Cette femme est à la fois morte et vivante

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 22/09/2023 à 06:00

Quand une erreur administrative vous tue. C’est ce qu’a vécu et que subit encore Évelyne, habitante à Bains, suite au décès de son mari en 2011. Il y a 12 ans, cette dame, aujourd’hui âgée de 67 ans, est morte numériquement parlant quand son époux a pris le statut...de veuf.

Une embolie pulmonaire. C’est ce qui a emporté le mari d’Évelyne en cette malheureuse année 2011. « Il a été déclaré mort à l’hôpital Émile-Roux du Puy, partage la retraitée domiciliée à Bains. Les papiers ont été faits correctement. Il n’y a pas eu de soucis de ce côté-là ».

Durant les premières semaines après le décès, outre le lourd chagrin éprouvé, la vie a continué de s’écouler à son rythme et la terre de tourner normalement. À ce moment-là, Évelyne est toujours vivante parmi les vivants, avec son compte bancaire et la carte bleue qui va avec, la sécurité sociale, la carte vitale…

« Les comptes étaient bloqués. Et personne ne pouvait me dire pourquoi ! »

« Un mois après, je suis allée à la banque pour récupérer de l’argent sur le compte joint que nous avions mon mari et moi, continue Évelyne. Mais l’employé m’informe que je n’ai plus aucun droit dessus. Effarée, je lui demande pourquoi. Il n’a pas su me dire. Les comptes étaient bloqués. Et personne ne pouvait me donner de raison ! »

« Ma vie était rayée. Je ne savais pas comment faire pour prouver que ce que voyaient les gens devant eux était bien une personne en chair, en os et en vie ! » Évelyne

Le cauchemar commence alors. Un lourd chemin du combattant qui va durer des années. « Quelques jours après, j’ai appris la source du problème, poursuit-elle. Un des responsables de la banque à Allègre, là où j’habitais avec mon mari à cette époque, avait indiqué que mon époux était devenu veuf le jour de sa propre mort. Par définition, j’étais de mon côté passée de vivante à morte ».

Elle poursuit : « Déjà, psychologiquement, on ne veut pas y croire, souffle Évelyne. On ne peut pas y croire. J’étais là, respirant devant le personnel des administrations, et j’étais pourtant considérée plus morte que vivante. Parce que les données disaient que mon mari était veuf, je n’existais plus ! »

D’après plusieurs sites internet, il faut agir dans l’urgence. Car une fois les sources de revenu gelées, il est alors très compliqué de rétablir la situation en raison de la crainte de fraude

« J’ai vécu dans une véritable misère pendant plusieurs années »

Juste avant que son mari ne décède, Évelyne avait commencé à percevoir des allocations chômage après avoir quitté son poste de technicienne informatique dans une entreprises yssingelaise. « Pendant un temps, ma pension a été suspendue, assure-t-elle. J’ai vécu dans une véritable misère pendant plusieurs années. »

Pire, l’assurance-vie qu’avait contractée son mari et qui devait être versée à son épouse s’il mourrait avant elle, semble avoir disparu. « Je ne sais pas où sont les fonds, car personne de la banque à Allègre ne veut me dire quoi que ce soit, grince-t-elle. D’après le peu que j’ai pu apprendre, c’est que l’argent est là, en suspens, mais qu’il ne peut m’être versé ! Pourquoi ? Je ne sais toujours pas ».

Nous avons contacté la banque en question à Allègre pour savoir ce qu'il en était de cette assurance-vie qui, selon Évelyne, ne lui a jamais été versée. Après nous avoir assuré qu'un responsable de la banque nous rappellerait, nous n'avons reçu à ce jour aucun retour

Le Certificat de vie, sésame de l’existence

D’autant plus qu’Évelyne a trouvé assez rapidement le moyen de démontrer qu’elle est toujours vivante. « J’ai su qu’il existait un document appelé Certificat de vie, lance-t-elle. C’est un papier qui démontre administrativement que nous ne sommes pas morts ».

Un document pas si rare...dans certains cas

Nous avons contacté la mairie du Puy sur le sujet. "Dans le cas de cette dame, c'est extrêmement rare, voire inédit. Mais, par mois, nous avons une dizaine de demandes du Certificat de vie par des personnes vivant à l'étranger et sollicitées, notamment, par leur caisse de retraite pour prouver leur existence". 

Malgré ce document octroyé par la mairie du Puy-en-Velay, les galères continuent.

« J’avais bien mon argent sur mon propre compte bancaire personnel mais je ne pouvais le retirer avec une carte bancaire» , explique encore Evelyne.

Elle précise :« Car, si ce document me débloquait certaines portes, il fallait que je le montre à chaque fois pour attester de mon existence. Aussi, pour avoir des espèces, je me suis présentée pendant près de 10 ans au guichet de la banque, certificat de vie en possession ». Cette année, l’administration bancaire lui a permis de posséder enfin sa propre carte de retrait.

Le site du Cleiss indique deux causes principales de cette situation. Une erreur manuelle d’une administration. Ou le décès bien réel d'un homonyme

Dans le cas d'Evelyne, le Certificat de vie a été signé par Michel Chapuis, maire du Puy.
Dans le cas d'Evelyne, le Certificat de vie a été signé par Michel Chapuis, maire du Puy. Photo par Nicolas Defay

« J’espère plus que tout que mon témoignage servira à d’autres qui ont vécu ou qui vivent aujourd’hui cette situation ». Évelyne

« Cette sensation d’être morte et que tout le monde vous l’affirme reste traumatisante »

À noter que le précieux document a une validité limitée. Pendant trois mois, Évelyne est vivante. Ce délai passé, elle meurt à nouveau dans le fabuleux monde des chiffres, des logarithmes et des données administratives.

« Aujourd’hui, ma situation commence à se tasser, s’exprime-t-elle. Je commence à percevoir ce qui me revient de droit notamment mes complémentaires retraites. Mais je n’ai toujours pas de nouvelles de l’assurance-vie de mon mari ».

Elle termine en ces termes : « Je pense avoir un tempérament de battante, qui ne baisse pas facilement les bras. Mais, sans parler du cauchemar financier dans lequel cette bourde administrative m’a plongée, j’avoue que cette sensation d’être morte et que tout le monde vous l’affirme reste traumatisante. Il faut avoir les épaules solides ou être bien entouré pour encaisser tout ça ». 

Sur le lien ci-dessous, une autre histoire édifiante d'une personne dans le même cas qu'Évelyne, un homme qui a mis plus d'une année pour ressusciter à nouveau : Déclaré mort : "Ce n’était pas possible puisque j’étais en vie" (Source : L'obs)
 

 

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2 commentaires

ven 22/09/2023 - 17:19

Parfois l'Administration exaspère. Nous sommes tous affiliés à la sécu, nous avons un compte France Connect qui lie tous les services de l'Etat à notre situation et malgré tout, nous devons toujours fournir moults papiers et photocopies pour nous justifier d'exister. Bizarrement, nos débiteurs (les impôts, Enedis etc ...) nous retrouvent très facilement mais nos créditeurs ont plus de mal à nous identifier et à valider nos droits.  

ven 22/09/2023 - 13:06

mh 22/09/23 - 13h01.  Voilà une affaire qui méritait d'être médiatisée pour trouver une rapide solution. Oui l'erreur est humaine mais encore faut-il avoir l'honnêteté de la reconnaitre et engager tout de suite sa correction. Les dommages physiques et matériels subits par la victime sont inchiffrables et si aucune action en justice n'est engagée, elle n'aura que ses yeux pour pleurer!. Il ne faut pas accepter une telle injustice!. Cette dame devrait être indemnisée.