Les marchands occasionnels se sentent exclus du marché du Breuil

, Mise à jour le 10/07/2014 à 21:44

Jusqu'à présent, le marché s'étalait le long du Breuil sous les platanes et également sur 9 mètres sur la partie sablée. Cette dernière partie va être supprimée et on estime qu'il restera environ 30 emplacements au total. Le règlement change et une vingtaine de marchands occasionnels risque de se trouver sur le carreau chaque samedi.
En effet, désormais, 90 % des emplacements sont réservés aux abonnés, ne laissant donc que 10 % des emplacements aux vendeurs occasionnels. Pour déterminer ceux qui pourront déballer leur matériel, un tirage au sort sera réalisé chaque samedi matin pour attribuer les emplacements restants. Notons que le prix varie de 5 à 15 € par stand en fonction du métrage.

Au moment de s'abonner, il n'y avait plus de place de disponible
Pour Brahim Lhamam, marchand ambulant, c'est inacceptable : "la majorité viennent depuis des années, ce sont des habitués, ils ont leur place attitrée". C'est là que le bât blesse : ce statut n'existe pas, on est soit abonné, soit occasionnel et l'ancienneté ne donne droit à aucun privilège. "Ils vont se retrouver sur un pied d'égalité avec n'importe quel commerçant qui voudra s'installer ici, alors que depuis des décennies pour la plupart, ils sont là chaque samedi et font tourner le marché, en particulier l'hiver", ajoute Brahim Lhamam.
Alertés du changement de règlement, ces marchands ont donc voulu s'abonner mais leurs demande n'a pas abouti car "les places sont limitées et il n'est pas possible d'accorder un abonnement à tout le monde", explique Emmanuel Boyer, "porte-parole" de la mairie du Puy-en-Velay, qui nous a reçu en l'absence de Laurent Wauquiez, retenu ce jeudi à Paris.

----"C'est un métier très dur, qui ne fait pas rêver. Il faut se lever tôt, pour survivre et non pas pour vivre. Voilà pourquoi nous sommes beaucoup de maghrébins à l'exercer", commente Brahim Lhamam.-----La municipalité, accusée de "franciser" le marché, dément
Les marchands déboutés de leur demande crient à la discrimination, assurant que le représentant de la mairie venu leur rendre visite souhaitait "franciser" ce marché. Le "porte-parole" de la mairie du Puy-en-Velay met tout de suite le holà : "la question communautaire est un faux débat. On ne met personne dehors. Nous voulons simplement un marché complementaire à celui de la place du Plot, qui soit une partie intégrante de l'offre commerciale proposée au Puy le samedi".

  • Brahim Lhamam explique que cette nouvelle règlementation proviendrait de remontées du terrain adressées au maire pour se plaindre d'une trop importante population maghrébine. Il rappelle que cette offre répond à une demande et que derrière chaque stand, il y a une famille à nourrir. Ecouter. {{audio1}}

Une expertise mandatée "pour pérenniser et donner un second souffle à ce marché"
Pour bien comprendre le changement de règlement, il faut remonter quelques mois en arrière. "Le marché du Breuil avait perdu de son aura et se trouvait en perdition", débute Emmanuel Boyer, "on a eu cette remontée terrain de la part des clients et des commerçants abonnés, qui les uns comme les autres, ne se retrouvaient plus vraiment dans ce marché". Devant ce constat, la municipalité a décidé de lancer un travail d'expertise "pour pérenniser et donner un second souffle à ce marché, avec une cohérence d'un samedi à l'autre".
Un représentant du conseil municipal a donc écumé tous les marchés de Haute-Loire qui fonctionnent (Craponne, Yssingeaux, Saugues, etc.). Il a donc établi un diagnostic : "notre marché manquait de cohérence et il fallait qu'on dépoussière notre règlement, qui n'était plus du tout en phase avec ce qui se fait sur les autres marchés du département et même de France", résume Emmanuel Boyer.

Deux objectifs : canaliser le marché et retrouver une logique commerciale
Pour changer ce règlement, la municipalité a dû obtenir l'aval de la commission communale des commerçants sédentaires. Le cadre législatif est donc tout à fait respecté. Un nouveau règlement a été établi avec deux axes principaux : d'abord canaliser le marché sur l'allée des platanes en supprimant la partie sablée. Pourquoi ? "C'était souvent conflictuel avec des manifestations comme la fête de la musique, la vogue, la pétanque, etc. Et ça pouvait parfois être dangereux", explique-t-on en mairie.
Le second axe concerne le pourcentage réservé aux commerçants abonnés et occasionnels. "Chacun peut s'abonner : il bénéficie d'un emplacement garanti et d'une réduction de 25 % sur le coût de l'emplacement par rapport à un marchand occasionnel. On a donc décidé de réduire la partie des marchands occasionnels à 10 % du marché, car il n'y avait plus de logique commerciale et trop de fluctuations d'une semaine à l'autre", explique le "porte-parole" de la mairie du Puy-en-Velay avant d'ajouter : "le marché du Plot est bien structuré, pas celui du Breuil. Il fallait donc réagir pour proposer une offre complémentaire et fidéliser la clientèle".

Une manifestation prévue samedi matin devant la mairie
Pourtant, les marchands ambulants qui se sentent lésés dans cette affaire assurent que leur clientèle était fidèle : "on est désolés si nos produits dérangent certains mais on répond à une demande. Certains viennent de Clermont ou de Saint-Etienne, avec des produits qu'on ne trouverait pas au Puy sinon. Chaque marchand a ses clients car ce sont des produits spécifiques". Ils considèrent que le tirage au sort réservé aux marchands occasionnels est un moyen de se débarasser d'eux, car ils ne feront plus les trajets s'ils sont recalés une fois sur deux.
"Derrière chaque stand, il y a une famille à nourrir", martèle Brahim Lhamam, "ils veulent nous enlever le pain de la bouche". Déplorant "une forme de harcèlement pour se débarrasser de nous", mais également de ne pas avoir été concerté avant "cette décision brutale". Les marchands occasionnels ont l'intention de se mobiliser dès ce samedi matin, en stationnant leurs camions devant la mairie pour en boucher l'accès si le tirage au sort pour attribuer les emplacements restants est maintenu à 8 heures.

Maxime Pitavy

 

  • Entretien avec Yves Dévèze, adjoint du Puy aux commerces, au handicap et à la sécurité

Zoomdici : Certains commerçants occasionnels affirment que vous avez tenu des propos anti-Maghrébins, est-ce vrai ?

YD : C'est absolument faux. Vous pouvez demander à la police municipale, il y avait des agents avec moi quand je me suis rendu sur le marché, par exemple la semaine dernière [Ndlr : la police municipale confirme]. D'autant qu'il y en aura des commerçants aux noms à sonorité maghrébine dans la nouvelle configuration. Ils seront même majoritaires, soit douze des 21 abonnés désormais. Car nous sommes passés de 12 abonnés à 21 la semaine dernière. Nous les avons abonnés en respectant trois critères : la diversité des produits vendus, l'assiduité et l'ancienneté. En tout, on va passer de 46 à 33 forains. Donc on ne diminue finalement que de 13 forains non abonnés. Il s'agit de personnes de passage qui ne souhaitent pas s'abonner.

Zoomdici : Comment expliquez-vous que les marchands occasionnels aient pris comme une discrimination ces changements ?

YD : Parce que certains viennent de loin et que si on fait un tirage au sort, ils risquent de venir et de ne pas être retenus. Mais ça c'est quelque chose qui nous embête aussi. Mais ça se passe comme ça sur tous les marchés de la région, je suis allé voir par moi-même. Cela a été validé par la commission communale des commerçants sédentaires. Cette commission nous a conseillé de ne garder que 10% de commerçants passagers. Donc sur 21 abonnés, ça fait deux passagers. Mais ce samedi, il y en aura pas deux mais douze parce que l'on a réservé sur le marché des places pour des commerçants que l'on veut recruter pour apporter de la diversité dans les produits. Mais en attendant que ces forains soient recrutés, on va affecter ces places aux marchands passagers.

Zoomdici : Pourquoi recruter des nouveaux commerçants au lieu de ceux qui se sentent exclus ?

YD : Pour diversifier l'offre. Actuellement, il y a une quinzaine de commerçants de produits de confection. Ils se font trop concurrence. Les forains que nous sommes en train de recruter amèneront une nouvelle clientèle. Nous recherchons dans la quincaillerie, l'aménagement de la maison, de la cuisine comme les toiles cirées, les chapeaux, les vêtements de travail...

Propos recueillis par Annabel Walker

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