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A Brives Charensac, Chez Prat, une page est tournée

jeu 24/12/2020 - 17:28 , Mise à jour le 25/01/2021 à 00:00

Nous arrivons chez Prat pour faire un article d'ambiance ce mercredi 23 décembre 2020, avant-veille de Noël suite au départ du propriétaire connu de tous. C’est déjà trop tard, le couple Prat a rendu son tablier officiellement depuis le 22 décembre. C’est aujourd’hui le premier jour de la nouvelle époque.

Mi décembre 2020, lorsque Sandra s’apprête à ressortir de son bureau de tabac habituel, route de Lyon à Brives Charensac, Marie Prat, la propriétaire lui avoue “On a vendu, vous savez, la semaine prochaine, ce seront les nouveaux gérants qui seront là ”. Aussitôt, Sandra en parle à Guillaume (*les prénoms ont été changés) qui lui répond qu’il le savait depuis quelques jours : "Quelqu’un le lui avait déjà dit". En effet, le bruit avait fait le tour de la petite ville des bords de Loire en moins de temps qu’il ne faut pour dire ouf !

Prat, c’est une institution à Brives depuis 1976

C’est d’ailleurs aussi comme ça que nous l’avons appris alors que nous ne sommes même pas clients. A l’échelle de Brives, c’est une sorte d'événement mais c’était un peu attendu car le commerce était à vendre depuis trois ou quatre ans. Il faut dire que Prat, c’est une institution à Brives, comme chez Pradines le bar d’en face ou La Loire, à côté. Ce sont les mêmes têtes qui vous y accueillent depuis longtemps. Les propriétaires ne changent jamais. Chez Prat, le précédent grand changement datait de 1976, c’est dire.
Les gens savent aussi que le bureau de tabac-presse est ouvert aussi le dimanche. D’ailleurs, c'est un des rares commerces qui est resté ouvert pendant le confinement, le tabac étant considéré comme un produit de première nécessité. Par contre, on ne peut plus y boire son petit café.

L'époque d'avant

Prat c’est un commerce qui n’a pas de nom et n’en n’a jamais eu. On a toujours dit, "On va chez Prat" ou encore "Mon colis est chez Prat", "Tiens je t’ai vu l’autre jour sortir de chez Prat".

Comme Trump, il va désormais se consacrer au golf 

Quant à Pierre Prat que nous avons dérangé au téléphone dans son premier jour "off", il dit sans ambage : “Moi, ça va très bien. Vous savez je ne suis pas trop du type ancien combattant. Là, c’est terminé pour moi, je crois que j’ai fait mon temps. J’y ai quand même consacré ma vie alors, aujourd’hui, la page est tournée et c’est très bien comme ça. Aucune nostalgie".
Pierre Prat est un amateur passionné de golf et c’est à ça qu’il compte consacrer sa vie dorénavant. Au golf de Ceyssac, précise-t-il. Comme Trump en quelque sorte dont il partage un peu le charisme selon ses anciens clients, mais sans doute pas trop les idées toujours selon ces mêmes clients.
On raconte qu’à une époque, les gens se tenaient parfois en trois rangées le long du comptoir de six mètres. 
Derrière ce comptoir, il y avait Pierre et Marie Prat, lui dès l’ouverture, elle plutôt le soir au moment de la fermeture vers 19 heures sauf le dimanche où on ferme à 12h30.

Pierre, je suis sa locataire depuis des années. J’habite au-dessus du bar, explique Germaine, c’est toujours lui qui ouvrait la boutique. Je l'entendais arriver le matin. En général il était là bien avant 6 heures,et ça  tous les jours”. A partir de ce moment-là, le commerce ne désemplissait pas. On a du mal à imaginer la vie et le passage qu’il y a dans ces établissements. C’est une véritable fourmilière où ça entre et ça sort sans cesse sauf que là, on vous connait, on connait vos habitudes, on distingue les jours où ça va et ceux de blues. Dans une économie de mots, le patron, la patronne ou Sandrine savent vous signifier qu’il ou elle a compris et qu’il ou elle compatit, d’un sourire ou simplement d’un "Allez courage, à bientôt".

Depuis 27 ans Sandrine Chouvier travaille là aussi. Elle, elle va  rester encore quelques années aux côtés des nouveaux propriétaires Simon et Séverine Fougerouse.

Sandrine Chouvier derrière le comptoir et Honnette de l'autre côté, des figures connues Photo par Th Chabanon

La nouvelle époque

Depuis le confinement, l’endroit n’est plus tout à fait comme avant. Avant, on y venait aussi pour boire un café mais là, depuis mars ce n’est plus possible. Alors les gens entrent, commandent un paquet de tabac, un jeu à gratter ou font un loto, payent et s’en vont. Il manque donc un peu de cette vie d’avant et c’est vrai qu’acheter un commerce, en ce moment, il y en a qui ont dit à Simon que c’était un peu fou. Son père en particulier, un Michelin historique, le lui a dit et redit. “Mais bon, avec Séverine, on voulait changer de vie depuis longtemps, confie Simon, on voulait travailler ensemble et le faire pour nous. On n’avait pas particulièrement pensé investir dans un bar-tabac, et puis il y a eu cette occasion. J’ai fait une rupture conventionnelle et, nous voilà.”
Simon n’est pas étranger à Brives Charensac puisqu’il adhère au club de tennis. Il a 44 ans. D’ailleurs, ce mercredi, il semble déjà parfaitement à l’aise avec les clients qu’il reconnaît et appelle pour beaucoup par leur prénom déjà. “C’est vrai que je suis assez physionomiste” . Il le faut parce qu’avec les masques, ce n’est pas si évident.

Simon connait déjà le prénom de nombreux clients Photo par Th Chabanon

Il y a quand même eu un tuilage entre les anciens et les nouveaux pendant trois semaines. Mais, entre les deux gérances, il n’y a personne qui ait eu l’idée de faire une photo souvenir.

"C’est comme ça que Simon voit les choses. Dans la continuité"

Du coup, la passation s’est faite de façon assez naturelle pour les clients aussi. “Moi je viens ici depuis 1985", explique cette dame masquée avec ses petits enfants. "Si ça a changé ? Non pas vraiment ! Ah, les nouveaux patrons,vous voulez dire? Oui bien sûr ” remarque-t-elle d’un haussement d’épaules.

Pour Germaine non plus, ça ne va pas changer. Germaine vient tous les jours depuis l’étage pour chercher son journal. Elle utilise une porte dérobée. Elle a bien eu peur un moment de ne plus pouvoir profiter de ce privilège et se demandait même si elle n’allait pas se faire livrer le journal. “Mais non, ça va continuer comme avant”.

Simon et Séverine n’arrivent pas avec l’intention de tout changer et tout refaire. “Pas pour le moment en tout cas. C’est vrai qu’il faudrait sans doute rafraîchir mais pour le moment, on garde les pieds sur terre et on ne change rien. On va avancer un peu comme ça et quand tout ça, le Covid, la crise seront passés alors, on verra”.

Pour notre part, on est resté une petite demie-heure dans l’établissement et vraiment on peut dire que de voir autant de monde en si peu de temps, ça nous a changé de l'ambiance confinement et couvre-feu. Le bar-tabac-presse, c'est vraiment un lieu social où on rencontre une grande diversité de population. On comprend mieux ce que veulent dire les maires quand ils se battent pour que ce type de commerces ne ferme pas dans leur village.

Seul petit bémol quand même, il semblerait que depuis mars, la vente de tabac soit repartie à la hausse !

T.C.

S & S Fougerouse viennent de reprendre chez Prat à Brives ce 22 déc 2020 Photo par Th Chabanon