Arts funéraires : chorégraphe d’une danse qui n'a rien de macabre

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:50

----Le culte à Jizo
L’art funéraire d’Élise Traclet est ouvert sur le monde. Les pratiques et traditions varient selon les pays, mais parlent des sociétés en question.
« Au Japon, il existe une curieuse pratique cultuelle appelée « cérémonie à la mémoire des fœtus » (mizuko kuy, ndlr), témoigne la jeune femme, une pratique accompagnant les funérailles des enfants morts nés, des fœtus dont la mort résulte d’une fausse-couche ou d’un avortement.»
Ce rite était pratiqué dans un contexte d’offrandes à Jizo (voir sculpture d’Élise Traclet ci-contre), un des huit bodhisattvas (Buddha qui n’a pas encore atteint l’éveil).-----
Occupant la fonction de directrice artistique au sein d’une agence de communication, Élise Traclet avait devant elle une carrière confortable.
Quelques années auparavant, bac en poche, elle avait obtenu un BTS de communication visuelle multimédia, « j’ai ensuite affiné mon goût et mes connaissances en lettrage par une formation de typographie à l’école supérieure d’arts visuels de La Cambre en Belgique », précise la trentenaire.
Mais voilà que l’environnement et la fonction occupée n’ont plus correspondu aux aspirations humaines de la jeune femme.

«Plus cher que les entreprises de pompes funèbres»
Elle et sa créativité ont donc décidé de changer d’air : « je me suis alors consacrée à l’apprentissage de la taille de pierre, explique la jeune femme, mes formateurs, Claude Chevènement et Christophe Chevènement, sont des artisans de renom. Ils m’ont initiée aux techniques qui font qu’aujourd’hui, je suis pleinement qualifiée pour entretenir, tailler et graver la pierre.»
Puis voilà qu’il y a quatre ans, Élise Traclet s’est installée à Saint-Jean de Nay. Elle a monté sa petite entreprise, Les roches qui dansent.
L’artiste propose plusieurs prestations, notamment la restauration d’œuvres. Mais le funéraire est celle qui représente sa plus grande part d’activité.
« C’est en moyenne 10 % plus cher que les entreprises de pompes funèbres, mais cela n’a rien à voir… », glisse au passage la manieuse de maillet et ciseau à graver. Et si ces dernières se voient souvent verser directement et sans délai l’argent des assurances au moment du décès, ce n’est pas le cas pour Les roches qui dansent : « les gens font donc l’avance, c’est un vrai choix. Mais, à mon sens, il vaut le coup. Ces personnes ne sont jamais déçues

Pas de compte à régler avec la mort
Élise Traclet n’a pas de compte à régler, ni d’histoire personnelle douloureuse avec la mort, « non si j’ai choisi ce secteur c’est d’abord parce qu’il faut instaurer une relation de confiance avec les clients, précise la jeune femme, ils ont accepté des petits sacrifices financiers, mais ils ont aussi concédé un délai de quelques jours entre les obsèques de leur proche et le dépôt de la plaque funéraire, les techniques de gravure artisanale étant moins rapides que les procédés quasi industriels des entreprises de pompes funèbres. Ce n’est pas pour ne pas être satisfaits qu’ils ont accepté ces contraintes.»
Et cette satisfaction est synonyme de reconnaissance, pour l’artiste qui puise là l’énergie créatrice qu’elle met en œuvre dans l’atelier situé au rez-de-jardin de son habitation. Une reconnaissance galvaudée par aucune mécanique commerciale, mais obtenue à grand renfort de délicatesse et de sensibilité.

J.J.

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