[Vidéo] Vincent Duseigne a les "petites gens" dans le cœur

Par Clara Serrano , Mise à jour le 30/04/2024 à 11:50

Urbexeur passionné, Vincent Duseigne est bien plus que ça. "Archéologue familial", c'est le terme qu'il a trouvé pour qualifier son activité quelque peu chronophage. Son objectif, découvrir et raviver la mémoire des petites gens disparues, et de leurs demeures abandonnées. Vidéo en fin d'article.

Il sillonne depuis déjà de nombreuses années la région, le pays, et même le continent pour explorer des bâtiments abandonnés. Vincent Duseigne est un fervent urbexeur.

Mais bien plus que faire des photos, explorer des lieux abandonnés ou ressentir des sensations fortes, ce que recherche le jeune papa, c'est l'histoire. L'histoire de ces personnes, qui un jour sont parties, ont laissé, du jour au lendemain, leur habitation, leurs effets personnels, leurs souvenirs. Et pour chacun, il tente de remonter le cours de leur vie, grâce à des photos, documents, courriers, etc, puis de raviver leur mémoire. 

« Disséminer le bonheur à mon échelle »

La raison pour laquelle Vincent Duseigne s'adonne à de telles recherches, et pour laquelle il tente toujours de retrouver l'histoire passée et actuelle des habitants d'une maison abandonnée, c'est sa volonté de « disséminer le bonheur, à [son] échelle. »

En effet, il se qualifie comme un passeur de mémoire. « Ce que je fais, c'est retranscrire l'histoire de la maison. J'ai fait de l'urbex, par le passé, dans des usines par exemple, mais finalement, ce qui m'intéresse, ce sont les recherches, la mémoire des personnes qui ont vécu là, leur histoire. Mais il n'y a pas de mot pour définir ce que je fais, alors je l'ai créé : l'archéologie familiale. »

« Il n'y a pas de mot pour définir ce que je fais, alors je l'ai créé : l'archéologie familiale. »

En mars, il a exploré une de ses dernières découvertes, une maison abandonnée depuis de nombreuses années, mais restée intacte. Cette bâtisse, plantée là, surplombant les terres vellaves, porte sur elle les traces du temps qui passe. Les branchages et la mousse ont recouvert les marches qui menaient à son seuil. 

Vêtements, médicaments, documents, conserves et bouteilles d'alcool. Tout est intact. Photo par Clara Serrano

Pourtant, cette demeure, c'était celle de Cyril... il n'y a pas si longtemps. À notre arrivée, la porte est d'ailleurs encore ouverte.

D'après ce qu'a découvert Vincent Duseigne lors de ses visites, cet homme serait né en 1949, fils de Josette, élevé par Jean.

L'explorateur détaille : «  Josette a pour enfants Jocelyne et Cyril. Cyril est né en mai 1949 et décédé en février 2021. Il fut le dernier habitant de la maison, avant qu’elle ne plonge en plein abandon. Reste que nous pouvons préciser qu'en ses derniers jours, il logeait dans une petite rue médiévale discrète. Des lettres enfantines de Cyril s'adressent à son père Jean avec les termes « mon cher tonton ». Les actes d'état civil vont pleinement nous le confirmer, c'est Jean qui s'est occupé de son neveu, le fils de Josette. Sur le registre de condoléances de Jean, il est mentionné des termes mentionnant "une famille emplie d'une telle générosité", ça je m'en souviens avec acuité. »

Une histoire familiale complexe devenue limpide

Puis il remonte l'histoire de cette famille, quelque peu complexe : « Henri, le grand-père, est né en novembre 1900 et décédé en février 1989. Il était militaire de carrière. Si l'on peut rencontrer des confusions au sujet d'un éventuel métier de médecin militaire, il s'avère après étude qu'il était responsable d'un bureau de recrutement de l'armée. Il a mené ce métier durant 18 ans avec une passion et une intégrité dévorantes. Au jour de ses 40 ans et au début de la Seconde Guerre mondiale, le bureau de recrutement a été démantelé et dans cette période troublée, il a été mis subitement à la retraite. Il habitait au n° 30 boulevard Fayolle, peu de temps après le n° 33 devenait la Kommandantur. Il s'est retiré dans une petite rue de Clermont-Ferrand. »

Il raconte ensuite que ce Henri s'est marié à Maria, avec qui il a eu deux enfants, Josette et Jean. Les photos de lui évoquent un homme qui inspire le respect, par sa stature et sa rigidité, évoquant, selon Vincent, une personnalité riche et intègre. Sa fille, Josette, est née en septembre 1923 et décédée en septembre 2005. Jean, lui, est né en octobre 1925 et décédé en août 2000. 

La poussière témoigne du temps, les objets témoignent des histoires. Photo par Clara Serrano

« La période avec Yves est de toute clarté traumatisante »

Les informations sur ce second enfant sont assez rares, et là encore, des confusions sont possibles sur son exercice de la médecine ou de la psychologie pour enfant. Mais les recherches de Vincent mènent tout au contraire à un métier de cheminot. 

Du côté de Josette, il semble qu'elle ait eu un parcours tumultueux. Elle se marie avec Cyril et divorce, puis avec Yves et divorce, se marie avec Jacques et divorce. Yves était médecin pédiatre. Il porte un nom typique et bien particulier de la Martinique. Au vu de l'abondante documentation sur les Dom-Tom dans la bibliothèque, il ne serait pas forcément étranger que Josette y fasse des séjours. La période avec Yves est de toute clarté traumatisante. Des notes carrément confuses d'un probable psychologue évoquent le nécessaire changement de nom de famille.

Comment expliquer ces mystères familiaux, et l'abandon de cette maison ? Vincent Duseigne ne l'explique pas, mais il précise : « Le mystère reste entier. Josette traversait probablement des épreuves. Cyril fut architecte. Il s'est marié avec Monique et a eu pour enfant Florence. Elle habite actuellement à l’étranger. La famille est inhumée dans un caveau familial de bonne facture. Henri, Maria, Josette, Jean, Cyril, tous s’y trouvent. »

Conserver le souvenir...

Toute cette histoire, Vincent Duseigne l'a parcourue et retracée grâce aux documents et autres objets retrouvés sur place. Mais aussi grâce à des recherches plus approfondies, auprès des archives communales ou autres ressources publiques. 

Alors pour que cette maison et les souvenirs qu'elle contient soient préservés des pillages, des vols et des squats, Vincent a pris soin de refermer méticuleusement toutes les entrées de la demeure.

« J'ai fermé cette porte le plus fortement possible pour protéger la maison. Les gens se sont acharnés à essayer de localiser le lieu, pour voler la moto. Toute photo de la maison vue de dehors peut faire un danger de reconnaissance. »

Et préserver la mémoire

« Ce qui m'intéresse, c'est l'histoire des petites gens, celle du voisin, dont personne ne parle. Et ce qui me fait mal au cœur, c'est de voir que beaucoup de documents laissés sur place périront, soit par la force du temps, soit dans un incendie, soit volés, dépouillés. Alors parfois, je tente de les confier à des archives locales, des musées, des bibliothèques, etc. »

Enfin, après chaque découverte, chaque exploration, chaque enquête, Vincent Duseigne a surtout à cœur de retrouver, et de prendre soin des sépultures de ces personnes souvent laissées sans entretien. 

Il est même parfois arrivé, au cours de ses pérégrinations, que Vincent prenne pour protégée l'une des sépultures qu'il a découvertes : « Parfois, elles sont tellement en mauvais état que je me dis que je dois faire quelque chose. Alors il m'est arrivé d'acquérir une tombe, pour pouvoir l'entretenir et l'améliorer, la rendre plus belle. »

« J'honore les sépultures, comme celle des miens. »

Zoomdici a eu l'occasion d'accompagner Vincent Duseigne lors de son expédition ↓↓

 

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