Chômage : "On ne regarde pas ce qu'on était avant"

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 20/12/2021 à 06:30

La Com d'Agglo du Puy se lance dans l'aventure. Celle de pouvoir bénéficier d'une EBE, autrement dit une Entreprise à But d'Emploi. L'objectif ? Que les chômeurs de longue durée puissent user de leurs compétences sans passer par un modèle d'économie conventionnel.

Ils sont douze. Des filles et des garçons. Quand l'un était bucheron, un autre était architecte. Quand l'une était cheffe d'entreprise, une autre provient de l'Education nationale. Si leur point commun réside dans le fait qu'ils sont tous au chômage depuis plus d'un an, ils se différencient par leur savoir-faire propre à chacun.

Et s'ils ont tous eu des existences cassées à un moment donné par un coup du sort, ils sont à présent devenus des exemples de motivation et de persévérance. Car ensemble, ils se battent pour qu'un projet social et humain puisse peut-être voir le jour. Un projet décliné en trois lettre : EBE, Entreprise à But d'Emploi.

"Des compétences qu'ils n'arrivaient pas à faire valoir sur le marché de l'emploi habituel"

"Le principe d'une EBE est que les aides sociales qui sont normalement versées à la personne bénéficiaire soient confiées directement à l'entreprise, explique Thierry Mourgues, vice président de l'Agglo, en charge de l'économie sociale et solidaire. Une EBE s'adresse à des chômeurs de longue durée qui désirent plus que tout un retour à l'emploi mais sans passer par le chemin classique."

Il continue dans ce sens : "Par le biais de l'association Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD), ils viennent exposer leurs compétences qu'ils veulent mettre au profit de la future EBE, des compétences qu'ils n'arrivaient pas à faire valoir sur le marché de l'emploi habituel".

L’objectif de l’expérimentation "Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée" est le retour à l’emploi de chômeurs de longue durée grâce au développement d’activités manquantes, sans faire concurrence à celles déjà existantes

Quatre secteurs, des idées et de l'huile de coude

Depuis des mois, l'équipe ponote distille leurs savoir-faire sur quatre secteurs distincts. Le travail du textile avec des matières récupérées, la remise en état de jouets en bois, la rénovation de mobiliers qui étaient destinés à la benne, enfin le démantèlement d'ouvrants (portes et fenêtre) afin de séparer les matières recyclables comme le bois et le fer des autres éléments irrécupérables. Pour cette dernière activité, l'entreprise Vacher s'est proposée volontaire pour accueillir quatre membres de l'équipe de la future EBE.

"Il faut montrer patte blanche au ministère qui décidera quel territoire peut implanter le dispositif en son sein"

Pourquoi se donnent-ils tant de mal ? Pour prouver que leur projet est viable et qu'il mérite de donner naissance à la précieuse Entreprise à But d'Emploi. "Une EBE ne se monte pas comme ça, explique Thierry Mourgues. Il faut montrer patte blanche au ministère qui décidera quel territoire peut implanter le dispositif en son sein."

Ainsi, au mois de janvier 2022, la Com d'Agglo du Puy va déposer son dossier pour faire partie des 122 territoires candidats au projet national "Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée". Mais cette seconde loi d'expérimentation va ouvrir le projet à seulement...50 nouveaux site en France. Seuls ceux qui auront prouvé le sérieux et la viabilité de leur projet rejoindront les 10 pionnières à l'instar de Thiers ou encore de Villeurbanne.

"Au regard des dix territoires pionniers en la matière, on sait qu'ils ont commencé avec peu de monde au début, comme nous actuellement. Nous avons visité Thiers qui en train de créer leur 4ème entreprise. Et Villeurbanne possède deux structures avec plus de 100 salariés". Thierry Mourgues

"Seul ce que je sais faire de mes mains et de ma tête est important"

"Ce qui m'a décidé d'opter pour cette solution plutôt qu'une autre, répète la question Corinne, l'une des bénévoles fédérés à l'association TZCLD. C'est qu'ici, on prend véritablement en compte les compétences qui font ce que nous sommes. On regarde ensemble ce qu'on peut faire aujourd'hui et ce qu'il est utile de faire pour la société et les entreprises partenaires comme chez Vacher par exemple."

À côté d'elle, Abdelhaq vient du monde de l'aéronautique. "Je suis passé de reconversion en reconversion à cause de mes ennuis de santé, livre-t-il. Dans cette asso et dans, j'espère, la future EBE, ma santé n'est pas considérée comme un frein. Seul ce que je sais faire de mes mains et de ma tête est important".

"On apporte nos qualités, on les partage, et on fait avancer le projet"

Magali, passée par le monde du commerce, de l'immobilier ou encore de l'Education nationale, résume en une phrase la philosophie de l'association. "Ici, on ne regarde pas ce qu'on était avant. On est ce qu'on est. On apporte nos qualités, on les partage, et on fait avancer le projet dans le même sens que tous ceux présents ici".

Malgré l'opiniâtreté qui émane d'elle et de ses camarades, Magali admet tout de même des réserves : "Si nous ne faisions pas partie des prochains territoires élus pour implanter une EBE, ça serait vraiment une grosse gifle pour moi !".

470 chômeurs de longue durée dans le centre ville ponot

Thierry Mourgues se veut serein quant à la suite du périple. "Je suis confiant !, lance-t-il devant l'équipe. Je sais qu'ils vont y arriver ! Et quoi qu'il se passe dans les mois prochains, cette expérience aura profondément marqué votre vie d'une empreinte positive."

S'ils sont 12 matelots à diriger ce fier navire, l'embarcation s'avère grande et spacieuse. Car d'après les chiffres du Pôle Emploi, 470 personnes sont caractérisées comme chômeurs de longue durée dans le cœur de la cité ponote. "L'idéal pour une première EBE serait d'atteindre un effectif de 30 recrues, indique Thierry Mourgues. À Thiers, au bout de 6 ans d'existence, ils ont déjà constitué 4 EBE avec un total de 130 employés ! C'est vraiment le genre d'objectif que nous voudrions atteindre et bien plus encore".

Ci-dessous, un exemple de la création d'une Entreprise à But d'Emploi, à Mauléon (79) :

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Vos commentaires

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1 commentaire

lun 20/12/2021 - 07:34

Si le travail au noir était un peu plus sanctionné tant auprès du donneur d'ordre que du" travailleur " certainement qu'il y aurait moins de personnes qui se complaisent dans l'assistanat