Des chasseurs moins gourmands en Haute-Loire mais tout de même controversés

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

Malgré la circulaire du Ministère de la Transition écologique envoyée début novembre aux préfets autorisant uniquement aux chasseurs des « missions d’intérêt public » (comme la régulation des sangliers et cervidés), certains préfets de départements ont autorisé des formes de chasse de type loisir. La Haute-Loire ne s’était pas encore positionnée. Sollicitée par notre rédaction, la préfecture nous a informés, ce mardi 10 novembre 2020, qu’aucune forme de chasse loisir ne sera autorisée pendant le confinement.

> Voir les dérogations accordées au fil des jours depuis le 31 octobre selon les départements

Le service concerné au sein de la préfecture a répondu : « la chasse de loisirs est interdite au titre des mesures de confinement et l'article 1 du projet d'arrêté préfectoral le rappelle bien que "compte-tenu des mesures de confinement liées à l’épidémie de coronavirus (COVID-19), l’exercice de la chasse demeure interdit durant la période de validité du présent arrêté, à l’exception pour des motifs d’intérêt général, de la régulation par la chasse des espèces occasionnant des dégâts aux activités agricoles et sylvicoles : le sanglier, le chevreuil et le cerf" ».

> Voir le communiqué de presse complet

La pratique de la chasse en cette période de confinement est désormais encadrée par un arrêté préfectoral en date de 9 novembre 2020. Celui-ci autorise la régulation du chevreuil, du cerf et du sanglier (ainsi que le tir du renard possible en battue) et des espèces de gibier susceptibles d’occasionner des dégâts aux activités humaines.

> Voir l’arrêté préfectoral

« Nous n’avons jamais été dans l’idée de faire pression pour rouvrir la chasse, priorité au sanitaire, répond Gilles Fondelle, le directeur de la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Loire. C’est même la fédé qui a demandé à limiter le nombre de jours de chasse autorisés à deux, alors que la plupart des autres départements en ont trois minimum. »
----La Haute-Loire comptait environ 6 300 chasseurs en 2014-2015, soit 2,7% de la population du département (à l'échelle nationale les chasseurs représentaient 1,5% de la population).
-----Pour autant, l’arrêté ne satisfait pas les défenseurs de la nature. Les deux jours en question sont positionnés les samedis et dimanches, ainsi que les jours fériés (c'est pourquoi la chasse a été autorisée ce mercredi 11 novembre). Pour Jean-Jacques Orfeuvre, membre de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS, voir sa composition) et vice président de l’ONG France Nature Environnement (FNE) de Haute-Loire, cela empêche les non chasseurs qui travaillent ou sont scolarisés de se promener une heure en toute quiétude. FNE demande de décaler ces jours en semaine. « Les week-ends ont été choisis par souci d’efficacité en un minimum de sorties, explique Gilles Fondelle, car pour être au complet, il faut des rabateurs avec les chiens – souvent des jeunes – et des personnes aux postes – souvent les anciens. »

Jean-Jacques Orfeuvre demande également quels contrôles sont opérés pour s’assurer que les chasseurs respectent bien les gestes barrière ? « L’Office français de la biodiversité est chargé de faire respecter les textes, ainsi que la gendarmerie, répond Gilles Fondelle, après ont-ils les moyens de le faire ?… En tout cas, nous avons donné des consignes par une circulaire et transmis des affiches à tous les présidents d’ACCA » (Association Communale de Chasse Agréée).

France Nature Environnement ne comprends pas non plus pourquoi des chasseurs de toute la région Auvergne Rhône-Alpes sont autorisés à venir pratiquer en Haute-Loire avec le risque de propagation du virus que cela comporte. « Ce sont les règles du confinement, acquiesce Gilles Fondelle, les déplacements inter-régionaux sont interdits, donc un Lozérien de Langogne ne peut pas venir chasser en Haute-Loire mais un habitant d’Annecy oui. »

----Lors de la saison 2001/2020, 1 140 cerfs ont été tués par des chasseurs en Haute-Loire, 4 848 chevreuils et 3 500 sangliers. Pour les renards, il n'y a pas de quota donc pas de statistique.-----Jean-Jacques Orfeuvre soulève également une différence de traitement au sein des membres de la CDCFS. La réunion en "audio conférence" prévue vendredi 6 novembre a été annulée la veille au soir par e-mail. « Vendredi, le projet d'arrêté a été envoyé par mail, en ce qui nous concerne le membre de la CDCFS l’a reçu lundi matin, car il ne lui a pas été adressé directement comme celui annonçant l’annulation de la réunion ! Ce mail nous demandait de faire part de nos remarques par retour de courriel avant lundi 12h », s’offusque Jean-Jacques Orfeuvre. De son côté, le président de la fédération des chasseurs de Haute-Loire, Alain Garnier, vétérinaire de profession, a été reçu en personne jeudi soir par les services de l’État. Le projet d'arrêté, lui, a bien été reçu le vendredi par la fédération des chasseurs.

France Nature Environnement note aussi qu’aucun document attestant des dégâts effectifs occasionnés par les animaux chassables n’ait été transmis. « Il ne s’agit pas des dégâts du moment, explique Gilles Fondelle, car l’objectif se situe sur le long terme, il s’agit d’empêcher des populations d’accroître de façon excessive. » Sur les trois dernières années, il chiffre les dégâts occasionnés par le gibier entre 150 000 et 435 000 euros par an. Et de citer le pic de 2017-2018 où la facture était montée à 600 000 euros. Quant à la pratique de l’agrainage abusif (le nourrissage d’animaux sauvages) ou des élevages illégaux de sangliers (comme à Bas-en-Basset en 2017), Gilles Fondelle affirme que c’est un raccourci que d’en faire un argument : « Cela peut exister mais pas sur tout le territoire ; la fédération prône une gestion rationnelle et des animaux naturels. »

Annabel Walker

> Lire le communiqué de FNE43 du 11 novembre 2020 signé Jean-Jacques Orfeuvre, membre de la CDCFS et vice président FNE43 :
« « Déconfinement des chasseurs les week-ends »
Fin octobre, le Président des chasseurs Willy Schraen avait invité ses troupes, à prendre, dans le cadre des attestations prévues , « une heure de détente cynégétique à moins d’un kilomètre de chez soi » ,
« Bien que notre Secrétaire d’Etat nous affirme que cela n’est pas autorisé, d’autres sources aussi importantes au sein de l’Etat nous valident la possibilité de prendre cette heure de détente cynégétique dans le cadre légal de la chasse en vigueur. Je vais donc me référer à cette deuxième approche parce que l’activité de « nature » qu’est la chasse ne peut être moindre que celle des autres. Je vous souhaite donc de prendre un bol d’air à proximité de votre maison et de respecter scrupuleusement la distanciation sociale » Willy Schraen.
Il s’est félicité d’avoir eu gain de cause auprès du gouvernement qu’il fréquente assidûment. Son lobbying est intense.
Cependant, il n’a en partie pas été suivi, la chasse de loisirs n’est pas retenue par la directive ministérielle, seulement une chasse dite de régulation de la faune sauvage et de destruction d’espèces animales susceptibles d’occasionner des dégâts.
Une lettre ministérielle du 31 octobre incite les préfets à prendre des arrêtés en urgence permettant de déroger au confinement pour les chasseurs en invoquant l’intérêt général.
Il s’agit de chasser les espèces susceptibles de causer des dégâts, sont cités les cervidés cerfs et chevreuils et les sangliers et les espèces classées susceptibles d’occasionner des dégâts, en Haute-Loire : renards et martre.
La lettre ministérielle prévoit de consulter la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (commission préfectorale dont FNE fait partie) avant que le Préfet prenne un arrêté
Sur l’URGENCE prévue par la lettre ministérielle, alors que l’on est en novembre et que la quasi totalité des récoltes sont terminées.
Suite à la lettre ministérielle du samedi 31 octobre, les Préfets avaient une semaine pour convoquer la CDCFS (Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage). Elle a été convoquée en "audio conférence" le vendredi 6 novembre au matin. Cette consultation obligatoire selon la lettre ministérielle a été annulée le jeudi à 18h15 par mail !
Vendredi, le projet d'arrêté a été envoyé par mail, en ce qui nous concerne le membre de la CDCFS l’a reçu lundi matin, car il ne lui a pas été adressé directement comme celui annonçant l’annulation de la réunion ! Ce mail nous demandait de faire part de nos remarques par retour de courriel avant lundi 12h.
L’arrêté identique au projet malgré les remarques effectuées par les membres de la CDCFS a été pris en extrême urgence en Haute-Loire, le jour même, lundi 9 novembre.
En Haute-Loire, pendant le confinement actuel, la chasse au cerf, au chevreuil et au sanglier est autorisée à l’affût individuel ou en battues au maximum de 30 chasseurs, les samedis et dimanche et jours fériés. Le tir du renard est autorisé pendant ces battues. Les chasseurs peuvent venir de toute la Région AURA !

Sur les espèces chassables
Quels sont les dégâts causés par ces espèces qui obligent en urgence à ouvrir la chasse ?
Aucun document ne nous a été fourni nous permettant d'étudier les prétendus dégâts pour les animaux (Cerfs, Chevreuils et Sangliers) cités dans le projet d’arrêté.
Si ces espèces occasionnent de tels dégâts qu’il y ait cette urgence à ouvrir la chasse pendant le confinement de la population pourquoi ne sont t’elles pas classées comme « espèce susceptible d’occasionner des dégâts » ?, Peu de gens savent qu’environ 1000 cerfs et 5000 chevreuils sont tués chaque année en action de chasse en haute-Loire.
Concernant le renard, alors que nouvelles fiches dégâts sont opérationnelles depuis le 1er janvier 2020, aucun document ne nous est adressé concernant l’importance de ces prétendus dégâts.
Nous savons que le renard est plus utile que nuisible, toutes les études scientifiques le démontrent. Le renard est un auxiliaire de l'agriculture comme prédateur naturel qui agit pour la régulation des espèces portant atteintes aux cultures, de plus il fait baisser le nombre de tiques portées par les rongeurs dont ils sont les prédateurs et également parce qu’une présence importante de renards limite les sorties de ces rongeurs qui de ce fait ne déposent pas les tiques dans l’herbe. Ils contribueraient donc à la limitation de la maladie de Lyme qui ne cesse de progresser. Rappelons qu’environ 5000 renards sont tuées en action de chasse chaque année en Haute-Loire.
Nous avons sollicité le Préfet pour que la CDCFS soit consultée avec les documents présentant les prétendus dégâts obligeant à ouvrir la chasse les week end

Sur les périodes d’ouverture
Nous avons demandé que les 2 jours prévus dans le projet d’arrêté soient modifiés, en qu’ils ne soient pas les mercredis, samedi et dimanche pour respecter la possibilité pour les personnes non chasseurs (98% de la population) de se promener pendant ce confinement, 1 heure en toute quiétude pour ceux qui travaillent ou sont scolarisés.

Sur les déplacements
Compte tenu de toutes les contraintes imposées aux non chasseurs, nous avons exprimé notre indignation devant le fait que la chasse soit prévue  à l'échelle de la Région AURA et que des chasseurs puissent venir de départements éloignés : Allier, Haute-Savoie, Isère, Drome par ex pour venir chasser en Haute-Loire !!!
Ces actions, si elles ont lieu, auraient du été réservées aux seuls chasseurs du département

Quelques éléments
Ce dimanche matin sur France Info, Marc Fesneau, le ministre chargé des Relations avec le Parlement se précisant lui-même chasseur, se déclarait favorable à la directive ministérielle car elle ne  concerne que les sangliers et cervidés  et en cas de dégâts avérés !!!
L’arrêté est fondé sans avis de la CDCFS avec une simple consultation par mail avec un délais minimum non respecté, formulé en l'absence de tout dossier technique, c'est-à-dire aucun dégat connu.
D’autres membres de la CDCFS ont proposé d’attendre la fin du confinement pour permettre la chasse, en évoquant un manque de solidarité au sein de la ruralité, le fait de creuser le fossé entre les usagers de la nature !!!, les déplacements régionaux, difficulté de contrôle et respect du protocole, notamment pendant la découpe...
Et qui fera la police des différentes contraintes, que les agents de l’OFB ont la possibilité de verbaliser la non application des mesures liées au COVID ? »

> Lire aussi : Au plus près d’une battue au renard (26/02/2016)

Au plan national, l’ASPAS (association pour la protection des animaux sauvages) mène une campagne auprès du grand public et en appelle aux pouvoirs publics pour ne pas accorder de « passe-droits » aux chasseurs.

Dès mardi 3 novembre, son délégué départemental en Haute-Loire, Serge Morel, nous a fait parvenir sa position par ce communiqué » :
« Tout le monde est confiné et privé de balades dans la nature...Tout le monde sauf les chasseurs !
Chasseurs, non-chasseurs : Deux poids, deux mesures ou le confinement à géométrie variable.
Alors que nous sommes dans le deuxième épisode du confinement, alors que l'on contraint tout un chacun à limiter ses activités à l'essentiel, alors que l'on interdit toutes les activités culturelles car elles sont considérées comme non vitales, voilà que le lobby de la chasse vient d'obtenir l'autorisation de sortir les fusils pour pratiquer la chasse en battue et la destruction de ces soit disant nuisibles, pardon… « animaux à problèmes » que sont sangliers, cerfs, chevreuils, pigeons ramiers etc… Il est vrai que le président de la fédération nationale des chasseurs, Willy Shraen se vante d'avoir une écoute attentive et bienveillante à l'Elysée… C'est à croire que dans notre pays le loisir de tuer et faire souffrir les animaux sauvages est une forme de culture bien plus essentielle que celle distillée par les théâtres, les cinémas ou les libraires ! Certes ces actions de chasse devront être soumises à l'approbation préfectorale mais il n'est pas nécessaire d'être devin pour prédire que l'autorité préfectorale départementale va, une fois de plus, avaliser toutes les demandes émises par les chasseurs. la commission départementale de la chasse et de la Faune Sauvage qui va statuer est composée de 2 écologistes pour 13 représentants des chasseurs ou du monde agricole …ce sont donc les chasseurs qui décident ! Où sont la démocratie et l'équité dans tout cela ?... Bien sûr, comme d'habitude, les chasseurs qui se croient investis d'une mission de service public, se justifient en utilisant le prétexte de la pseudo-prolifération des sangliers et des cervidés, et des dégâts aux activités agricoles. Outre que dans nombre de secteurs cette prolifération reste à prouver, il serait bon de comprendre pourquoi, et à cause de qui, on en est arrivé à cette situation. Depuis des décennies les chasseurs jouent aux apprentis sorciers et aux pompiers pyromanes avec la faune sauvage. Prenons le cas du sanglier, qui est d'ailleurs loin d'être l'unique exemple des manipulations de la faune sauvage orchestrées par les chasseurs. Ils ont croisé les sangliers avec des porcs domestiques, d'où une augmentation importante de leur prolificité, et leur attirance pour les cultures. Une politique d'agrainage par laquelle les sangliers sont nourris artificiellement toute l'année favorise là-aussi leur reproduction et leur fixation sur un territoire limité. Si l'on ajoute à cela le rejet systématique du retour des grands prédateurs tels que le loup ou le lynx, on comprend mieux qui est responsable de ces déséquilibres naturels … Certes les chasseurs paient pour indemniser les agriculteurs victimes de dégâts, mais c'est bien là la moindre des choses. Que représentent les quelques dizaines de millions d'euros qu'ils versent aux agriculteurs en comparaison de la valeur vénale des animaux abattus, qui sont consommés ou vendus ? Cette valeur vénale est estimée à plus d'un milliard d'euros en se basant sur les tableaux de chasse réalisés et la valeur de chaque espèce selon les chiffres des Tribunaux et de l'ex-ONCFS…Les jérémiades des chasseurs sont largement injustifiées au regard des bénéfices colossaux qu'ils font sur le dos du monde agricole et de la collectivité nationale, car la faune sauvage est un bien commun, et non la propriété exclusive des chasseurs…et d'autant que la région Auvergne-Rhône-Alpes leur verse plus d'un million d'euros par an et 200.000 euros pour un atelier de découpe ! L'immense majorité de nos concitoyens qui ne pratique pas ce loisir morbide, et qui ne peut profiter librement de la nature en cette période de confinement, tout comme les petits commerçants contraints à la fermeture, ne peuvent comprendre cette politique des petits arrangements, résultat du lobbying intense de la part d'une minorité égoïste (les chasseurs représentent moins de 1,5 % de la population française !) »

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