Fausses factures au CCAS du Puy : la comptable explique comment elle a craqué

mar 28/04/2015 - 19:08 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:33

Une employée du Centre communal d’actions sociales (CCAS) du Puy-en-Velay de 52 ans et mère de trois enfants, a été présentée devant le tribunal correctionnel du Puy ce mardi 28 avril 2015. Elle est soupçonnée d’avoir détourné près de 160 000 euros depuis les comptes bancaires du CCAS vers ceux de ses deux filles. Les faits qui lui sont reprochés correspondent à la période de prescription de trois ans, du 8 juillet 2011 au 11 juin 2014, soit un détournement de quelque 137 000 euros. L'employée ne pourra donc pas être condamnée au remboursement de 23 000 euros détournés au delà de la période de prescription. Le Trésor public a déposé plainte, mais ne s’est pas porté partie civile. En revanche, le CCAS s’est constitué partie civile.
Plusieurs chefs d’accusation sont reprochés à l'employée : escroqueries, établissement de fausses factures et utilisation de ces faux. Au total : 15 fausses prestations sociales et 75 détournements en tant que dépositaire public pour un détournement total de près de 137 000 euros.

 

20 000 euros par an pour six véhicules
Le pot aux roses a été découvert grâce à un contrôle de la chambre régionale des comptes au printemps 2014. Les juges financiers remarquent un poste de comptage pour entretien du matériel roulant (six véhicules) d’un montant de 20 000 euros par an. Ce qui est « extrêmement important pour la flotte » . 

 

La procédure habituelle
A la réception des factures, elles sont entrées par informatique avant d’être transmises à l’employée en question. Cette dernière, en qualité de comptable, doit ensuite établir des bordereaux et mandats correspondant aux montants des factures. La directrice et le président du CCAS doivent ensuite les valider avant le paiement par le Trésor Public. Isabelle Keirle, directrice du CCAS, précise : « Je n’ai pas vu ces bordereaux. »

 

Dans une situation de surendettement
La comptable s’est retrouvée dans une situation familiale catastrophique à la suite de la condamnation de son mari (en dehors du cadre de sa profession), également employé municipal. La mère de famille s’est vu obligée de participer au paiement de dommages et intérêts. Emprunts après emprunts, l’employée du CCAS finit même par être surendettée. « Je ne savais plus quoi faire », lâche-t-elle. La mise en cause confie également avoir fait quelques achats compulsifs. Depuis la condamnation de son mari, l’épouse avoue avoir sombré dans l’alcool. Sur le plan professionnel, la responsable de la comptable, Isabelle Keirle, la décrit comme « indépendante et difficile à gérer », ce que dément l’intéressée.

 

« Je savais que ça allait être découvert »
Dans cette situation de détresse, la quinquagénaire fait la première fausse facture depuis son bureau. Elle confie n’y avoir jamais pensé avant. « La première fois, c’est passé. Ça a été un engrenage », explique la comptable. Elle fait verser l’argent sur les comptes de ses filles. 
Alors que la mise en cause était en arrêt-maladie, elle se serait rendue sur son lieu de travail pour effectuer des manoeuvres informatiques pour que les mandats frauduleux soient rejetés, pour brouiller les pistes. Elle, dément toute tentative pour dissimuler ses démarches. Elle avoue : « Je savais que ça allait être découvert. » L’employée dit avoir envisagé en parler à un travailleur social en 2013.

Les regrets de l'intéressée

Sur l’ensemble des détournements, la comptable en reverse 70% sur son compte personnel, elle laisse le reste sur les comptes de ses filles. Le président du tribunal, André-Frédéric Delay, s’étonne : « Personne n’a rien vu ? Vos filles touchent une allocation de personnes handicapées, ce qui doit représenter 800 euros mensuels. Et les banquiers ne se sont pas étonnés de voir des milliers d’euros ? » Non, personne n’a rien vu. « J’ai que des regrets d’avoir trahi le CCAS qui oeuvre pour aider les gens », termine l’employée municipale. Le CCAS justement, partie civile, ne réclame pas une sanction pénale mais une interdiction d’exercer et le remboursement des montants détournés.

Encore un peu d'attente

Le procureur, Jacques Louvier, demande la relaxe pour escroquerie, comme la défense. Il réclame dix mois d’emprisonnement avec sursis, une interdiction d’exercer en fonction publique pendant une durée de trois ans, ainsi qu’une interdiction de bénéficier de ses droits civiques et familiaux pendant cinq ans. La défense dénonce un emballement médiatique et politique autour de l’affaire.
L'employée est, pour l'instant, en arrêt maladie et en procédure de licenciement. 
Le délibéré sera rendu le 12 mai prochain.

 

E.J.

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