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La justice : nouvelle arme contre le projet de déviation St-Hostien/Le Pertuis

Par nicolas@zoomdici.com ven 29/01/2021 - 17:00 , Mise à jour le 28/09/2021 à 00:00

Quatre associations ont déposé deux recours devant le tribunal administratif pour stopper le grand chantier en cours de la Région. Ce 28 janvier 2021, la friction entre les porteurs du projet et les opposants a ainsi pris une dimension d’un autre niveau.

« Nous avons tout fait pour ne pas en arriver là, assure Jean-Jacques Orfeuvre, vice-président de la FNE 43 (France Nature Environnement). Nous ne voulions absolument pas saisir la justice pour faire entendre notre voix et pointer du doigt les dysfonctionnements du dossier. La preuve est le nombre d’actions que nous avons réalisées depuis que ce dossier est sorti l’année dernière ». Pétitions, communiqués de presse, opérations physiques de sensibilisation auprès du public, manifestations... Pléthore sont en effet les actions des dizaines d’associations de défense de l’environnement pour s’opposer au chantier à 226 millions d’euros, financé en grande partie par la Région Auvergne Rhône-Alpes.

« Nous avons bon espoir de voir les travaux arrêtés avec le premier recours suspensif. Il y a trop de choses qui ne vont pas dans ce dossier. C’est impossible que ça passe ! » Francis Limandas

« Voilà pourquoi nous avons décidé de saisir la justice »

« On a dénoncé les mensonges de la communication adverse, continue Jean-Jacques Orfeuvre. Nous avons demandé, en vain, que l’enquête publique soit rallongée pour que les personnes, parties en vacances estivales, puissent y participer. On a donné des solutions alternatives qui n’ont jamais été écoutées et encore moins étudiées. Et tous nos entretiens avec le préfet de la Haute-Loire ont échoué. Voilà pourquoi nous avons décidé de saisir la justice en y déposant deux recours. »

Francis Limandas, président de FNE 43, explique les deux recours déposés : « Le premier est un référé de suspension pour saisir très vite la justice afin de mettre un frein aux travaux commencés. Pour le second, il porte sur le fond du dossier. Celui-ci permettrait de faire totalement annuler le chantier et d’étudier d’autres solutions beaucoup moins invasives et destructrices ». Si dans le premier, le juge peut prononcer sa décision dans les jours qui viennent, le second est un combat de longue haleine qui peut s’étaler sur plusieurs années.

"Le projet de déviation de la RN88 a été pensé à l’époque du tout-voiture. Déclaré d’utilité publique en 1997, il sort de terre à l’identique 23 ans plus tard dans un contexte où crise climatique et 6ème extinction de biodiversité sont affichées comme des priorités de l’action publique, voire à l’article premier de notre constitution ?

Construire ces 10,7 km de route, c’est détruire 140 hectares d’espaces naturels, forestiers et agricoles, 16 habitats d'intérêt communautaire, plus de 100 espèces protégées, dont trois d’entre-elles bénéficient même d’un plan national d’action pour assurer leur préservation.

Cette déviation nécessite aussi le déplacement de plusieurs cours d’eau et traverse un périmètre de captage rapproché pour l’eau potable. Sans compter l’impact majeur d’une telle infrastructure nécessitant un grand viaduc et d’importants déblais et remblais dans un relief mouvementé à haute altitude impactant fortement un paysage qui fait pourtant l’attractivité du territoire. Enfin, elle impacte pas moins de 29 exploitations agricoles.

Les espèces protégées impactées :

  • 3 espèces végétales protégées
  • 51 espèces d'oiseaux protégées (dont le milan royal et une espèce de pie-grièche)
  • 6 espèces de reptiles (dont la coronelle lisse)
  • 5 espèces d'amphibiens (dont le triton crêté et la salamandre)
  • 13 espèces de mammifères protégées (dont la loutre d'Europe)
  • 22 espèces de chiroptères (chauve-souris). Parmi ces espèces, trois bénéficient d’un Plan national d’actions (« PNA Chiroptères », « PNA Milan royal » et « PNA Loutre d’Europe ») afin d’assurer la conservation et la restauration de ces espèces parmi les plus menacées en Europe.

Pas opposés à faire quelque chose mais avec des alternatives

Ensemble, la FNE 43, SOS Loire Vivante, le REN (Réseau Écologie Nature) et l’association de la Fnaut 43 (Association des Usagers des Transports d’Auvergne), certifient qu’ils ne sont pas fondamentalement opposés au projet. « Nous ne sommes pas dans l’affrontement systématique, assure Jean-Jacques Orfeuvre. Ce n’est pas une posture. On ne s’est pas, par exemple, confronté aux travaux de la section d’Yssingeaux. En quelques années, il y a eu six morts sur cette portion. Par contre, un seul décès a été répertorié en dix ans sur l’axe Le Pertuis/Saint-Hostien. Et pour la tranquillité des habitants des deux villages, nous comprenons qu’il faut faire quelque chose ».

« En ce qui concerne les mesures compensatoires, elles apparaissent tellement énormes que je doute très fortement qu’elles soient en totalité appliquées ». Colette Chambonnet

« Il faut arrêter de penser le béton comme une religion »

Francis Limandas complète les propos de Jean-Jacques Orfeuvre : « Le discours tenu par la Région qui est de mettre en 2X2 voies tout le trajet Saint-Etienne/Le Puy est déjà faux, précise-t-il. Car il y a deux viaducs qui ne sont qu’à 2X1 voies comme celui du Lignon. Et vu leur volume, il est irréalisable qu’ils soient doublés. »

Pierre Pommarel, porte-parole de l’Association des Usagers des transports d’Auvergne (AUTA), précise quelques pistes possibles d’alternatives. « Nous pourrions élargir des portions de routes déjà existantes afin de fluidifier la circulation. Mais surtout il faut arrêter de penser le béton comme une religion. Pourquoi ne pas créer des lignes ferroviaires directes entre Le Puy et Firminy ou avec des points de croisements supplémentaires ? Il faut également développer les transports en commun pour réduire le nombre de voitures sur la route. Nous sommes arrivés à une époque où il est nécessaire de penser autrement, de se déplacer différemment ».

Un arrêté préfectoral pas respecté selon les associations

D’après les associations présentes, un arrêté préfectoral n’a pas été respecté par les constructeurs. « Le chantier commence mal !, démontre Jean-Jacques Orfeuvre. Des mesures environnementales de protection prévues par le préfet ont été bafouées. Le préfet avait interdit l’abattage des arbres si la température extérieure s’établissait en-dessous de -5°C. Ceci afin que la petite faune puisse s’échapper. Cette condition n’a pas été suivie ».

Autre point, les zones fragiles devaient être balisées physiquement pour que les engins ne viennent pas les détériorer. « Aucun balisage n’a été appliqué », déplore Colette Chambonnet de SOS Loire Vivante. Jean-Jacques Orfeuvre précise : « Le préfet nous a écrit le 18 janvier qu’il veillait personnellement à ce que son arrêté soit suivi. Ce n’est clairement pas le cas. Les travaux de nuits sont également interdits sauf pour « nécessité impérieuse ». Est-ce une nécessité impérieuse que de couper des arbres et de remuer de la terre ? Pourtant, les engins travaillaient toujours ce lundi 25 janvier aux alentours de 19 heures ». Les associations ont d'ailleurs déposé une plainte auprès de l’Office français de la biodiversité.

« Je ne pense pas que les habitants des 11 autres départements de la grande Région soient d’accord pour que 226 millions d’euros du budget régional soit dépensés pour 10 km de route ». Francis Limandas

Le paradoxe de la communication

« La Région vente notre département, nos paysages, notre tourisme, la qualité de vie de nos régions et on va créer des viaducs de bétons, des routes démesurées et des déplacements de millions de tonnes de remblais », s’étonne Francis Limandas. Il conclue : « Au delà de l’atteinte aux espèces animales, c’est une atteinte à l’environnement au sens large du terme ».

Biodiversité à l’agonie, réchauffement climatique, pollution, épuisement des énergies fossiles, pénurie planétaire de sable, disparition des zones humides, hécatombe animale... Une chose est certaine. Les fléaux s’amoncellent toujours plus à mesure que l’Homme trace sa route.