C’est une question de vie ET de mort

Par Nicolas Defay jeu 26/01/2023 - 17:00 , Mise à jour le 26/01/2023 à 17:00

Trois évènements sont organisés en Haute-Loire dont le thème concerne toutes les strates et toutes les générations de la société française. Doit-on faire évoluer la loi Claeys-Leonetti pour se diriger vers le suicide assisté à l’instar de la Suisse ou l’euthanasie comme en Belgique ? Doit-on imposer des limites ? Comment mettre dans le même sac sa liberté individuelle et une législation collective ?

« Depuis 2016, la fin de vie en France est encadrée par la loi Claeys-Leonetti, explique Isabelle Chazot, médecin en soins palliatifs à l’hôpital Emile-Roux. Elle permet le développement des soins palliatifs, c’est à dire le soulagement des symptômes psychologiques et physiques avant la fin de vie ».

Elle continue : « Cette loi introduit aussi la possibilité d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès dans certaines conditions, notamment quand les symptômes sont impossibles à soulager. » Devant son auditoire composé principalement d’élèves en première année de BTS ESF (Économie Social Familial), elle termine : « Un certain nombre de nos concitoyens demande à ce que la loi évolue en demandant l’euthanasie, l’aide active à mourir ou le suicide assisté en leur fournissant des produits létaux ».

Au centre, le médecin Jacques Labrosse. À sa gauche, le médecin Isabelle Chazot.
Au centre, le médecin Jacques Labrosse. À sa gauche, le médecin Isabelle Chazot. Photo par Nicolas Defay

Est-ce que la loi Claeys-Leonetti suffit ou faut-il s’inspirer des pays voisins ?

Pour que cette question de société soit justement saisie par les éléments qui composent la société, une convention citoyenne a été mise en place récemment. 184 personnes en France ont été tirées au sort pour s’accaparer du sujet et débattre de son enjeu et de ses conséquences.

Depuis le 9 décembre 2022, elles se réunissent régulièrement en ce sens pour rendre leur analyse le 19 mars 2023. D’innombrables questions et de réponses sont alors abordées pour résoudre la grande problématique : Est-ce que la loi Claeys-Leonetti suffit ou faut-il s’inspirer des pays voisins ?

1003 personnes de 18 ans et plus ont été sondées dans le cadre de cette enquête.
Pour retrouver l’intégralité du sondage, suivez ce LIEN.

En résumé :

L'approbation du recours à l’euthanasie (comme en Belgique)▼
Question : Certaines personnes souffrant de maladies insupportables et incurables demandent parfois aux médecins une euthanasie, c’est-à-dire qu’on mette fin à leur vie, sans souffrance. Selon vous, la loi française devrait-elle autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de ces personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent ?

  • Oui, absolument : 51%
  • Oui, dans certains cas : 43%

L'adhésion à l'autorisation du suicide assisté (comme en Suisse) ▼
Question : Vous personnellement, approuveriez-vous l’autorisation pour les personnes souffrant de maladies insupportables et incurables de recourir à un suicide assisté, c’est-à-dire au fait que ces personnes prennent un produit létal (mortel), en présence d’un médecin, pour mettre fin à leurs souffrances ?

  • Approuve tout à fait : 51%
  • Approuve plutôt : 38%

La mort fait son cinéma

En parallèle, le comité consultatif nationale d’éthique a souhaité l'instauration de débats à travers l’Hexagone au-delà de cette convention. L’association Instance Éthique 43 et ses partenaires organisent alors trois événements gratuits dans le département.

« À Monistrol-sur-Loire le jeudi 2 février et à Brioude le 21 février, ce sont deux Cin’Ethik qui sont proposés, intervient Jacques Labrosse, ancien médecin généraliste et actuellement médecin gériatre, coordinateur en Ehpad et Président d’Instance Ethique 43. Pour le premier, c’est la projection du film "Tout s’est bien passé" avec Sophie Marceau et André Dussolier. Pour Brioude, c’est le long métrage "Plus que jamais" avec Gaspard Ulliel. À la suite des films, des intervenants seront présents pour échanger sur le sujet de la fin de vie ».

Et en plus, c'est tout gratuit...

Les Cin’Ethik :
Jeudi 2 février à 18h30, cinéma la Capitelle à Monistrol/Loire
Mardi 21 février à 18h, cinéma le Paris à Brioude
L’Aper’Ethik :
Mercredi 1er mars à 18h, au Centre Pierre Cardinal au Puy
Réservation vivement conseillée pour la soirée du 1er mars par mail à contact@ethique-43.fr ou au 07 66 86 75 97

« L’idée est que chacun puisse s’exprimer librement sur ce sujet d’ampleur »

Le troisième rendez-vous se passe au Puy-en-Velay le mercredi 1er mars. « Au Centre Pierre Cardinal dès 18 heures, nous organisons un apéritif-conférence-débat (Aper’Ethik) avec les étudiants en BTS ESF du lycée Saint-Jacques de Compostelle, un juriste de Lyon, deux médecins en soins palliatifs et une infirmière philosophe, précise Jacques Labrosse. L’idée est que chacun puisse s’exprimer librement sur ce sujet d’ampleur et que tout le monde puisse repartir avec des réponses ».

« Une législation lourde de conséquences et de responsabilités »

« La question de la mort est de toute éternité une question de société, partage Jacques Labrosse. Aujourd’hui, nous nous dirigeons peut-être vers la mise en place d’une législation lourde de conséquences et de responsabilités non seulement pour les malades mais aussi pour les professionnels qui délivreraient les produits létaux comme en Belgique ou les associations comme en Suisse ».

Il développe encore : « D’après moi et ce que j’entends, il n’est pas impossible d’adopter un modèle suisse ou belge ou bien les deux en même temps. Mais pour l’instant, impossible de connaître le contenu du rapport de la convention citoyenne et comment il sera pris en compte par les parlementaires ensuite ».

Les évènements sont organisés entre autres par l’association Instance Éthique 43, le service en Soins palliatifs du CH Emile-Roux du Puy, le Comité d’Éthique du Centre hospitalier de Sainte-Marie et les étudiants en BTS ESF du lycée Saint-Jacques de Compostelle

« Je demanderai en effet de bénéficier du suicide assisté ou de l’euthanasie »

Les étudiants en BTS Économie Social Familial du lycée Saint-Jacques de Compostelle (Anne-Marie-Martel) font aussi partie de la machine organisatrice. Ils ont principalement agi sur l’Aper’Ethik au Centre Pierre Cardinal au Puy. « Les jeunes sont bien évidemment concernés par cette question, lance Manon évoluant en première année. Malheureusement, il n’y pas d’âge sur le sujet ».

Elle confie son avis sur une évolution ou pas de la loi Claeys-Leonetti. « Si un jour je ne peux plus me servir des membres de mon corps comme dans le film Tout s’est bien passé, je demanderai en effet de bénéficier du suicide assisté ou de l’euthanasie ».

Les élèves en BTS ESF. Au premier plan au centre, Julie Haon de l'hôpital Sainte-Marie.
Les élèves en BTS ESF. Au premier plan au centre, Julie Haon de l'hôpital Sainte-Marie. Photo par Nicolas Defay

« La mort n’est plus un sujet tabou à notre époque »

À ses côtés, sa camarade Lisa semble partager sa réflexion. « Moi aussi, je pense la même chose. Néanmoins, il est primordial que cette nouvelle loi, si elle est mise en place un jour, soit très encadrée et très réfléchie. »

Elle ajoute aussi : « Dans le cadre de nos études, nous avons pu effectuer des immersions dans les Ehpad. On voit bien que certains patients sont dans un désespoir total, immobiles sur leur chaise ou leur lit, incapables de faire leur toilette ou quoi que ce soit tout seul. Certains d’entre eux nous disaient qu’ils ne voulaient plus continuer ainsi. Qu’ils voulaient mourir. La mort n’est plus un sujet tabou à notre époque ».

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1 commentaire

ma

ven 27/01/2023 - 20:05

 La loi permettant le développement des soins palliatifs, c’est à dire le soulagement des symptômes psychologiques et physiques avant la fin de vie suffit. Je ne suis pas du tout d’accord pour que la loi évolue vers l’euthanasie. D'après les chiffres de l'Insee, les demandes persistantes d'euthanasie, qui concernent 16 % des patients en fin de vie, tombent à 0,3 % à partir du moment où la douleur physique est prise en charge. Les dérives en Belgique avec l'euthanasie des enfants sont effrayantes. Je n’associe pas « mourir dans la dignité » avec l’euthanasie, et je trouve beaucoup plus digne de considérer la mort comme un moment de vie à vivre jusqu’au bout. En EHPAD les patients en "désespoir total" ont surtout besoin d’humanité et d’échanges