Fractures : quand la comédie joue avec la désertification médicale

Par Macéo Cartal , Mise à jour le 09/08/2021 à 14:05

La compagnie Le petit atelier a présenté durant deux semaines sa dernière pièce du théâtre dans la cour du Bessat, au Théâtre du Mayapo au Puy-en-Velay. Fractures joue l’équilibre entre légèreté et sujet grave, qui traite de la désertification médicale en zone rurale, comme ici en Haute-Loire.

Comme beaucoup d’autres départements ruraux, la Haute-Loire est victime de la désertification médicale dans les zones peu densément peuplées. Un constat alarmant qui a poussé Christophe Huet, comédien du Petit atelier a creuser le sujet pour le mettre en scène.

Mêlant l’humour à des sujets plus sérieux, la pièce joue le parfait équilibre entre des expressions « bien de chez nous » et la vision politique de la désertification médicale. Trois comédiens se partagent la scène. Christophe Huet joue plusieurs personnages : une vieille dame en fauteil roulant, un patient au caractère bien trempé, ou encore un jeune médecin urbain et tous les stéréotypes qui s’en suivent. Stéphane Courtial, qui est également à la mise en scène mais qui remplace Ludovic Charrasse, qui interprète le barman qui discute avec les clients, ou encore un patient. Et enfin, Patrick Bourret, qui prend le rôle du médecin de campagne, pilier central de la pièce.

« Ici, on a tous vécu ce genre de problème, avec nos parents, nos grands-parents…», Christophe Huet

Le spectacle suit le quotidien et les troubles d’un médecin de campagne. Nous voyons au travers des différents anecdotes mises en scène le quotidien pour le moins prenant d’un médecin de campagne, du temps qu’il prend pour chaque patient, sa relation « amicale » avec eux et de sa bienveillance. En mélangeant la narration à la mise en situation, nous commençons avec un médecin qui a la tête dans le guidon, semblant surpassé par les événements et enchaînant les rendez-vous comme à l’usine. Au fur et à mesure, on nous expose le côté dur de la vie d’un médecin de campagne, les inconvénients et la fatigue qu’il en découle. Mais au milieu de tout ceci, quelques petits moments de calme et de bonheur font également partie de sa vie professionnelle… enfin de sa vie tout court.

 

Des anecdotes qu’on a l’impression de tous avoir vécu

Pour ce faire, le comédien Christophe Huet a recueilli des écrits et des anecdotes de médecins ayant vécus en milieu rural. Par la suite, il a transféré toutes ces anecdotes à Aude Biren, qui a écrit le spectacle. « L’idée, c’est qu’elle est sur Paris, donc elle a une autre vision de la désertification médicale, qui existe aussi dans les grandes villes d’ailleurs », indique Christophe Huet.

Quand on lui demande la raison pour laquelle il a voulu traiter ce sujet en particulier, il nous répond que c’est avant tout pour attirer l’échange. « Ici, on a tous vécu ce genre de problème, avec nos parents, nos grands-parents… L’idée : on vous montre quelque chose que vous connaissez mais qui dénonce tout de même un fait, un constat, et puis après on échange. C’est pour ça que c’est important pour nous d’inviter les gens à boire un coup après le spectacle, c’est de pouvoir échanger », expose le comédien. En effet, au travers des personnages, on a l’impression de retrouver une tante, un oncle, une grand-tante ou une grand-mère, et chacun y va de sa petite anecdote personnelle après le spectacle.

« Nous allons vers une destruction de la profession »

Des témoignages et anecdotes, il y en a aussi du côté des professionnels de santé. « Nous avons eu des médecins, des urgentistes, des infirmiers qui sont venus. La moitié du spectacle, ils se marrent, mais pendant l’autre moitié, ils en pleurent car ils attestent que nous allons dans le mur », témoigne Christophe Huet. Et s’il y en a un qui peut témoigner, c’est bien Patrick Bourret. L’interprète du médecin n’aura pas eu trop de mal à ressentir et à comprendre le personnage puisqu’il est lui même médecin généraliste de profession, dont plus de vingt ans en tant que médecin de campagne.

« Selon moi, il faudrait obliger les médecins a passer par exemple deux ans en zone blanche, ça pourrait être une solution », Patrick Bourret

« Je pense que nous allons vers une destruction de la profession. Aujourd’hui, très peu de médecins veulent être dans les milieux ruraux, mais on peut les comprendre. Si ma génération, nous arrivions sur le marché aujourd’hui, peut-être que nous ferions comme les autres en s’installant en hypercentre, à ne pas faire d’heure supplémentaires, etc... , explique Patrick Bourret, Lorsque Christophe joue le rôle d’un jeune médecin qui chercher une place, et qui est abasourdi par le nombre d’heures supplémentaires, par le fait qu’il faut être joignable à tout moment du jour et de la nuit, je l’ai réellement vécu et c’est une réalité […] Selon moi, il faudrait, au même titre que les instituteurs, obliger les médecins a passer par exemple deux ans en zone blanche, ça pourrait être une solution».

Ce sujet ouvre à un véritable problème de société sur la manière dont nous avons de nous soigner et de nous faire soigner actuellement. D'ailleurs, une étude commandé par l’association des maires ruraux de France en fin d’année dernières, soulevant les points en cause dans cette désertification. Vous pouvez la retrouver ici.

Vous aimerez aussi