'Aujourd'hui, un chef d'entreprise cotise plus qu'un salarié pour moins de droits'

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:32

S'estimant "étranglés par le sysème", artisans, commerçants et indépendants de Haute-Loire se sont réunis dans le mouvement "Les Pendus" et ce lundi 5 janvier se tenait une nouvelle réunion à St-Julien-Chapteuil, avec une cinquantaine de personnes.
Lancé en octobre dernier par des commerçants de Carcassonne, le mouvement a fait des émules aux quatre coins de l'hexagone. En Haute-Loire, le groupement prévoit de manifester ce lundi 12 janvier devant les grilles de la préfecture du Puy-en-Velay, alors que des délégations se rendront à Paris.
Rencontre avec Françoise Dumas, la représentante du groupement "Les Pendus" de Haute-Loire, qui rappelle en préambule : "nous sommes le premier employeur en France : la réalité pour nous, c'est 60 000 petites entreprises liquidées en 2013, 63 000 en 2014 et environ 300 suicides de petits patrons par an. Maintenant, il faut dire Stop ! ".

Françoise Dumas, le mouvement ne cesse de prendre de l'ampleur ces dernières semaines mais quel est vraiment le but de l'association ?
Le but est de regrouper tous les travailleurs indépendants afin de défendre l'entreprenariat en France, d'engager des actions communes pour obtenir des pouvoirs publics une remise à plat du RSI et d'autres contributions fiscales jugées excessives envers les artisans, commerçants et travailleurs indépendants.

Quelles sont concrètement vos revendications ?
Nous, commerçants, artisans et travailleurs indépendants, sommes en lutte pour notre survie et nous demandons avec détermination le calcul de nos cotisations RSI au trimestre échu (et non pas à l'année N-1 ou N-2). Nous revendiquons la diminution des jours de carence pour qu'ils soient ramenés à trois jours en cas d'arrêt maladie, la revalorisation des indemnités pour les femmes enceintes et la révision de la durée de prise en charge du congé maternité. Nous voulons une révision du mode de calcul des indemnités journalières, une prise en charge totale en cas de longue maladie et le droit pour nous aussi à la retraite minimum de base. Nous demandons la baisse du taux de cotisation RSI à 30 % des revenus ou du bénéfice, alors qu'il est à 54 % aujourd'hui. Enfin, nous demandons une baisse immédiate des charges salariales et patronales de 20 % afin de relancer l'investissement et permettre des embauches.

Votre action est-elle réellement indépendante de toute affiliation politique ?
Nous sommes tous des chefs d'entreprise et nous n'avons pas le temps de nous investir dans la politique : nous avons un commerce à faire tourner et pour la grande majorité d'entre nous, nous travaillons bien plus de 50 à 60 heures par semaine ! Bien sûr, la récupération politique de notre mouvement à des fins électoralistes peut être tentante, c'est pourquoi nous restons extrêmement vigilants. Nous le clamons haut et fort : notre mouvement est apolitique.

La situation s'est-elle empirée avec le gouvernement socialiste ou ces difficultés étaient-elles déjà présentes il y a quelques années ?
Les difficultés actuelles sont celles qui nous intéressent, ce sont celles que nous devons résoudre et que nous mettrons en évidence dans le cadre de notre action. Nous ne voulons pas regarder dans le rétroviseur ni alimenter des polémiques politiciennes.

Alors selon vous, quel serait la solution pour endiguer ce flot de colère observé chez bon nombre de commerçants, artisans et autres indépendants ?
Il faut déjà revaloriser l'entreprenariat et le travail car aujourd'hui, un chef d'entreprise cotise plus qu'un salarié pour moins de droits. Ensuite, il faut rémunérer le travail et pour relancer l'économie française, on doit passer par cette étape, même si c'est un peu long à faire comprendre à nos dirigeants politiques...

Selon vous, les syndicats sont-ils aujourd'hui légitimes pour défendre vos revendications ?
Les syndicats ne sont là que pour les très grandes entreprises françaises et pas pour nous, petits patrons, qui sommes asphyxiés par les charges sociales mais personne n'en parle. Si nous en sommes arrivés à un tel point de ras-le-bol général, c'est aussi parce que les syndicats n'ont jamais parlé du réel problème des travailleurs indépendants. Mais sous prétexte que nous sommes des patrons, nous n'avons pas le droit de nous plaindre.

Par quel biais pourrait-on envisager une utilisation plus juste de vos cotisations ?
Il faut qu'elles soient correctement redistribuées et qu'on ait une réelle couverture maladie, maternité, vieillesse. Aujourd'hui, des indépendants mettent leur sécurité en jeu pour la survie de leur entreprise, certains travaillent avec la jambe dans le plâtre, d'autres jusqu'à épuisement ou encore sous chimiothérapie pour payer leurs cotisations sociales... Et si nous avons le malheur de ne pas pouvoir payer, nous ne sommes plus pris en charge par le RSI.

Pour vous, quelles sont justement les principales carences du RSI ?
Nous avons sept jours de carence en cas de maladie, pas d'indemnités journalière la première année, nous devons payer des appels de cotisations même en cas de longue maladie alors qu'elles sont généralement plus élevées que nos indemnités journalières, en cas de grossesse, les indemnités plafonnées sont inférieures à celles des salariés... Des incohérences, il y en a à la pelle, sans oublier les erreurs internes au RSI qui nous envoie des appels de cotisations différentes pour une même période, des problèmes de carte vitale jamais reçue ou encore l'appel systématique aux huissiers de justice qui viennent saisir nos biens personnels pour recouvrer ces sommes.

Pour conclure, avez-vous le sentiment d'être entendu par nos dirigeants ?
Pas du tout, ils sont dans un déni total, et pourtant, ils sont au courant de nos problèmes. Un rapport de la cour des comptes a révélé en 2012 les graves dysfonctionnements du RSI mais ce n'est pas tout : M.Seiller, directeur général du RSI a été auditionné par l'Assemblée Nationale et le sujet a été traité avec beaucoup de légèreté et sans amélioration de notre couverture sociale.

Propos recueillis par Maxime Pitavy

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