Parking du Breuil : bientôt la fin de l'anarchie ?

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:56

"En deux semaines, j'ai déjà pris cinq PV (ndlr : procès verbal), de 20 ou 35 €". Ce commerçant ponot (le barbier dont la vitrine, brisée pendant les mouvements sociaux, sera finalement remboursée par la Région) nous montre un éventail de contraventions, dont les dates sont en effet très rapprochées.
Jusqu'au 1er décembre et l'incendie de la barrière du parking du Breuil, dans le cadre du mouvement social des Gilets jaunes, Fouad Sbaï avait l'habitude de payer 8,40 € par jour "mais au moins on était tranquilles, on avait de la place à proximité et on ne perdait pas de temps".
Depuis presque quatre mois, ce n'est plus le même refrain. Il doit chaque matin tourner et tourner dans l'espoir de trouver une place. Parfois, de colère et après avoir perdu trop de temps, il se gare sur un emplacement non matérialisé... à ses risques et périls.

"Ça a toujours été compliqué de se garer ici mais là, depuis quelques mois, c'est l'enfer"
Car trouver de la place dans le quartier n'a rien d'évident, surtout que le mot est vite passé ; le parking a été vite bondé. Nous avons demandé à plusieurs commerçants du quartier et -- si les sons de cloche diffèrent parfois (certains ont des abonnements au parking souterrain, d'autres viennent en vélo ou habitent au Puy) -- tous s'accordent sur la difficulté de trouver des places en ce moment. "Il faut bien compter une vingtaine de minutes chaque matin", nous disent-ils en substance.
Des doléances que font régulièrement remonter les clients selon ces mêmes commerçants, dont plusieurs réclament un stationnement gratuit généralisé. "Ça a toujours été compliqué de se garer ici mais là, depuis quelques mois, c'est l'enfer", nous confie une employée de Princesse Boutique. Elle aussi perd beaucoup de temps les matins et elle a également été verbalisée récemment. "Une fois une cliente a mis une heure à trouver une place", relate une employée de Calzedonia, dans la rue Saint-Gilles.

----1787 places sur les parkings du centre-ville
Parc souterrain du Breuil (476 places)
Parc de surface du Breuil (173 places)
Place Michelet (394 places)
Henri Pourrat (64 places)
Place de la Libération (111 places)
Place Carnot (249 places)
Parking du Pôle Intermodal - Bertrand de Doue (180 places)
Parking de la Gare (140 places)-----"Une injustice" quand on paye 38 € par mois là où d'autres bénéficient d'un stationnement gratuit
Autre point de vue de la part d'une commerçante de la rue Saint-Gilles qui préfère rester anonyme. Elle ne risque pas de se faire aligner puisqu'elle paye un abonnement au parking souterrain. Elle s'interroge sur la gratuité de ce parking, plus proche de son travail. C'est pour elle "une injustice", car elle paye 38 € par mois là où d'autres bénéficient d'un stationnement gratuit. "Et que dire de ceux qui payent les 60 € par mois ?" ajoute-t-elle en référence à ses clients.
Agacée par le mouvement social des Gilets jaunes, elle souhiaterait voir la mairie faire un geste supplémentaire car "on doit fermer boutique tous les samedis, mais on n'a pas de compensation sur le prix de l'abonnement non plus".

"La preuve que la gratuité ne règle pas tous les problèmes"
"La clientèle se plaint du stationnement, mais c'est le cas depuis 60 ans". Sophie Broc, gérante du magasin de chaussures Darnet (également présidente de Puyssance 10), s'inscrit dans un contrepied des plaintes de ses confrères et consoeurs recensés ci-dessus.
Elle vient au travail à vélo et n'est pas confrontée à la problématique du stationnement, mais elle constate que sur le parking à barrières, ce ne sont presque "que des riverains, les voitures ne bougent pas. On le voit bien avec la neige par exemple qui s'y était accumulée". Ce sont les fameuses voitures ventouses que la réforme du stationnement vise justement à sortir des centre-villes. "Vivement le retour de la barrière", souffle-t-elle avant de conclure : "c'est en tout cas la preuve que la gratuité ne règle pas tous les problèmes".

Théâtre d'incivilités
Le parking du Breuil est devenu le théâtre de bien des incivilités. La mairie reçoit de nombreux courriers demandant davantage de répression. En l'espace d'une poignée de minutes, nous avons en effet constaté un bon nombre d'infractions, comme vous pouvez le voir sur le montage ci-dessous :

"On voudrait réparer au plus vite car c'est l'anarchie la plus complète"
Joint par téléphone ce mercredi soir, le maire du Puy-en-Velay, Michel Chapuis, explique qu'il n'est pas en mesure de donner une date pour la réparation de la barrière : "on voudrait réparer au plus vite car c'est l'anarchie la plus complète, certains bloquent le passage, sans parler des apostrophes verbales". Le problème, c'est que la mairie n'a pas la main sur le calendrier car seulement deux entreprises exploitent ce matériel en France, et elles sont surchargées par les débordements des mouvements sociaux de ces derniers mois.
"Le matériel a été commandé dès le lendemain des dégradations", souffle l'élu, "on a porté plainte, déclaré à l'assurance et saisi l'entreprise pour engager des réparations". Mais dans ce marché très fermé, la pénurie de matériel pour des pièces très précises plonge la collectivité dans le flou le plus total ; "on les relance chaque semaine", assure Michel Chapuis, "mais on attend, sans engagement et sans aucune garantie sur la date, comme bien d'autres collectivités dans le même cas de figure".

Malgré une assurance en perte d'exploitations, un préjudice de plusieurs dizaines de milliers d'euros
Autre question pour la municipalité, celle du manque à gagner. "C'est un gros préjudice", commente sobrement le premier magistrat qui ne veut pas donner de chiffres, sachant que la collectivité disposait d'une assurance en perte d'exploitations, mais valable seulement pour les deux premiers mois. Pour les deux mois suivants, on est donc sur une perte sèche. Selon nos estimations, on peut la placer dans une fourchette allant de 30 à 60 000 euros, correspondant à des taux de remplissage d'un et deux tiers (fourchette basse compte tenu de la gratuité de la première demi heure et de l'important turn-over des voitures lorsque la barrière fonctionne), soit entre 4 000 et 8 000 euros par semaine tout de même.
Pour le maire du Puy, qui a péniblement dû porter la réforme du stationnement, contre vents et marées, entre commerçants, pendulaires et pétition, c'est avant tout la preuve que "la gratuité n'est pas une solution" et que "la volonté d'amener ces voitures ventouses en périphérie pour libérer de la place en centre-ville est la bonne".

----Un retour aux horodateurs ?
"On a vite compris que ce serait long avec les problèmes de livraison de matériel et on a même songé à passer le parking en horodateur", nous confie le maire.-----Tous les parkings sont complets... en attendant 150 places de plus à Foch et Montredon
Reste à savoir quelles solutions proposer en attendant car les parkings sont saturés. Nous avons contacté les parkings du Pôle Intermodal, de la gare et d'Estrouilhas (plus de 400 places en tout) : tous sont complets. Idem au parking souterrain de Michelet (476 places), sauf pour les Ponots, qui peuvent seulement s'inscrire sur liste d'attente.
"Il y avait un réel besoin pour ces parkings", répond Michel Chapuis, "et ça justifie nos réalisations futures à Sainte-Marie et avenue Foch, ça prouve que les gens sont prêts à changer leurs habitudes, pour le climat et l'environnement notamment. À nous aussi de mettre en place une offre de transports adaptée pour encourager ces comportements".

Maxime Pitavy

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