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Chaumiers du Mézenc : ''je suis né dans la paille, comme le petit Jésus''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:32

Ils forment un tandem indissociable : Pierre Gimbert, le grand-père, et Quentin Falgère, le petit-fils, sont les derniers chaumiers de France et de Navarre, à perpétuer encore et toujours la réhabilitation des toits de chaume. Depuis Moudeyres, ils interviennent dans toute la France.
Début décembre dernier, la Commission permanente du Conseil Régional d’Auvergne a alloué 3950 € à l’entreprise "Les Chaumiers du Mézenc" pour contribuer à l’acquisition de matériel de production.

"J'ai été poussé à faire ce métier"
Laissons Pierre Gimbert, le grand-père, âgé de 67ans aujourd'hui, narrer lui-même avec ferveur et enthousiasme, la naissance de son entreprise "Les Chaumiers du Mézenc" dans les années 1980.


Quentin est né  dans la paille comme le petit Jésus

Quentin Falgère, le petit-fils, a, quant à lui, attrapé le virus du chaumier dès sa naissance.


C'est lui le patron maintenant...
Le 2 septembre 2014, âgé de 19 ans seulement, mais téméraire, Quentin Falgère reprend le flambeau et succède à son grand-père. Avec une certaine appréhension, il est désormais le patron de la SARL unipersonnelle "Les Chaumiers du Mézenc", basée à Moudeyres depuis cet automne. "Il faut être courageux", reconnaît-il. Optimiste, et passionné par le métier de chaumier, par la confection de toitures en paille, il espère avant tout "avoir beaucoup de travail et la réussite surtout". Et du reste, les chantiers ne manquent pas, par exemple, rien qu'à Moudeyres, celui, imposant, du futur commerce de produits locaux la "Chaumière des Saveurs et de l'Artisanat", mais aussi la réfection de l’écomusée de la ferme des frères Perrel, ou encore la réparation du toit d'une chaumière ayant brûlée.


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La paille de seigle, très résistante et imperméable, provient de Dijon (Saône-et-Loire). Fauchée à l'ancienne, elle est d’abord mise en paquets, pesant chacun huit à dix kilos et permettant par la suite la fabrication de cinq ou six "cloissoux". Les paquets sont ensuite "battus" pour en enlever le grain. Une fois triée et débarrassée de toutes ses impuretés, la paille est acheminée par transporteurs à Moudeyres.

-----… mais il ne donne pas d'ordres à son aïeul

Bien que son grand-père soit devenu son salarié à mi-temps, le petit-fils estime avoir encore besoin de son aide : "mon grand-père va quand même commander même si je suis patron !"
Reconnue "entreprise du patrimoine vivant depuis 2001, les Chaumiers du Mézenc sont désormais les seuls, légalement, à savoir poser ou restaurer de manière ancestrale un toit de chaume. Ils savent aussi et encore fabriquer les fameux "cloissoux". Ils ont certes rencontré dernièrement un chaumier à Nantes, mais "il travaille le jonc et non pas la paille comme nous", différencient-ils. Ainsi, "à notre connaissance, on ne connaît pas d'entrepreneurs déclarés en France travaillant le chaume comme nous", constatent-ils. Véritablement passionné par ce "beau métier", et n'ayant nullement l’intention de prendre sa retraite, Pierre Gimbert constate néanmoins que "c’est un métier usant, un peu dangereux, où il faut de l’attention en permanence"
… et ils posent un peu partout en France 
Les derniers chaumiers de France interviennent principalement dans le secteur du Mézenc, à Moudeyres et à Bigorre notamment, fief de chaumières ancestrales imposantes et typiques. Mais, ils posent hors département également. "On a été un peu partout", reconnaît Pierre Gimbert. Ainsi, ils ont accompli des chantiers dans les Alpes, à Cahors et à Tulle aussi, et même "en pleine ville de Lyon, où on ne dirait pas qu'il y a des chaumières", s'étonne-il encore. En Ardèche, le grand-père et son petit-fils se sont même retrouvés, à leur grande surprise, dans une secte japonaise : "On savait pas qu'on était rentré là-dedans, mais ils étaient très gentils!"

----Le "cloissoux" : quesaco ?
Les Chaumiers du Mézenc entrelacent tête-bêche les brins de paille, d'environ 1,70m, pour en faire des gerbes. Ils ficèlent chaque gerbe avec un lien de paille : c'est le "cloissoux", d'un poids d'environ 1kg. Ils fabriquent manuellement 130 "cloissoux" par jour, contre 500 à l'aide d'une machine entièrement concue par Pierre Gimbert. Nécessitant 30 "cloissoux" pour un mètre carré de toiture, les chaumiers les attachent directement aux lattes de la charpente, espacés de 30 cm environ, par un lien de paille également. Superposés, les "cloissoux" sont ficelés entre eux par un autre lien de paille.-----La fiabilité des toits de chaume
D’une épaisseur de 60 à 70 cm d’épaisseur, le toit de chaume ne laisse "pas passer la pluie", rétorque Pierre Gimbert à la question souvent posée par les gens. "La pluie passe sur les premières pailles, puis ça s'arrête-là", justifie-t-il. "C’est très isolant, même au niveau phonique et ça vaut mieux qu’un toit moderne", insiste-t-il encore. Et au prorata des maisons en dur, "il en brûle beaucoup moins", poursuit-il enfin. La qualité de la paille actuelle permet une durée de vie de 30 à 35 ans, voire 40 ans pour ce style de toit, dix ans pour la partie la plus exposée, le faîtage. "Chaque fois qu’il y a un petit souci, il faut réparer", prévient simplement le grand-père. 

Le toit de chaume, une obligation pour la sauvegarde du patrimoine 
"A Moudeyres et Bigorre, le toit de chaume est une obligation", relève l’artisan. "Les propriétaires bénéficient de subventions, bien qu’insuffisantes", estime-t-il. Néanmoins, certains optent pour un toit de chaume par choix personnel, et non par obligation, pour conserver le "style ancestral de ces maisons", sans une quelconque aide financière dans ce cas-là.
G.D. 
 

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