Fusion avec Rhône-Alpes : les avis partagés de nos politiques

mar 03/06/2014 - 19:17 , Mise à jour le 03/06/2014 à 19:17

Alors que diverses solutions avaient été envisagées au sujet des regroupements de régions, notamment un grand Massif Central (lire notre dossier), une solution prônée par René Souchon, le Président du Conseil régional d'Auvergne, c'est finalement pour un rattachement de l'Auvergne avec la région Rhône-Alpes qu'a opté François Hollande.
Pour certains, c'est une chance à saisir, pour d'autres, c'est le risque de voir le pouvoir décisionnel éloigné des citoyens de Haute-Loire. La rédaction de Zoomdici a recueilli le point de vue de plusieurs personnalités politiques du département. Vous Pouvez aussi participer à notre sondage sur la page d'accueil de Zoomdici

Pour Laurent Wauquiez, le département sera "le centre de gravité" de la nouvelle région
Le député-maire du Puy Laurent Wauquiez assure qu'il n'aurait jamais accepté d'être rattaché à une région Centre-Limousin, une hypothèse qu'il qualifiait d'"absurdité". Il était prêt à organiser un référendum. Pour lui, c'est "une chance à saisir", avec un département qui sera "le centre de gravité" de la nouvelle région : "on sera un petit poucet, mais qui a du caractère". Sa crainte, c'était que seule la Haute-Loire soit rattachée à Rhône-Alpes, mais "avec Le Puy-de-Dôme, ça permettra d'assurer la cohérence du volet auvergnat et du Brivadois". Ce rattachement peut-il permettre le développement d'infrastructures routières ? "Il y a des enjeux immédiats, comme la RN 88, l'autoroute Saint-Etienne/Lyon, qui handicape beaucoup l'est de la Haute-Loire, ou encore la RN 102. Une région Rhône-Alpes, qui a beaucoup plus de moyens, peut avoir le potentiel de mettre de l'argent sur certains aménagements". Le parlementaire mise sur la complémentarité touristique des deux régions à développer autour de la montagne, "entre la haute-montagne des Alpes et chez nous plutôt le tourisme de plein air et de pleine nature". 
Il reste quelques interrogations pour Laurent Wauquiez : "où on ira pour nos démarches administratives ? Quel avenir pour les fonctionnaires concernés et leur famille ? J'attends des réponses du gouvernement, qui a quand même une approche très brutale sur cette réforme". Enfin, bien qu'il s'agisse d'un projet socialiste, le vice-président de l'UMP votera-t-il favorablement ? "J'attends de voir le détail mais sur ce volet du rattachement Rhône-Alpes avec Auvergne, oui".

Pour Gérard Roche, la question des compétences reste à régler
Pour le sénateur UDI et Président du Conseil général, cette solution est "mieux qu'une grande région Centre-Limousin. J'étais partisan d'une fusion avec Rhône-Alpes mais je craignais que le Brivadois et le Cantal le vivent mal. Finalement, je vois que les parlementaires et le maire de Clermont-Ferrand y sont favorables, alors ça devrait faciliter la manoeuvre". S'il s'est déjà longuement exprimé sur la prochaine disparition du Département (lire), il considère que la question des compétences demeure encore bien floue : "la compétence économique sera renforcée pour la Région, qui récupèrera aussi les routes et les collèges. Mais la culture, le social, la solidarité ? Ce sont des questions qui restent à régler, même s'il y a toujours la possibilité de déléguer à une collectivité locale de proximité, comme ce devrait être le cas, par exemple, pour la viabilité hivernale en Haute-Loire". Après avoir souligné, "mais il faut les moyens correspondant aux compétences", il conclut : "le transfert du personnel se fera en douceur et sera longuement discuté au préalable".

« Clermont devra jouer un rôle pour que la Haute-Loire tire les bénéfices de la fusion », selon le député Jean-Pierre Vigier
« Il est dommage de constater que cette carte des futures régions est sortie très rapidement et sans aucune concertation avec les élus locaux. Cette réforme qui propose à la fois la suppression des départements et la création de grandes régions devrait plus tenir compte de la spécificité des territoires », s'inquiète le député altiligérien. « En effet, dans les régions qui possèdent de grandes métropoles, ces dernières peuvent remplacer les départements. Sur les territoires ruraux comme la Haute-Loire, il n’y pas de grande métropole et le département a donc une justification. Je pense que la suppression des départements risque d’être synonyme de suppression de la proximité. Cette réforme risque de créer une dualité, une fracture entre les territoires ruraux et urbains. Nous devons donc rester très vigilants pour créer une complémentarité », explique Jean-Pierre Vigier avant de revenir sur la fusion annoncée entre l’Auvergne et Rhône-Alpes : « une  partie de la seconde circonscription que je représente est naturellement tournée vers Rhône-Alpes. Le bassin brivadois est lui, naturellement, tourné vers Clermont-Ferrand. Le choix du Puy de Dôme de rejoindre Rhône-Alpes, entraîne automatiquement le rattachement du Brivadois. Dans ce cadre, Clermont-Ferrand doit réellement jouer son rôle de capitale d’équilibre avec Lyon dont elle peut capter l’attractivité. Cela pourrait donc bénéficier à l’ensemble du territoire altiligérien ». Il conclut : « j’espère que le rapprochement avec Lyon engendrera le financement par la nouvelle région des infrastructures de transport ».

----Les deux tiers des agglo de Haute-Loire supprimés ?
Le chef d'Etat souhaite que le processus d'intégration des 36 700 communes dans des intercommunalités se poursuive, afin que chacune atteigne au moins le seuil de 20 000 habitants (le seuil est fixé à 5 000 aujourd'hui). A priori, ce seuil serait un objectif, pas un couperet, et des adaptations seraient possibles. En Haute-Loire, avec un seuil de 20 000 habitants, on pourrait passer de 28 communautés de communes... à seulement 10.-----Jean Boyer : "des imbrications et des échanges bien réels, depuis l'après-guerre"
Le sénateur UDI Jean Boyer est plutôt satisfait : "ce découpage va dans le sens que je souhaite. Pour la Haute-Loire, à part peut être Brioude, les imbrications et les échanges sont bien réels, depuis l'après-guerre, entre les habitants de la Haute-Loire et les bassins de vie stépahnois et lyonnais, qui ont donné leur chance à cette main d'oeuvre qui désertait les campagnes. Il y a une connaissance commune entre ces territoires, pour l'immense majorité du département, je pense que c'est une bonne chose". Concernant les compétences, il rappelle qu'il y aura "une période transitoire de trois ans pour écrêter les compétences départementales" mais il s'inquiète pour la compétence sociale : "restera-t-elle une compétence de proximité ou sera-t-elle noyée dans une généralité compétente ? La logique voudrait que les questions de handicap, par exemple, demeurent une compétence de proximité, mais avec les moyens adéquats". Quitte à la transférer aux agglos ? "Elles ont une fiscalité propre, alors que les cantons n'en ont aucune. Leurs moyens, et leurs compétences, devraient donc être renforcés[...]. En attendant 2020, les conseils généraux devraient garder leurs compétences, qui seront dégraissées progressivement". 

André Chapaveire : "l'Auvergne a tout à y gagner"
Le secrétaire départemental du Parti Socialiste André Chapaveire est enthousiaste : "il fallait modifier ce mille-feuille administratif pour le rendre plus efficace. Le fait d'être avec Rhône-Alpes sera porteur pour l'Auvergne et il y a déjà de nombreux échanges entre les deux capitales régionales, Clermont-Ferrand et Lyon, en ce qui concerne les universités, la santé ou encore le tissu économique. En tant que Président de la CAF, je peux vous dire que l'on travaille déjà ensemble entre les différentes caisses, comme de nombreux organismes publics ou parapublics. Ce sera l'occasion de concrétiser ce qui se fait déjà sur le terrain". Pour lui, il n'y a pas de risque de voir certains cantons délaissés par l'exécutif lyonnais, "qui gère déjà des dossiers de petites communes de Haute-savoie par exemple". Il conclut enfin : "on aura des régions à la hauteur de celles que nous avons au niveau européen et avec une métropole comme Lyon, l'Auvergne a tout à y gagner".

Pour Pierre Cheynet, secrétaire départemental du FN, « les décisions seront prises dans le dos de la Haute-Loire »
« Cette réforme est un Meccano institutionnel sans queue ni tête », a commenté froidement le numéro 1 du Front National en Haute-Loire, Pierre Cheynet : « en fusionnant les régions pour des motifs de convenance politique, François Hollande remodèle la France au gré des caprices de ses plus influents ministres sans réaliser la moindre économie et en malmenant la cohérence culturelle des territoires ». Pour Pierre Cheynet ce n'est pas un mariage de passion, « la fusion Rhône-Alpes / Auvergne se fera contre la volonté de nos voisins rhônalpins et au détriment des départements ruraux. Tout se décidera loin de la Haute-Loire et dans son dos, dans une super-région qui s'apparentera à une véritable métropole lyonnaise », avant de reprendre, « ce qu'on ne dit jamais, c'est que l'UMP aurait mis en place la même pseudo-réforme si elle avait été au pouvoir, puisqu'elle n'est jamais que l'application des préconisations de Bruxelles qui veut transformer la France en un État fédéral composé de régions tentaculaires, à la manière des länders allemands ». Pierre Cheynet a tenu a mettre en lumière les propositions du FN, « nous ne souhaitons pas charcuter la carte des régions françaises mais supprimer la clause générale de compétences et tous les doublons administratifs qui ruinent la France. Il est urgent de limiter les dérives clientélistes des collectivités locales en renforçant le contrôle démocratique et juridictionnel qui s'exerce sur elles ».

Laurent Johanny  : « on évite un Chamboultou dans lequel l'Auvergne doit jouer sa carte »
« La nouvelle carte des régions présentée par le Président de la République montre sa volonté de mener à bien une réforme rendue nécessaire », a commenté au préalable Laurent Johanny, conseiller municipal PS au Puy. « Je souligne l'intelligence de cette proposition avec deux étapes qui évitent un « chamboultou » ravageur. Dans un premier temps, les limites régionales sont conservées puis dans un second temps les départements pourront choisir de rejoindre une autre région. Cette réforme doit pouvoir répondre à plusieurs objectifs : plus de simplicité, plus de clarté, plus d'économies [...] le sujet le plus important est donc celui de la redistribution des compétences. A mon sens, la clause de compétence générale (tout échelon peut agir sur tout domaine) doit être abolie : elle alourdit les démarches pour les acteurs économiques, culturels et associatifs. Le mille-feuille administratif, dénoncé de toutes parts, doit être nettoyé ». Laurent Johanny a ensuite donné son sentiment sur cette nouvelle carte : «  l'Auvergne fusionnerait avec Rhône-Alpes. Pour notre ville chef-lieu et pour l'est du département, la proximité avec le département du Rhône est une évidence au quotidien : liens économiques, transports, commerces, universités... Les choses sont plus contrastées pour le Brivadois. Dans cette fusion, la région Auvergne doit pouvoir jouer sa carte, sans être reléguée au second plan vis-à-vis de Rhône-Alpes. Tout est une question d'équilibre. Les élus doivent veiller à valoriser les atouts du territoire tout en profitant d'une dynamique certaine venue du bassin stéphanois ».

Pour le Front de Gauche, "un risque de favoriser les métropoles au détriment des communes rurales"

Le porte-parole du Front de Gauche Yves Prat craint "un éloignement des élus du territoire" et nuance : "sur un plan financier, c'est peut être une bonne chose mais sur un plan démocratique, c'est un peu plus dérangeant. Cette réforme a été un peu précipitée, au risque de négliger la démocratie et la proximité avec les citoyens. Il n'y a pas eu de débat en amont". 
Pour lui, ce projet rejoint celui de "métropolisation, en oeuvre depuis plusieurs années, et qui vise à faire de grandes métropoles, au risque d'oublier un peu nos territoires ruraux et de les mettre loin des grandes instances de décision. Les financements prioritaires iront plutôt sur les métropoles et comme disait Raymond Barre, ruisseleront peut-être jusqu'à nos petites communes, mais j'en doute sérieusement". Pour lui, cette réforme n'est qu'un "découpage administratif sans fondement démocratique", et il craint qu'il soit "difficile de se faire entendre à Lyon". Enfin, il considère qu'on aurait "d'abord du se préoccuper des compétences, puis du découpage". 


Pour Europe ecologie les Verts, "le mariage de la carpe et du lapin"
Dans un communiqué de presse adressé à notre rédaction, Pierre Pommarel, le Président du Groupe des Verts en Auvergne dénonce "une démarche technocratique, à la hussarde[...].Cette réforme est pour l’heure une pantalonnade, elle émerge dans la plus grande précipitation[...].Cette réforme pourrait malheureusement déboucher, sans aucune concertation avec les citoyens et les acteurs socio-économiques, sur le mariage de la carpe et du lapin, à l’instar de la fusion envisagée des Régions Rhône-Alpes et Auvergne, alors que les sondages ont plutôt montré que leurs habitants étaient contre cette fusion[...]. Par ailleurs, nous ne pourrons accepter de voir émerger des « méga-régions » à la logique concurrentielle et au périmètre totalement déconnecté des réalités de la vie des citoyens, des bassins de vie, des enjeux socio-économiques et environnementaux des territoires, du patrimoine historique et culturel, mais aussi des coopérations existantes".

A.P et M.P.

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