Il y a 150 ans, deux Altiligériens dans le sang de Paris

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 22/02/2021 à 07:00

Le choc des balles, le fracas des canons et des cadavres par milliers. Tel est le visage mutilé de la capitale française il y a 150 ans. Parmi ceux qui laissèrent leurs empreintes pourpres sur les pavés des rues et les pages de l’Histoire, deux enfants du pays : Jules Vallès et Pierre Malzieux.

Raymond Vacheron, écrivain ponot, a récemment noirci de sa plume quelques pages dans l’Institut Histoire Sociale. Il rappelle un anniversaire à la fois dramatique et beau qui s’est déroulé dans la ville lumière. Dramatique car des milliers de personnes sont tombées sous les balles de l’armée française lors de la « Semaine sanglante » au mois de mai 1871. « L’armée avance et malgré une résistance héroïque, les barricades tombent les unes après les autres, retrace Raymond Vacheron. Du 21 au 28 mai, 25 à 3 000 insurgés sont massacrés et 36 000 suspects arrêtés. S’en suivront 10 137 condamnations dont 4 586 déportés essentiellement en Nouvelle-Calédonie ». La Commune de Paris tombe, écrasée dans le sang et sous la mitraille.

Un siège de 138 jours

Mais sous l’horreur, c’est un anniversaire noble dans le sens de la grandeur des idées portées par ce peuple, des idées sociales et justes, bien trop longtemps enfouies sous des siècles de pouvoir monarchique. Suite à la défaite de l’armée de Napoléon III le 2 septembre 1870, la République est proclamée. « Mais la guerre continue et Paris est assiégée, décrit l’écrivain. Le peuple parisien résiste dans un siège héroïque de 138 jours (…). Adolphe Thiers est choisi pour diriger le gouvernement. La coupure est franche entre Paris, ville républicaine, et la majorité conservatrice ».

Massacre du cimetière du Père-Lachaise en 1871. Photo par DR

« Ce sont des pistes d’un futur possible qu’ont tracées les insurgés »

Le 26 mars, le peuple élit ses représentants à la Commune. « Paris se couvre alors de barricades pour faire face à l’armée française qui cherche à mater ce peuple en révolution, conte Raymond Vacheron. Mais les élus et la population ne se contentent pas de résister à la pression militaire. Ils jettent les bases d’un nouvel ordre social ». Loyers bloqués, droit au divorce, même salaire pour les femmes et les hommes, durée de travail limitée, enseignement laïque dans les écoles primaires, séparation de l’Église et de l’État décidée...« Ce sont des pistes d’un futur possible qu’ont tracées les insurgés parisiens », indique l’historien.

Deux héros altiligériens

Parmi les acteurs de ce long métrage dramatique, deux personnages hauts en caractère font leur apparition. Le premier est né au Puy-en-Velay le 11 juin 1832. Il s’appelle Jules Vallès. Le deuxième a poussé son premier cri à Brioude le 8 décembre 1828. C'est Pierre Malzieux. Ensemble, ils contribueront à écrire l’Histoire de France et à inscrire à jamais leurs noms dans ses pages.

Jules Vallès est né dans cette maison, 16 Place de la Plâtrière au Puy. Photo par Nicolas Defay

Jules Vallès au devant des barricades

Enfant de l’exode rural, Jules Vallès devient écrivain et journaliste de premier plan. « Il connaîtra la censure, les menaces, les procès et la prison à de nombreuses reprises, rappelle Raymond Vacheron. Lors de la Commune de Paris, il est élu du XVe arrondissement. Il publie alors "Le cri du peuple", journal le plus lu pendant cette période. » Durant l’épisode de la Semaine sanglante, il se bat sur les barricades. « L’armée prétend à plusieurs reprises l’avoir reconnu et fusillé, explique l’historien. Mais déguisé en brancardier, il réussit à s’échapper. En Haute-Loire, même sa mère croira jusqu’à son dernier souffle que son fils a été exécuté. Mais Jules Vallès a réussi à gagner l’Angleterre. »

« Une foule qu’aucun autre Altiligérien n’a jamais rassemblée pour un enterrement »

Pour éviter la sentence d’un tribunal militaire le condamnant à mort par contumace, il s’exilera pendant neuf ans outre-Manche. Il passera ses longues années à écrire son roman autobiographique « L’enfant, le bachelier et l’insurgé », une trilogie qui immortalisera la Haute-Loire dans la littérature universelle. « De retour à Paris, après l’amnistie des Communards, il y meurt à l’âge de 53 ans, le 14 février 1885 », décrit Raymond Vacheron. Ses funérailles attireront 60 000 personnes. « Une foule qu’aucun autre Altiligérien n’a jamais rassemblée pour un enterrement », précise-t-il.

Scène de guerre durant la Semaine Sanglante de mai 1871. Photo par Libre de droit

« Qui ramassera son fusil ? »

Veuf et père de quatre enfants, avec à son actif sa participation à la révolution de 1848, le Brivadois Pierre Malzieux plongera lui aussi les mains dans les remous de l’Histoire. « Il adhère à l’Association Internationale des Travailleurs en 1869, indique Raymond Vacheron. Il connaîtra différentes peines de prison ». Dans son quartier des Batignolles, au moment des évènements de la Commune de Paris, Pierre Malzieux prend le commandement d’une compagnie sur les barricades. Le 28 mai 1871, au terme de la Semaine sanglante, il est arrêté et déporté en condamnation en Nouvelle-Calédonie. Il ne sera libéré qu’en 1879. « Marqué par ces huit années de déportation et vivant dans la misère, il se suicide le 11 mars 1882 », ajoute Raymond Vacheron.

À sa mort, Jules Vallès lui rendra hommage en écrivant les mots suivants : « Je l’aimais comme un frère aîné. Il était de Brioude, une petite ville de Haute-Loire, qu’il avait quittée depuis longtemps, mais dont il avait gardé le poétique souvenir. Il fut condamné au suicide par la faim. Qui héritera de son courage à présent ? Qui ramassera son fusil ? »

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Vos commentaires

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1 commentaire

lun 22/02/2021 - 13:57

Hélas pour sa mémoire, on ne peut pas dire que Jules Vallès soit "Le Puy compatible" L'argent et les honneurs vont plutôt à la bondieuserie dans notre belle citée.