Fouilles archéologiques : la place du marché couvert dévoile ses secrets

Par Annabel Walker , Mise à jour le 15/04/2021 à 07:00

Des latrines utilisées pendant des siècles, un escalier en colimaçon vieux d’environ 400 ans, une galerie voûtée… Les techniciens de l’Institut national de recherches archéologiques préventives nous font une visite guidée de leurs travaux.

« Ce carré, là, ce sont des latrines », un grand trou dans le sol entouré de quatre murs pour que chacun y fasse ses besoins, nous informe Michel Goy, responsable des fouilles archéologiques sur la place du marché couvert au Puy-en-Velay, fouilles qui ont commencé le 22 mars avant le réaménagement complet de la place. Ces latrines ont été utilisées jusqu’au 19e siècle.
Un peu plus loin, son collègue déplace les restes rouillés d’une planche à repasser pour dévoiler un escalier en colimaçon qui pourrait dater du 16e ou 17e siècle. Plus haut, on distingue bien les voûtes d’une galerie d’environ 2,5 mètres de hauteur. « Au moment des sondages, la galerie s’est effondrée, mais c’était prévu, nous informe Michel Goy, les bénévoles du Roi de l’oiseau y accédaient par un escalier et s’en servaient de cave pour entreposer du matériel jusque dans les années 1990. »

En revanche, à l’emplacement des futurs conteneurs enterrés, les archéologues espéraient faire des découvertes, mais ça n’a pas été le cas, comme l’explique Michel Goy.

Jusqu’au 30 avril avril, les techniciens de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) vont collecter, dater au carbone 14 et scanner en 3D les vestiges souterrains. Il s’agit de documenter les différents occupations de cet îlot urbain de la basse ville construite au 13e siècle. Ils ont commencé par la partie Nord, la plus vaste. À partir du 19 avril, ils s’attaqueront à la partie Sud, plus réduite. Ensuite, place aux travaux à l’automne prochain.

La semaine prochaine, l'Inrap s’attaquera à la partie Sud de la place.
La semaine prochaine, l'Inrap s’attaquera à la partie Sud de la place. Photo par Zoomdici A. Walker

A terme, la place sera censée faire la part belle aux jeux d’eau et à la végétation, en se départant de son aspect de parking actuel (tout en conservant 24 places de stationnement, notamment pour les clients des boutiques environnantes comme la poissonnerie Fargeau qui vend des plateaux de fruits de mer encombrants nécessitant un transport en voiture).
Le bâtiment du marché couvert sera lui aussi rénové. L'appel d'offres pour la délégation de service public (DSP) quant au gestionnaire de l'ensemble commercial est désormais clôturé. Les candidatures sont en cours d'étude.

Annabel Walker

 

L’Inrap intervient sur prescription de l’État (Drac Auvergne–Rhône-Alpes), en amont des travaux d’aménagement de cette place, sur une emprise de 470 m2. Le site de la place du Marché couvert au Puy-en-Velay occupe l’emplacement d’un îlot urbain Granouillet démoli avant 1992, qui était inséré d’après le compoix du Puy de 1544 dans un quartier délimité au nord par la rue Pannessac, à l’ouest par l’ancien rempart avec la tour des Ais et la rue de l’ancienne Comédie ou du Poux de Vere, au sud par la rue Saint-Jacques et à l’est par la rue Saint-Gilles.
Dans ce quartier, l’îlot Granouilhet qui constitue l’emprise de la fouille est limité à l’ouest par la rue de l’Ancienne Comédie (ou du Poux de Vere ou Putheum de Vera) citée en 1294 qui allait jusqu’au niveau de la rue Etienne Médicis, au nord la rue Granouilhet citée en 1236, la place du Marché couvert (ou place du Planet) citée au XVIIIe siècle et la ruelle ou chanton de Granouilhet à l’est qui débouchait sur la rue Saint-Gilles. L’îlot abritait principalement de l’habitat, des boutiques en rez-de-chaussée, des caves, des étables et quelque part dans l’emprise un ancien puits qui alimentait en eau le quartier.

Lasergrammétrie et données numériques tridimensionnelles

Qu'est-ce que l'Inrap ?

Établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Culture et de la Recherche, l’Inrap assure la détection et l’étude du patrimoine archéologique en amont des travaux d’aménagement du territoire. Il réalise chaque année quelque 1800 diagnostics archéologiques et plus de 200 fouilles en France pour le compte des aménageurs privés et publics. Ses missions s’étendent à l’analyse et à l’interprétation scientifiques des données de fouille ainsi qu’à la diffusion de la connaissance archéologique. Ses 2 200 agents, répartis dans huit directions régionales et interrégionales, 42 centres de recherche et un siège à Paris, en font le plus grand opérateur de recherche archéologique européen.

L’opération de fouille de la place du Marché couvert mêle étude sédimentaire et étude de bâti associant documentation photogrammétrie et relevés de détails. Les méthodes d’enregistrement stratigraphique seront appliquées de la même manière au bâti afin d’essayer d’obtenir des éléments chronologiques (phasage, datation mobilier éventuel, analyse C14...) pour les différents bâtis et caves présentes.
Les relevés à la main restent une technique d’acquisitions de données courante, ne nécessitant que peu de moyens matériels. Cependant, le développement de la lasergrammétrie (ou scanner 3D) et de la photogrammétrie offre de nouvelles possibilités pour traiter rapidement de grandes surfaces ou des élévations difficilement accessibles sans échafaudages.
Ces technologies produisent des supports graphiques d’une grande précision. Pourtant, elles ne sauraient se substituer à l’étude au plus près des élévations, qui constitue une étape toujours essentielle. Les données numériques tridimensionnelles ouvrent ensuite des perspectives intéressantes pour tester des hypothèses de restitution, communiquer les résultats auprès des différents publics, ou même après géoréférencement, être associées à des bases de données dans des systèmes d’information géographique (SIG).

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