Aux origines poétiques des fêtes du Roi de l'Oiseau

, Mise à jour le 14/09/2022 à 06:00

Depuis 1986, la capitale du Velay prend prétexte d’un ancien et authentique concours d’archerie pour se replonger dans son passé glorieux et se parer de ses couleurs Renaissance.
Entre société courtoise occitane, concours lyriques et joutes d’archers, retour sur les lointaines origines poétiques du Roi de l’Oiseau.

Le "Jeu de l'Epervier"...

Presque quatre siècles avant les fêtes renaissances du "Roi de l'Oiseau", des réjouissances poétiques existaient au Puy-en-Velay déjà dès la seconde moitié du 12ème siècle.
Chaque année, barons, chevaliers, troubadours et jongleurs occitans affluaient au Puy à la mi-août lors de la fête de l'Assomption. Ces journées festives du "Jeu de l'épervier" réunissaient ainsi pour quelques jours toute la belle et courtoise société du Midi.
Outre les défis guerriers des tournois, il y avait là des défis littéraires, des tournois de troubadours et de nombreux prix étaient décernés aux vainqueurs.
Une cohue de marchands accompagnait également cet événement et les habitants, ainsi que l’église, s’enrichissaient.

Musiciens et poètes : les troubadours et leurs "cansos" occitanes. Photo par Enluminure. DR.

"Le Puy d’amour"

Un concours de poésie s’ouvrait alors à la fin de ces fêtes devant une académie temporaire, auquel participaient des troubadours venus de l'ensemble du Midi. Les poètes réunis formaient une sorte d’académie qui s’était donnée le nom de « cour du Puy ». Un épervier trônait sur une perche, près des examinateurs. Le troubadour qui voulait concourir le prenait sur son poing, annonçant ainsi son intention de participer au concours. Le meilleur trobador était alors désigné "seigneur de l'épervier" le jour de la fête de l'Ascension.
D’autres fêtes poétiques de ce genre existaient dans de nombreuses autres villes du Midi ainsi que dans le Nord de la France et même en Angleterre. Dans ces différentes contrées, ces concours poétiques étaient souvent nommés "Le Puy" ou "Le Puy d’amour".

Le troubadour vellave Pierre Cardinal Photo par Gravure de Léopold Massard. DR.

Pierre Cardinal est l’un des troubadours occitans les plus renommés.
Né au Puy-Notre-Dame à la fin du 12ème siècle, il se met au service des comtes de Toulouse puis du roi d’Aragon. 
Troubadour satirique, moraliste et rebelle, il est l’auteur de nombreux sirventès (poèmes engagés) et de plusieurs cansos (chansons d’amour) en occitan. 

Poème de Pierre Cardinal. Photo par Journal Front Occitan. DR. Collection privé de l'auteur.

...puis le "Jeu de l'Oiseau"

C’est en 1524 que le "Jeu de l’Oiseau" apparaît pour la première fois au Puy-en-Velay.
Cette année-là, les archers et arquebusiers qui s’étaient organisés en confrérie, furent autorisés par les consuls à tirer l’oiseau afin de créer une certaine émulation parmi les jeunes membres de leur confrérie, et les détourner ainsi de « suivre lubricité et tavernes ni s’occuper à mille autres passions et dissolutions en quoi jeunesse est sujette ».
Le tir de l’oiseau avait lieu chaque année le lundi de Pentecôte. Selon la coutume, les participants devaient tenter d’abattre un oiseau de chiffon appelé le papegaï (perroquet en occitan) d’un coup d’arquebuse ou d’une flèche. Le vainqueur était alors proclamé "Rei del Aucel" pour une année pendant laquelle il avait droit de porter l’épée, d’assister aux processions au rang des consuls et de commander « une compagnie de fusilhers et arquebuziers avec sergeans et tambours ». On lui confiait en outre les clefs de la ville et il était exempté d’impôt !

Gravure du "Tir à l'oiseau" Photo par DR

Après quelques interruptions, semble-t-il pendant la période trouble des guerres de religion, le "Jeu de l’Oiseau" se pratiqua régulièrement jusqu’à la Révolution.
Après celle-ci, une tentative de restauration eut lieu le 3 septembre 1814 (elle fut apparemment sans suite) et il fallu attendre l’entre-deux-guerres pour voir, de 1920 à 1940 environ, la tradition reprendre vigueur au Breuil de Mercœur à l’initiative de l’historien vellave Albert Boudon-Lashermes.

Depuis 1986, les fêtes du "Roi de l’Oiseau" ont retrouvé leur faste d'antan.
Durant 5 jours, en septembre, archers, artisans, marchands, princes et mercenaires, tous en costumes d’époque, animent les rues et replongent une vieille ville réservée aux piétons et aux chevaux au cœur de la Renaissance.
Reconnue comme l'une des plus grandes reconstitutions historiques d'Europe, le "Roi de l'Oiseau" est en effet un tonitruant retour au passé où chacun compose sa fête ici et là, au milieu d’une foule bigarrée, entrant dans une taverne boire un verre d’hypocras, encourageant les participants d’une joute avant de se laisser dire la bonne aventure…
Au terme d’une semaine folle, l’apothéose des fêtes survient avec la finale du "Roi de l’oiseau", l’embrasement de la cathédrale, le bal Renaissance et le grand cortège historique.
« Zo qu’acqui ! jòia ! jòia ! jòia ! »

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