en dépit de tous les outils que l’homme contemporain possède, le lac contient encore quelques secrets dans la pénombre de sa chair. « Son fonctionnement reste mystérieux, admettent les experts de l’agence d’ingénierie du Département de la Haute-Loire. Aucun cours d’eau ne l’alimente et aucun n’en ressort ».

Ils ajoutent également : « Si on sait que des connexions existent avec des nappes souterraines, on ne sait rien sur ces échanges éventuelles ».

Et le plus troublant dans l’histoire est que le suivi des hauteurs mis en place en 2022 assure qu’il n’y a aucune interaction entre le niveau du lac et la pluviométrie. Comme s’il avait son propre cœur caché quelque part, là, tout au fond, dans cet endroit où se trouve le calme, le noir et le silence.