Tous

Polignac

Abattoirs : pour "tordre le cou aux préjugés"

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:45

C'est l'un des grands tabous de notre société. La viande : beaucoup en mangent, peu veulent en connaître la provenance. En France, seuls six abattoirs ont organisé des portes ouvertes lors de l'événement "made in viande" cette semaine. Celui de Polignac en fait partie. Jeudi 18 avril, l'établissement a proposé au public des visites d'une demi-heure. Zoomdici s'est glissé parmi les participants.

A l'intérieur de ces locaux de l'agglomération ponote, de grandes salles sont reliées par l'immense chaine mécanique qui transporte les carcasses. Une odeur de viande fraiche règne. Trente hommes et femmes en blouse blanche s'y activent dans la bonne humeur, malgré l'embauche à 4h du matin. Ils ont répondu à nos questions.
1. Les animaux souffrent-ils?
C'est LA question médiatique de ces dernières années. Il y a trois ans, des vidéos prises en caméra cachée dans des abattoirs français avaient révélé des problèmes au moment de la mise à mort. Ces images avaient jeté l'opprobre sur la filière viande. Jacques Breysse, directeur des abattoirs de Polignac, s'en défend avec force. "Ces images volées ont été tournées pendant trois mois dans des abattoirs, pour finalement réaliser un montage de 40 secondes. Le procédé est injuste. Certes, il y a eu des dysfonctionnements, mais on ne peut pas accuser les abattoirs de cruauté systématique envers les animaux".

Comment le moment fatidique se déroule-t-il à Polignac? "Comme ailleurs, les animaux sont rendus inconscients dans un premiers temps, puis abattus par saignée dans la foulée. Il n'y a aucune souffrance."
Le public peut-il voir ça? Embêté, Jacques Breysse fait non de la tête. "On ne préfère pas montrer l'abattage, c'est un sujet sensible, qui peut être mal interprété. Chez certains observateurs l'affect prend le dessus, il devient difficile de raisonner. Et pour comprendre un abattage il faut des notions poussées d'anatomie et de psychologie."


Jacques Breysse, directeur des abattoirs de Polignac / Photo CL

Le professionnel préfère "une approche sereine du débat". Il assure que depuis le scandale des caméras cachées, la profession s'est remise en question. "Désormais, tous les employés des abattoirs passent un certificat d'aptitude qui atteste de leurs connaissances en bien-être et protection animal. Cela comprend la partie précédant la mort, pendant laquelle les animaux doivent être convenablement installés, abreuvés et nourris."
2. L'hygiène est-elle respectée?
Question hygiène, difficile de faire mieux qu'aux abattoirs de Polignac. Avec une pointe d'exagération, on pourrait presque comparer les conditions de travail à celles d'un labo pharmaceutique. En combinaison de la tête aux pieds, les employés passent leurs bottes au jet d'eau à chaque entrée. Les gants sont de rigueur dans l'ensemble des locaux. Locaux pris d'assaut par les équipes de nettoyage dès la fin des opérations.

Cette hygiène est étroitement contrôlée par des services vétérinaires mandatés par l'Etat. "Ils sont présents en permanence sur les lieux de l'abattage", assure le directeur. Docteurs et techniciens vétérinaires vérifient l'état de santé des animaux dès leur arrivée. "Une bête présentant une pathologie sera immédiatemment écartée du processus", indique un représentant de ces services. Côté découpe et stockage, des contrôles sont effectués régulièrement, comme pour un commerce ou un restaurant.
3. Sait-on d'où viennent les bêtes?

La "carte d'identité" d'une bête / Photo CL

"Bien sûr, la tracabilité est la clef de voûte de notre activité", affirme Jacques Breysse. En exemple, il montre aux visiteurs la "carte d'identité" d'un veau. Un document vert et rose, qui comprend la race, la date de naissance, le nom de la mère de l'animal, et quantité d'autres informations. "Cela nous permet de savoir d'où vient l'animal à tout moment". Depuis le scandale de la vache folle, "les normes ont explosé, et notamment les exigences de tracabilité." Un animal aux abattoirs, "c'est comme quand on va changer sa carte grise à la Préfecture. Si vous n'avez pas vos papiers ce n'est pas la peine."

Des bêtes tracées, d'accord, mais d'où viennent-elles? "De petits producteurs locaux, en majorité. Puis nous vendons la viande à 80% aux boucheries et rayons boucherie de la grande distribution. On ne multiplie pas les adresses de fournisseurs et d'acheteurs pour faire des économies." La communauté d'agglomération du Puy, qui détient l'abattoir, assure que celui-ci est "destiné aux circuits courts".
4. Est-ce un métier difficile physiquement?
Si Jacques Breysse accueille le public dans les abattoirs qu'il dirige, c'est pour "tordre le cou" aux préjugés les plus tenaces sur son métier. L'un d'entre eux concerne les employés. "On croit à tort que ce métier est plus physique qu'intellectuel. C'est faux. Les normes actuelles demandent des connaissances techniques bien supérieures à ce que l'on pense." Que l'on ne se méprenne pas, le travail physique existe toujours, bien qu'assisté par la chaine automatisée ou les scies circulaires. Mais dans les abattoirs comme celui de Polignac, on trouve pratiquement autant d'écrans d'ordinateurs que d'outillage lourd, de bureaux que de salles de découpe. Voilà un préjugé de plus abattu. Espérons qu'il n'a pas souffert.
Clément L'hôte

Vous aimerez aussi

Vos commentaires

Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire