Retour sur un repas avec les migrants à Saint-Beauzire

jeu 20/04/2017 - 17:24 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:45

----Pour Monique, bénévole, c’est une évidence
« Je m’occupe de la gestion des dons de vêtements. On est aussi dans les ateliers cuisines, où l’on prépare des spécialités qu’ils nous montrent, comme des gâteaux syriens et Bangladais. Nous avons aussi mis en place un petit coin pour les mamans et les enfants, ils peuvent venir dans cet endroit pour se détendre ensemble, s’isoler pour quelque temps. Il y a un atelier cuisine et un espace jeux pour les enfants. Si rien n’est prévu, on passe les voir, parler avec eux, l’autre jour, ils sont venus à la maison, ils nous ont dit qu’ils voulaient aller à Brioude, alors mon mari les a accompagnés en voiture. »
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Des retrouvailles bimensuelles, ce 19 février 2017, destinées à réunir « les personnes de bonne volonté autour des migrants et des familles de migrants qui sont ici depuis l’automne », explique le directeur du centre, Didier Luce.
Une centaine de bénévoles œuvrent autour de l'accueil des 50 résidents, au sein d'une structure qui a une capacité de 70 places, « un conventionnement que nous avons passé avec l’État et le Département et, pour le moment, nous sommes sur une base de 50 places sur une période bien définie qui s’arrête en juin 2017.»

L'arrivée de familles a changé l'ambiance
Comment ces personnes arrivent-elles jusqu’à Saint-Beauzire ? « On a eu une première vague d’hommes quand ils ont vidé Calais, puis une autre quand ils ont vidé Paris (repectivement les 24 octobre et 4 novembre 2016, Ndlr). Et ensuite, nous avons demandé des familles, comme nous avions des petits chalets. Nous en avons reçu quatre. Á leur arrivée, ça a beaucoup changé au niveau de l’ambiance et c’est très bien pour le centre. Il y a un vivre ensemble extraordinaire entre tous les résidents. »
Quant aux origines de ces personnes, elles sont très diverses : « Nous avons plusieurs nationalités, des Soudanais, des Éthiopiens, des Afghans, des Bangladais, un Somalien, et une famille de Libyens... plus nous. Car nous sommes là aussi. Alors on doit tous apprendre à vivre ensemble.»

«Se reconstruire, c'est essentiel»
Cela semble bien se passer : « Nous n’avons pas de difficultés majeures, les gens se serrent les coudes, mais je vous laisserai le découvrir en parlant avec les gens au repas. »
Des gens qui auraient préféré rester chez-eux pour la plupart, comme l’explique Didier Luce : « Il ne faut pas perdre de vue qu’ils ne sont pas ici par plaisir ou caprice, ils n’ont pas non plus seulement fui la misère. Ils ont fui la mort. Que ce soit au Darfour ou en Afghanistan, avec les Talibans et l’État-Islamique. Ce sont les jeunes hommes qui sont en danger, car dans les deux cas, ils sont « recrutés » de force pour faire la guerre... Ici, en plus de l’accueil et la prise en charge administrative, ils peuvent aussi souffler un peu pour se reconstruire. C’est essentiel. »
----«Partir ou faire la guerre de force»
« Je m’appelle Amanullah Zullfaqar, j'ai 18 ans. J’étais à Calais, et je voulais aller en Angleterre, comme mon ami, mais on m’a orienté vers le centre, ici. Je suis né dans la guerre, cela fait 30 ans que mon pays est ravagé par les conflits armés. J’avais à choisir : partir ou faire la guerre de force, alors je suis parti.

Je suis à l’école à Espaly, je vis chez Didier, au Puy en Velay, et ça se passe très bien. Après l’école, j’ai le projet de devenir animateur. »-----
«Les Talibans ont enlevé et assassiné mon père»
Se poser, en famille, comme c'est le cas pour Nadir rencontré durant ce repas : « Je suis ici avec ma femme et mes trois enfants, commence-t-il, on a traversé l’Iran, la Turquie, puis d’autres pays. On a pris le bateau en Grèce pour rejoindre l’Italie, c’était vraiment très risqué et dangereux. »
Nadir poursuit et son discours devient plus bouleversant : « On est partis à cause des problèmes provoqués par les Talibans, c’était devenu insupportable. Ils ont enlevé et assassiné mon père, car nous n’étions pas d’accord avec eux. J’avais un petit magasin et un troupeau de 160 moutons là-bas. Du jour au lendemain, j’ai tout vendu et on a fui. »
Le repas se poursuit, dans une ambiance fraternelle, et plus on avance dans de tels moments, plus on se postionne dans une vision plus globale des problématiques humaines du monde. Vision qui, de plus, se métamorphose en temps réel.

Seb.S.

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