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Com d’agglo : La question de l’eau noyée sous les sigles mais, pas que...

Par . . lun 28/12/2020 - 06:30 , Mise à jour le 24/02/2021 à 00:00

Il faut un carnet pour se rappeler tous les sigles utilisés autour de l’eau dont on peut se demander s’ils participent bien à la simplification du millefeuille administratif et de la vie publique quand on se place du point de vue de l’usager. Lors du dernier conseil de la communauté d’agglomération du Puy, l’eau était le sujet de 14  votes sur les 100 motions à l’ordre du jour .

C'est la loi NoTre (acronyme de Nouvelle organisation Territoriale de la République) de 2015 qui a conduit à la naissance de la nouvelle Communauté d'Agglomération du Puy-En-Velay (CAPEV) à 72 communes. Cette loi impose aux EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale) de prendre à la place des communes qui la composent un certain nombre de compétences dont la gestion de l'eau ne fait pas partie. Elle est une compétence optionnelle. 

Au Puy-en-Velay, on a fait ce choix. Cela a bouleversé la façon de gérer l'eau dans beaucoup des communes qui étaient soit en régie directe soit dans un ancien groupement comme celles qui adhéraient au S.E.A.V.R. (Syndicat des Eaux du Velay Rural).
Dans l'ancienne communauté d'agglomération, c'était le S.A.E. (Service Eau et Assainissement) installé à Chadrac qui gérait la distribution et l'assainissement et surtout qui établissait la facturation.
Ce S.A.E. est devenu D.E.A. (Direction de l'Eau et de l'Assainissement) le 1er janvier 2017. Cette nouvelle direction a vocation à devenir au 1er janvier 2021 gestionnaire unique de l'eau pour les 72 communes de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay. Les enveloppes de nos factures d'eau sont donc désormais siglées DEA CAPEV.
Enfin, encore un sigle pour introduire complétement le sujet, le S.G.E.V., Syndicat de Gestion des Eaux du Velay. C'est un organisme prestataire de service qui effectue la plupart des prestations techniques pour la D.E.A. dont les bureaux sont situés sur la zone industrielle de Taulhac.

D.E.A. Le nouveau sigle pour la gestion de l'eau de la CAPEV Photo par Th Chabanon

La gestion commune de l’eau et de l'assainissement au Puy, un choix imposé  aux 72 communes de la CAPEV

Chaque conseil d'Agglo est l'occasion de débats largement préparés en commissions et lors de réunions de concertation avant ce transfert de compétence. C'est ce qu'a rappelé Michel Joubert pendant le conseil du 11 décembre : "on en a déjà largement parlé et ce n'est pas lieu ici d'avoir ces débats qui sont en outre très techniques". Il répondait à Cécile Gallien, maire de Vorey, dont la commune faisait partie du SEAVR et qui venait de poser les questions suivantes : "Y a-t-il eu véritablement concertation ? Les élus des communes ont-ils compris les enjeux ? On casse un outil qui fonctionnait parfaitement bien".

Sans entrer dans les détails, elle reprochait à l'exécutif de la Capev, qui représente, jusqu'à ce que la nouvelle organisation soit mise en place, les communes adhérentes au sein des conseils de gestion des autres syndicats, de ne pas avoir suffisamment concerté et expliqué ce qu'il adviendrait dans les communes.

Pour le moment, le directeur de la DEA , M. Ferrer dit être dans l'attente de l'arrêté préfectoral qui actera la mise en place du nouveau système. Le retard semble dû au fait que les transferts et soldes des actifs-passifs des anciennes structures ont du mal à passer. Cet arrêté devait être pris avant la fin de 2020 pour que le nouveau système puisse être effectif au 1er janvier 2021.

Malgré les propos rassurants du président de la communauté d'agglomération, les réunions de concertation n'ont pas toujours suffi par le passé à éclaircir tous les débats. Le cas de la commune de Saint-Pal de Senouire semble, de ce point de vue exemplaire.

Le cas de Saint-Pal de-Senouire, mariée puis divorcée d’avec la CAPEV pour la question de l’eau et de son prix.

Nous sommes remontés dans les archives de Zoomdici jusqu'en avril 2019. A cette date, nous écrivions alors dans un article intitulé "Saint-Pal-de-Senouire & l'Agglo du Puy : un divorce par consentement mutuel" que l'une des motivations principales de la commune et des habitants de Saint-Pal de Senouire était de "prétendre à une autonomie dans le domaine de l'eau et de l'assainissement avec maîtrise des tarifs".

Consentement mutuel, c'est à voir. La mairie de Saint-Pal de Senouire écrivait ainsi dans son bulletin de 2019 disponible ici : "Lors de cette réunion (NDLR où étaient présents le président de l'Agglo et le directeur de la DEA) c’est avec stupéfaction que nous avons appris que les compétences étaient officiellement transférées depuis le 1er janvier 2018. Nous avons interrogé l’Agglo qui a déclaré avoir été informée en septembre. Pendant 8 mois, l’Agglo ignorait qu’elle avait les compétences et la commune ignorait qu’elle n’avait plus les compétences. Cherchez l’erreur !".

On lit quelques lignes plus bas "qu'en restant dans la Communauté d’Agglomération il est annoncé une augmentation de X8 pour équilibrer les budgets et ne pas pénaliser les autres communes."

La commune a organisé une consultation citoyenne qui a acté la volonté de rejeter l'adhésion à la CAPEV pour se rapprocher de la communauté de communes des rives de l'Allier située sur le  même bassin versant, celui des eaux de l'Allier.

Les eaux de la Senouire Photo par Archives extrait site Web commune de St Pal de Senouire

Vers une exception pour les eaux pluviales ?

Encore un sigle, GEPU (Gestion des Eaux de Pluie Urbaine). En gros il s'agit de la gestion des écoulements et de leur rétention et traitement des eaux de pluie quand celles-ci sont polluées au contact des sols artificialisés. La question n'est pas neutre non plus dans le milieu rural. En cette matière, la communauté d'agglomération souhaiterait que cette compétence reste à la charge des communes. Le président Joubert expliquait ainsi en juin : "on ne va pas envoyer des techniciens de l'Agglo pour déboucher un fossé qu'un employé communal pourra rouvrir en moins d'une demi-journée".

Lors du même conseil, le sénateur Laurent Duplomb expliquait qu'il travaillait au Sénat pour faire modifier la loi NoTre en cette matière des eaux de pluie et disait en juin être sur le point d'y arriver.

En réalité, il ne s'agit pas que de déboucher des fossés. On ne compte plus les événements climatiques violents qui font déborder les ruisseaux et qui ravagent les villages, surtout dans les zones pavillonnaires dont les sols ont été artificialisés et dont les écoulements sont sous-dimensionnés. En juin, on émettait l'hypothèse que les inondations à Brives-Charensac provenaient du débordement des bassins de rétention de la nouvelle route mais, on avait pu nous-même constater que l'entretien des fossés d'évacuation n'était souvent plus fait depuis longtemps. Ces calamités sont appelées à se multiplier et leur prévention risque d'avoir un coût de plus en plus élevé ainsi que celui du traitement des eaux de ruissellement.

Certains pensent que la solution de bon sens serait de multiplier la création de bassins de rétention ou retenues collinaires.

Le SDAGE et la motion Haute-Loire : les jouisseurs dament le pion aux prévoyants

Encore un nouveau sigle : SDAGE.

La gestion de l’eau est réglementée par le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux" déclarait l'introduction d'une motion présentée par l'élue ponote Caroline Barre en fin de conseil communautaire. La même motion a été votée le vendredi 18 décembre au conseil municipal du Puy. Ces deux textes sont rédigés sur un modèle établi à la Région.

Pour notre territoire, le SDAGE est celui du bassin versant Loire Bretagne. Il y a un autre schéma en région AuRA, le SDAGE Rhône Méditerranée. Définis pour la période 2016-2021, ils doivent tous deux être revus pour 2022.

A priori pas de rapport entre les deux SDAGE et pourtant : "Depuis des années le barrage de Montpezat prélève des millions de m3 dans la Loire pour les reverser dans le Rhône via la rivière Ardèche", dénonçait Cécile Gallien en session publique, le 12 décembre toujours. Le président Joubert répondait que "c'était vrai et su de tous mais que ce qu'on ne dit jamais c'est que le schéma prévoit que si nécessaire, l’eau est rendue en hiver".
Cela demande vérification.

Au-delà, sur le fond, la motion soutenue par la majorité demande la possibilité de modifier la loi pour permettre la multiplication des retenues collinaires qui seront utilisées pour le profit essentiel de l'arrosage en agriculture. Cette demande est une revendication de la FNSEA.

Elle se trouve pourtant en totale opposition avec de nombreuses études, y compris au sein même des Services de l'Eau et de l'Assainissement du département de la Haute-Loire (le S.E.A.) qui affirme que cette solution n'est pas pérenne. Pour ses techniciens, les retenues collinaires, en privant les nappes et les cours d'eaux de leurs ressources naturelles ne font, au final, qu'aggraver la perte de ressources surtout si l'on prend en compte le facteur d'évaporation.

Conf Presse sur la qualité d'eau en Hte-Loire Blavozy Juillet 2020 Photo par Th Chabanon

En clair, pour les spécialistes de l'eau, la multiplication des retenues collinaires est une fausse bonne idée, en même temps qu'une aberration écologique qui va accentuer le réchauffement des eaux de surfaces et casser encore plus le dynamisme de la ressource, déjà très fragilisée par le réchauffement climatique.
Au conseil d'Agglo, comme durant le conseil municipal, Laurent Johanny (Génération.s) est monté au créneau pour dénoncer le vote de cette motion qui a reçu de la part des élus, à quelques exceptions dissidentes, un très large vote d'approbation.
Derrière ces batteries d'arguments se livre donc un combat féroce pour la maîtrise décisionnaire de la gestion de la ressource en eau qui oppose les prévoyants et les jouisseurs.