Confrontation électrique lors des Variations Énigmatiques

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:56

Abel Znorko, Prix Nobel de littérature, brillant, corrosif, misanthrope, vit en solitaire sur une île sauvage de la mer de Norvège, hanté par le souvenir d’une femme avec qui il a entretenu une correspondance passionnée durant 15 ans.
Erik Larsen, un obscur journaliste, a pris le prétexte d’une interview pour rencontrer l’écrivain. Or, entre les deux hommes, les choses se compliquent rapidement, enclenchant un véritable suspense : le journaliste n’en est pas vraiment un et cette femme, que Znorko a aimé, devient le point d’ancrage d’un cruel et retors jeu de révélations. 

Les punchlines s'enchaînent et tiennent le public en haleine
Dans un style propre à Eric-Emmanuel Schmitt, les punchlines s'enchaînent et les mots résonnent parfois un long moment, tels de bavards silences qui viendraient couvrir les paroles des acteurs. Les dialogues s'enchaînent, les répliques sont violentes, délicieusement cyniques, parfois terriblement drôles.
L'un prétend vivre de passion, l'autre d'amour. Les questions fusent, la confrontation est plutôt électrique, surtout lorsque le journaliste s'aventure sur le champ de l'intimité, ce qui a le don d'énerver l'écrivain. Ce dernier refuse, versant parfois dans la méchanceté, plus souvent dans le cynisme, et si sa colère lui intime de mettre son hôte à la porte, elle le retient aussi.
Car il existe entre les deux un lien bien plus fort que les spectateurs auraient pu imaginer, qui sera revélée au fil de moults coups de théâtre. La pièce prend une progression dramatique, un suspense qui va tenir le public en haleine tout au long du spectacle.

Un calme qui contraste avec les variations énigmatiques
Dans cette pièce bien rythmée, Gilles Droulez, metteur en scène et acteur dans le rôle d’Abel Znorko, a su créer une vraie ambiance. Au calme, près du Pôle, il profite d'une nature presque immobile, avec tantôt six mois de soleil, tantôt six mois de nuit. Un calme qui contraste avec les variations énigmatiques et il transporte le spectateur dans un long voyage au pays des émotions, alternant les thèmes de la création, de la trahison, du mensonge des incertitudes, de la maladie ou encore du deuil.
François Tantot excelle dans le rôle du journaliste placide mais qui va vite se révéler autre. La dualité du personnage prend place peu à peu et il creuse au fil des répliques une profondeur qu'on ne lui aurait pas soupçonnée de prime abord.

Si le théâtre du Puy était loin d'être plein pour cette représentation, il faut tirer un coup de chapeau à la programmation pour ce choix audacieux, héritier d'un coup de foudre au Festival d'Avignon il y a quelques années. La compagnie Les Affamés sera de nouveau en Haute-Loire, à Monistrol-sur-Loire, en janvier 2020 pour une nouvelle représentation des variations énigmatiques.

Maxime Pitavy

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